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L'Union européenne tombe de Charybde en Scylla

Sun Haichao  ·  2016-11-14  ·   Source: Beijing Information
Mots-clés: Union européenne; Brexit

La Commission européenne vient de proposer de prolonger de trois mois les contrôles aux frontières dans une partie des pays de l'espace Schengen pour éviter une « seconde vague » de migrants en Europe. Le contrôle des migrants aux frontières est maintenant une réalité et la Convention de Schengen, permettant cette libre circulation des personnes dont l'Europe est fière, fait face à une menace inédite. C'est un autre grand défi que l'Union européenne doit surmonter après le Brexit.

Grâce aux Trente Glorieuses, l'Europe est devenue un paradis auquel tout le monde aspire. Le bien-être et le mode de vie dans les pays d'Europe occidentale ont exercé une forte attraction sur les pays de l'Europe centrale et orientale (PECO), c'est pourquoi des Allemands de l'Est, au risque de leur vie, tentaient de franchir le Mur de Berlin, de creuser des tunnels ou de s'envoler en montgolfière pour arriver à l'Ouest. La France et l'Allemagne avaient pour ambition de diriger l'Europe pour qu'elle devienne un modèle mondial. La France avait hâte de voir l'Europe jouer un rôle plus important dans les affaires internationales. Mais avec la contrainte des Etats-Unis et les opinions divergentes des pays membres de l'UE sur les questions politiques et militaires, il était difficile d'enregistrer des réalisations réelles. Par conséquent, l'UE, géant économique et nain politique, s'est efforcée de changer pour devenir un pôle politique mondial.

En novembre 2009, un sommet européen extraordinaire a pour la première fois élu le président permanent du Conseil européen et la haut-représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. L'UE, avec fierté, avait proclamé qu'elle s'était dotée d'un « président » et d'une « ministre des Affaires étrangères ». Dans le même temps cependant, la crise de la dette avait éclaté, débutant en Grèce et s'étendant au Portugal, à l'Italie, à l'Irlande et à l'Espagne. Un coup dur pour l'UE.

En prenant un certain recul, on peut voir que l'UE a fait preuve de trop d'empressement et d'aveuglement pour devenir un pôle mondial.

Premièrement, l'UE est passée de 6 pays à 12 puis à 15. Après la Guerre froide, elle s'est élargie à 28 pays, avec la création de la zone euro avec 17 pays et de l'espace Schengen avec 26 pays et s'est dotée du Parlement européen, de la Cour de justice de l'Union européenne et de la Banque centrale européenne. La complexité des organisations a fait prospérer la paperasserie et le formalisme. Ainsi, par exemple, les transformations urbaines, l'élargissement des rues ou même la procédure d'abattage du bétail, doivent se conformer aux normes européennes. Les principaux investissements doivent, il va sans dire, obtenir la ratification de la Commission européenne. Par conséquent, l'intégration politique et économique de l'Europe ne correspond pas à la conception d'autrefois.

Deuxièmement, les relations avec les Etats-Unis ont été rendues difficiles. La politique européenne de sécurité et de diplomatie indépendante proposée par la France avait, selon les Etats–Unis, pour objectif de remplacer l'OTAN et d'obtenir le départ des Etats-Unis de l'Europe. La France a proposé la monnaie unique en Europe pour que l'euro devienne une des monnaies de réserve internationales, mais les Etats-Unis pensent de leur côté que c'est pour remplacer le dollar ou tout au moins, lancer un défi au billet vert. Le Royaume-Uni est le représentant européen des intérêts des Etats-Unis et s'oppose fermement à la politique de défense et de diplomatie commune en Europe ainsi qu'à l'euro. Si Londres a adhéré à l'UE, c'était pour faire de l'UE une zone de libre-échange. Les Britanniques voulaient tirer profit de l'UE et non contribuer à la construction européenne, ce qui a provoqué la colère des autres pays.

Troisièmement, l'UE s'efforce de construire une politique étrangère et de sécurité commune, ce qui mobilise énormément de ressources mais ne fait rien avancer. L'entrée des nouveaux pays membres dans l'UE a fait baisser le niveau économique des pays occidentaux, et avec l'arrivée des travailleurs migrants, le taux du chômage s'aggrave. Pour leur part, les PECO manifestent leur mécontentement du fait qu'ils ne reçoivent pas un traitement identique et que le niveau de vie de leur population ne s'élève pas. Enfin, le fossé entre les pays d'Europe occidentale et orientale ne se réduit pas. Bien que l'euro soit la monnaie unique pour les pays de la zone euro, ces pays n'ont pas une politique financière et budgétaire commune. Après la crise économique, ces pays ont abandonné les critères relatifs à l'endettement, au déficit budgétaire et à l'inflation, après la crise de l'endettement, la Banque centrale européenne est venue à la rescousse des institutions financières en allouant des sommes considérables. De nouvelles secousses financières couvent en Italie. La Deutsche Bank tire la sonnette d'alarme dans un scénario qui rappelle la banque d'affaires Lehmann Brothers, ce qui serait catastrophique pour la zone euro.

Quatrièmement, les décisions de l'UE s'éloignent de la réalité ainsi que des demandes de la population. L'intégration européenne n'arrive pas à atteindre les objectifs définis et à répondre aux appels de la population. A présent, les divergences au sein de l'union sont trop grandes pour les coordonner. Les sommets se concluent par des déclarations ou par des feuilles de route au lieu de résoudre les problèmes, d'où l'abaissement de la puissance et de l'influence de l'UE et la montée du nationalisme et de la xénophobie. En 2017, les élections présidentielles se tiendront en Allemagne, en France, en Autriche, aux Pays–Bas et en Espagne, et différents courants de l'opinion s'agitent avec la montée en puissance de l'extrême–droite.

Le Brexit n'a pas été accidentel mais un reflet de la crise de l'UE. Reste à voir si l'influence sera plus grande pour le Royaume–Uni ou pour l'UE. L'UE était une union sui generis enviée de tous et fière de sa « philosophie du compromis » qui résolvait les problèmes par la négociation. Mais aujourd'hui, elle tombe de Charybde en Scylla : c'est le résultat inévitable d'un élargissement aveugle et de la recherche illimitée de « grandeur et de gloire ».

(L'auteur est membre de l'Institut Pangoal et directeur du Centre de l'Europe de la Fondation pour les études des questions internationales de Chine.)

 

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