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Un mal pour un bien |
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Li Xiaoyu · 2021-04-12 · Source: Chinafrique | |
Mots-clés: football; Cameroun; Chine; culture |
Une cinquantaine de jeunes joueurs suivent régulièrement les entraînements de Pategou Kamgang Francis.
L'année dernière, Pategou Kamgang Francis, 31 ans, entraîneur de football camerounais, a touché le cœur du jury. Le court-métrage racontant son quotidien et son intégration dans la communauté chinoise a remporté le grand prix du deuxième concours de vidéos courtes CHINAFRIQUE.
Comme le résume Xie Jinyu, réalisateur de la vidéo gagnante et étudiant-chercheur de l'Université normale du Zhejiang, son attachement au ballon rond a amené M. Francis à retourner sur le terrain et à s'engager dans la formation au football des jeunes. « Sa détermination à généraliser la culture du football auprès de la jeunesse chinoise mérite d'être mise en lumière. »
Le football, c'est toute sa vie
« Je dois tout au football. Le ballon rond est mon meilleur compagnon », insiste M. Francis. Le football entre très tôt dans sa vie, à l'âge de trois ans, sous l'influence de son père, capitaine évoluant au sein du club camerounais La Panthère en première division au niveau national puis entraîneur dans une académie de football au Cameroun. Son frère, lui, est footballeur professionnel évoluant en Europe. Le talent ne lui fait jamais défaut, mais la chance n'est pas toujours de son côté. Au collège, une blessure grave l'empêche de continuer sur sa lancée.
En 2012, il accompagne son père en Chine lors d'un voyage d'affaires. À cette occasion, il découvre Yiwu, ville-district sous la juridiction de la ville-préfecture de Jinhua, au Zhejiang (est), connue pour être le plus gros marché de petites marchandises au monde. Un an plus tard, il y retourne pour poursuivre ses études en licence, mention commerce international, à l'Université normale du Zhejiang, basée à Jinhua. En parallèle, il suit des cours intensifs de mandarin afin d'en acquérir rapidement les bases et de gagner en autonomie dans sa vie quotidienne.
Hasard ou destin, son penchant pour le football revient toujours au galop. Pendant son temps libre sur le campus, il se remet à taper dans le ballon pour conserver sa forme olympique. Peu de temps après, il se fait repérer par le responsable d'un centre de formation de football pour les jeunes, qui le recrute comme entraîneur, aussitôt qu'il obtient son diplôme en 2018. Cette offre d'emploi ne correspond pas du tout à son parcours universitaire, mais lui permet de vivre de sa passion.
Le ballon rond est son meilleur compagnon.
Culture du football
Néanmoins, le temps ne sera pas toujours au beau fixe pour ce premier entraîneur étranger engagé par le club, accueillant une centaine d'enfants de 5 à 13 ans. C'est surtout le cas au début. La communication avec les enfants en chinois, par exemple, lui pose problème. S'il maîtrise le langage courant, le vocabulaire technique du football lui donne du fil à retordre. Il s'oppose pourtant au recours à un interprète par crainte de perdre le « lien direct » avec son interlocuteur. Au lieu de baisser les bras, il saisit toute opportunité pour progresser. Aujourd'hui, la communication avec la cinquantaine de jeunes joueurs est totalement fluide.
La méfiance de certains parents d'élèves par rapport à ses compétences constitue une autre source d'angoisse pour lui. Il est persuadé que les actes en disent plus long que les mots. Il prend toujours le temps de leur expliquer qu'il n'est pas « magicien » et que sa pédagogie reflète le « sérieux » de son travail. Avant chaque séance, il tient également à s'enquérir de l'état de santé de chaque élève, car une bonne condition physique est nécessaire pour réussir son entraînement « à la dure ». Les étourdis et les cancres sont même priés de quitter le terrain. C'est cette implication corps et âme qui pousse ses équipes à décrocher plusieurs trophées lors des tournois de football pour la jeunesse au niveau local et national. Il gagne par conséquent en popularité parmi les enfants et leurs parents et sa réputation n'est désormais plus à faire. Ses objectifs sur le long terme ? Faire gravir les échelons à ses jeunes joueurs et à son club en gagnant toujours plus de compétitions.
Il regrette toutefois que la culture du football ne soit pas davantage ancrée en Chine. « Ici, dans la plupart des cas, ce sont les parents qui poussent leurs enfants à jouer au football, alors qu'au Cameroun, ce sont plutôt les enfants qui demandent à aller en centre de formation », constate-t-il. S'il ne peut pas changer la donne du jour au lendemain, il souhaite tout de même que son engagement puisse faire naître progressivement un attachement fidèle au ballon rond chez les jeunes. « Cela finira bien par payer au bout d'un moment. »
Intégration communautaire
Ses efforts commencent déjà à porter leurs fruits. Déjà trois ans se sont écoulés depuis son engagement dans le club et presque aucun enfant n'a quitté son giron, « ce qui est plutôt rare dans le domaine du football », pour reprendre l'expression de Huang Zhijun. Son fils de 9 ans fait partie d'une des équipes coachées par M. Francis. Pour ce père de famille, cette stabilité s'explique tant par l'excellence de la pédagogie de l'entraîneur que par le lien d'amitié tissé entre eux. « En dehors du terrain, on s'entend très bien.
M. Francis organise des fêtes d'anniversaire pour chaque enfant. Il nous invite souvent chez lui pour découvrir la gastronomie camerounaise », témoigne-t-il.
Huit ans après son arrivée à Jinhua, M. Francis la considère désormais comme sa seconde ville natale et prévoit d'y faire venir sa famille. « Je préfère Jinhua aux grandes métropoles chinoises. Les habitants ici sont accueillants et aimables. Nombre de mes voisins m'ont aidé au plus fort de l'épidémie. La solidarité et la générosité dont ils ont fait et continuent de faire preuve m'ont beaucoup touché. »
Sa faculté d'adaptation lui permet de bien s'intégrer dans la communauté locale. Client régulier du primeur de son quartier, il ne se contente pas d'y faire ses achats, mais discute également avec la vendeuse comme le font de vieux amis. Quand il apprend que la mère de celle-ci est blessée, il ne tarde pas à lui témoigner de la sympathie. L'équipe de tournage a enregistré cette scène dans la vidéo lauréate. Pour son réalisateur, c'est ce moment de convivialité qui a marqué le plus son esprit.
Comme l'a souligné la productrice de la vidéo, Xu Wei, également directrice adjointe de l'Institut de recherche sur l'Afrique de l'Université normale du Zhejiang, lors de la remise des prix du concours, cette vidéo courte n'est ni la première ni la dernière à présenter un destin lié à la coopération Chine-Afrique, peu importe la forme. « Nous continuerons à mieux raconter ces histoires hors du commun dans une perspective interculturelle, et nous nous concentrerons sur les échanges humains entre la Chine et l'Afrique dans différents contextes. » Car c'est bien ce qui permet de pérenniser les liens d'amitié entre les peuples.
Pour vos commentaires : lixiaoyu@chinafrica.cn