Au Cameroun, les combustibles naturels sont de plus en plus utilisés en cuisine.

Une entrepreneure en pleine fabrication de foyer amélioré.

La complicité entre fabricantes de foyers améliorés et confectionneuses de briquettes à base des résidus végétaux et naturels fonctionne à merveille. Au-delà de leurs bénéfices pratiques, sanitaires et économiques, ces activités contribuent efficacement à freiner l’avancée de la désertification dans le Nord-Cameroun, considéré par nombre d’experts comme zone écologiquement fragile. D’où l’importance de former les femmes à la fabrication de foyers améliorés et aux briquettes de charbon biologique afin de réduire les effets néfastes de la coupe sauvage du bois de chauffage. Cela représente également des opportunités financières non négligeables.

Transformation des déchets végétaux

La confection du charbon vert s’effectue en sept étapes : collecte, séchage, carbonisation, ajout de liant, compactage, séchage et conditionnement. Quelques heures suffisent pour transformer les déchets biodégradables en charbon biologique. Ce combustible se fraie peu à peu un chemin dans un contexte où beaucoup d’acteurs deviennent sensibles à la protection de l’environnement. Il se présente sous forme de briquettes ou de boules de la taille d’un morceau de charbon de bois classique. À noter que la fabrication du charbon écologique nécessite un ravitaillement permanent en matière première. C’est pourquoi des tricycles ainsi que des brouettes passent ramasser quotidiennement les résidus agricoles, tels que peaux de banane, restes de manioc, cannes à sucre, herbes, débris de maïs ou rebus de café et d’arachides.

« Nous travaillons avec des marchés spécialisés en déchets agricoles et nous remettons des sacs aux commerçantes qui épluchent des bananes ou des plantains avant de les vendre à leurs clients. Elles mettent ces restes directement dans nos sacs. Nous passons récupérer ces déchets tous les deux ou trois jours. Ainsi, chaque semaine, les dames de notre association produisent plus de 300 kg de combustible », affirme Martine Boklé, formatrice en fabrication de charbon écologique.

Une activité générant des revenus importants

Les briquettes de charbon écologique ont le même aspect et usage que le charbon conventionnel.

La cherté du gaz domestique encourage les ménages à utiliser le charbon vert combiné avec les foyers améliorés. Un sac de charbon écologique de 30 kg coûte 12 dollars et peut durer un mois. Pour soulager les familles aux bourses plus modestes, les productrices proposent également des sacs de 10 kg, qui ne coûtent que 6,5 dollars.

Odile Katamsa, productrice et vendeuse de charbon écologique, écoule mensuellement plus de 90 sacs de charbon vert par mois, ce qui équivaut à environ 1 000 dollars. « Nous aimons ce que nous faisons et cette activité nous procure des revenus importants. Nous produisons un charbon non toxique et de nombreuses femmes nous font confiance », ajoute-t-elle. « Nous protégeons ainsi notre environnement car nous n’allons plus en brousse pour couper du bois. »

Fabrication des foyers améliorés : un métier lucratif

À Garoua, les foyers classiques sont remplacés par des foyers dits améliorés, qui présentent bien plus d’avantages sur les plans économique, sanitaire et environnemental.

« Le coût d’un foyer amélioré est relativement abordable pour toutes les bourses locales (20 dollars) », affirme Mairamou Fadimatou, fabricante de foyers améliorés. « Ce travail est épuisant pour une femme comme moi mais on s’habitue. Ce qui m’encourage, c’est que cela me permet d’être indépendante financièrement par rapport à mon mari. Je vends en moyenne 15 à 20 foyers par mois. Je suis heureuse d’être à nouveau active après avoir été 15 ans au chômage. »

Le procédé de fabrication du foyer amélioré consiste à associer du métal d’acier de récupération ou acheté sur les marchés appropriés, de l’argile ainsi que de la terre rouge, avant de mettre le tout à sécher. Selon les utilisateurs de foyers améliorés, les atouts majeurs de cet outil de cuisine sont l’économie d’énergie en raison de sa conception optimisée et la possibilité d’avoir un contrôle visuel sur la puissance du feu pour pouvoir l’adapter facilement.

Protection de la nature

Dans les régions du Nord-Cameroun, les pouvoirs publics et les ONG de protection environnementale encouragent unanimement l’utilisation des foyers améliorés et surtout des briquettes vertes comme substitut au charbon conventionnel. « Pour promouvoir cette initiative, le ministère de l’Environnement, de la Protection de la Nature et du Développement durable et les ONG ont dû former des centaines de femmes de la région septentrionale du Cameroun, ainsi que certaines femmes réfugiées, à la fabrication de foyers améliorés et de briquettes de charbon vert. Il s’agit d’une opportunité économique et environnementale. »

De telles initiatives seront à même de réduire efficacement la déforestation galopante dans le Bassin du Congo.

Le Dr Samuel Nguiffo, secrétaire général du Centre pour l’environnement et le développement (CED), expert en questions environnementales et en énergies renouvelables, soutient l’ensemble de ces projets. Selon lui, les foyers améliorés et les combustibles verts constituent une solution à l’une des manifestations de la crise écologique dans les régions septentrionales du Cameroun : la perte du couvert forestier, sous les effets conjugués de la sécheresse et de l’utilisation des arbres pour le bois-énergie. Ces solutions novatrices ont pour effet de réduire la pression sur les arbres, rares et très utiles dans la zone, grâce au recours à d’autres ressources et à la réduction du volume du bois nécessaire. Côté agriculteurs, c’est moins la contribution de leur action à la réduction des émissions de gaz à effet de serre que le coût économique réduit de ces solutions qui les intéressent. « On a donc une contribution à la déforestation, mais aussi une contribution à la réduction de la pauvreté, par un allègement de la facture énergétique des populations », développe-t-il.

Cependant, malgré toutes ces actions mises en œuvre, le recours au bois de chauffage est encore fréquent et il est nécessaire de renforcer la mise en place de stratégies pouvant impacter positivement la protection de l’environnement. « Dans l’esprit des populations, cela correspond surtout à un objectif économique, et non écologique : il s’agit de faire des économies sur la facture énergétique. Il est donc important de faire preuve de créativité pour trouver des solutions alliant gains économiques pour les populations et gains écologiques pour l’ensemble de la société », explique le Dr Nguiffo. « La tendance est à la généralisation des foyers améliorés dans les régions septentrionales du Cameroun. Il est indéniable que cela contribue à une réduction de la déforestation, et que cela se poursuivra. »

Il appartient donc aux décideurs politiques de s’approprier ces résultats afin de vulgariser efficacement l’usage des foyers améliorés et des combustibles écologiques. En termes d’opportunités, cette technologie de cuisson permet une meilleure efficacité énergétique et une pollution réduite ainsi que d’améliorer les conditions sanitaires des populations et de lutter contre la déforestation, la désertification et la pauvreté dans la zone sahélienne camerounaise.

Reportage du Cameroun

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