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A l'écoute de l'inconscient chinois | ||
Jacques Fourrier | ||
Mots-clés: Monique;Lauret;Chine;culture |
La Chine a subi des transformations considérables au cours de son histoire récente, et sa modernisation et son développement durant ces 30 dernières années ont bouleversé les rapports familiaux et sociaux ancestraux, exacerbant notamment le « plus-de-jouir » dont parlait Jacques Lacan.
La psychanalyse, qui postule que la clé du savoir inconscient passe par l'Œdipe, prend difficilement racine dans ce terreau chinois, où pragmatisme oblige, les thérapies comportementales et les médicaments psychotropes sont privilégiés pour répondre aux troubles psychiques. Cette dernière problématique, celle de la dépression, de l'insomnie et de l'anxiété notamment, a d'ailleurs été largement évoquée par le public à la fin de la présentation.
Monique Lauret explique qu'elle a effectué des supervisions avec une psychanalyste de Beijing. Elle a constaté une recrudescence des « états limites », des états se situant entre la psychose et la névrose, particulièrement chez les jeunes avec les phobies scolaires, mais aussi chez les plus âgés, par exemple avec les traumatismes causés par la Révolution culturelle. La situation des travailleurs migrants est aussi préoccupante. « Il y a des tas de jeunes qui sont entassés dans des dortoirs ou qui passent des heures dans les transports ; ils n'ont pas le temps de récupérer psychiquement ». La question du suicide est fondamentale à ses yeux, car pour des raisons culturelles, en Chine, il est difficile de parler de sa souffrance psychologique. « Il y a une perversion du système : il faut former les nouveaux psychologues chinois en n'ayant plus le même langage, en ne parlant plus de névrose, d'hystérie ; ils vont faire du deuil une pathologie, ce qui est effrayant ».
Monique Lauret remarque que les thérapeutes chinois sont débordés et quelque peu démunis devant la souffrance psychique et elle déplore l'impasse faite sur cette « grille de lecture » de l'inconscient que constitue le rêve. « Les psychologues et les thérapeutes que je vois à Wuhan travaillent très peu l'interprétation et la représentation du rêve. Ils utilisent des techniques transmises par Jung, par exemple […] la représentation de la fantasmatique d'une personne sur le sable, un peu comme une surface de représentation du rêve ». Elle souligne que « le rêve permet d'exprimer un désir, mais il peut servir aussi à externaliser, à expulser ce qui fait conflit psychique à l'intérieur ou tenter de symboliser ce qui a fait traumatisme ». C'est sa représentation par le langage qui permet de combler ce « trou béant dans la psyché ».
A chaque visite en Chine, Monique Lauret voit le champ de sa recherche s'élargir. Son séjour l'amène cette année à Hefei, dans la province de l'Anhui, pour un colloque et à Wuhan, dans le Hubei, pour des conférences et des supervisions en milieu hospitalier. Elle va effectuer une synthèse de son expérience et de ses acquis dans une contribution intitulée « A la rencontre de l'inconscient chinois », à paraître dans un ouvrage sous la direction du sinologue français Nicolas Idier dans la collection Bouquins.
Beijing Information
Pour aller plus loin :
Huo, Datong (2008), « La Chine sur le divan », Plon.
Lauret, Monique (2008), « Lectures du rêve », Presses universitaires de France.
Porret, Philippe (2005), « La Chine de la psychanalyse », Campagne-Première.
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