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Un habit traditionnel atemporel |
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François Essomba · 2021-04-19 · Source: Chinafrique | |
Mots-clés: Cameroun; habit; culture |
De la tradition locale à la représentation internationale
Originaires de Bamenda, chef-lieu de la région du Nord-Ouest du Cameroun, les tenues Atoghu étaient habituellement portées par les membres de la royauté et les notables, hommes et femmes, lors de mariages, fêtes, investitures des chefferies, et autres festivals de grande amplitude. Mais au fil du temps, l’utilisation de cet habillement traditionnel s’est répandue au-delà du cadre des chefferies et des notabilités. Très fiers de leurs traditions et de leurs coutumes, les Camerounais du Nord-Ouest portent avec élégance et raffinement les tenues culturelles de leur souche. Dans leur version modernisée, les tuniques peuvent prendre diverses formes, suivant l’inspiration de l’artisan. Plus récemment, l’utilisation au quotidien a nécessité de remplacer le velours par des étoffes moins lourdes. L’un des premiers axes de modernisation est l’utilisation du tissu aux motifs traditionnels dans des coupes de vêtements modernes. Les tuniques très larges sont remplacées par des tenues stylées et habillées.
Claudette Djou portant un boubou Atoghu, associé à un sac et une chéchia devant sa boutique (COURTOISIE)
Les costumes Atoghu traditionnels sont actuellement les meilleurs ambassadeurs vestimentaires du Cameroun sur le plan international. En effet, c’est même devenu la tenue officielle des sportifs camerounais lors des grands rendez-vous sportifs à l’instar des Jeux olympiques, comme en 2012 à Londres et en 2016 à Rio de Janeiro. Des apparitions qui ne sont pas passées inaperçues car elles ont pu mettre en lumière le Cameroun, l’Afrique et son savoir-faire. Par ailleurs, plusieurs célébrités planétaires sont également tombées sous le charme de ces costumes traditionnels, comme le couple Obama. Stevie Wonder, prince de la pop music, s’est lui aussi vêtu d’une tunique traditionnelle Atoghu lors de sa visite au Cameroun en juillet 1992. Pour rappel, chacune des régions camerounaises dispose d’une pléthore de tenues traditionnelles haut de gamme. Parmi les plus prisées : le Kaba Ngondo, le Sandja, le Ndop ou encore la Gandoura.
Colliers créés pour égayer les tenues Atoghu (COURTOISIE)
Un label de référence
Claude Fashion Traditional Designs est une boutique dédiée à la vente des tenues Atoghu. Située à Bastos, quartier huppé de la ville de Yaoundé, capitale du Cameroun, elle est gérée par Claudette Djou, 39 ans. Celle-ci a quitté Bamenda, sa ville natale, en 2019 suite au conflit armé qui oppose l’armée gouvernementale aux séparatistes anglophones depuis 2016. Après son installation à Yaoundé, elle a continué son activité dans le secteur de la mode traditionnelle. Sa boutique présente des tenues Atoghu sur des stands ou directement sur des mannequins. De nombreux visiteurs y viennent pour se procurer une tenue pour usage personnel ou pour en faire cadeau.
Selon la gérante, son chiffre d’affaires est stable et elle est très sollicitée tant par les clients locaux que par les expatriés. « Ma clientèle est composée de personnes de différentes nationalités, originaires d’Afrique du Sud, du Congo, du Gabon, d’Europe, d’Amérique et même d’Asie », précise-t-elle. Les prix de ses articles oscillent autour de 100 à 250 dollars par tenue pour hommes, femmes ou enfants. Les tenues haut de gamme se vendent entre 500 et 1 000 dollars (pour hommes ou femmes), selon le modèle et en fonction du temps consacré à sa confection. Elle explique également que la confection d’une tenue peut prendre une semaine pour certains modèles, voire un mois ou plus pour d’autres. Ces tenues se portent habituellement accompagnées d’accessoires tels que chapeaux, colliers, et sacs à main assortis pour hommes et femmes. Le prix d’un sac varie entre 50 et 200 dollars. Les chapeaux, eux, coûtent entre 50 et 150 dollars.
Tunique Atoghu pour hommes (COURTOISIE)
Le label Atoghu se taille une part de marché à l’international. Moussa Tamboura, originaire du Burkina-Faso, est tombé sous le charme de deux tuniques Atoghu, qu’il a décidé d’acheter pour ses deux épouses, en déboursant la somme de 600 dollars. Et il ne cache pas sa satisfaction : « J’apprécie beaucoup ces tuniques traditionnelles, et même au Burkina-Faso, mon pays d’origine, tout le monde les aime beaucoup du fait de leur originalité. Ce sont des tenues très élégantes et d’une grande finesse. »
Les tuniques Atoghu sont aussi populaires chez les jeunes. Carine Tsogo, étudiante dans une université privée de Yaoundé, trouve ces vêtements traditionnels très originaux et en nette amélioration tant sur le plan qualitatif qu’esthétique. Malgré ses bourses modestes, elle a pu s’offrir une tenue d’une valeur de 250 dollars. « Actuellement, mon choix vestimentaire se porte plutôt sur la mode traditionnelle camerounaise de manière générale. J’ai une préférence pour l’habillement Athogu, qui se distingue par l’élégance de ses motifs et sa renommée à l’international. J’espère que le gouvernement camerounais soutiendra nos stylistes afin de vulgariser davantage nos vêtements traditionnels », suggère Mme Tsogo.
Habits Atoghu pour femmes (COURTOISIE)
Son amie Christina Akaba ajoute : « L’intérêt des Camerounais pour le prêt-à-porter “made in Cameroon” s’affirme progressivement. Par le passé, les Camerounais étaient quelque peu réticents quant au port des tenues traditionnelles, mais aujourd’hui, la tendance est inversée. Cependant, un soutien des pouvoirs publics est plus que nécessaire pour renforcer la créativité de la mode locale et traditionnelle afin d’inciter davantage de jeunes à s’intéresser à ce secteur. »
Sensible à tous ces appels, le gouvernement camerounais a déjà engagé des démarches pour faire reconnaître le savoir-faire exceptionnel Atoghu au niveau international. Ainsi, l’État du Cameroun a amorcé la procédure de la labellisation des vêtements depuis 2018 afin de garantir à Atoghu sa filiation naturelle au Cameroun. Selon Yanick Yemga, conseiller camerounais en propriété industrielle, « les indications géographiques d’une marque sont des signes qui servent à identifier un produit comme étant originaire du territoire, de la région, ou de la localité dont il est issu. À condition que la qualité, la réputation, ou toute autre caractéristique de ce produit soient essentiellement liées à l’origine géographique indiquée ».
Pour vos commentaires : lixiaoyu@chinafrica.cn