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A l'écoute de l'inconscient chinois | ||
Jacques Fourrier | ||
Mots-clés: Monique;Lauret;Chine;culture |
Dans sa présentation, Monique Lauret explique le concept de l'inconscient était en germe dans la civilisation chinoise dès la dynastie Shang, il y a plus de 3000 ans. Elle se réfère au travail du philosophe chinois Liu Wenying dans les années 1980 et de son ouvrage « Superstition et exploration du rêve », dans lequel on voit que très tôt, en Chine, l'interprétation du rêve dépasse le stade de l'oniromancie.
La nomenclature des rêves apparaît dans le « Classique interne de l'empereur jaune », un recueil de traités de médecine chinoise, compilé pendant la période des Royaumes combattants et la dynastie Han, il y a environ 2500 ans, et qui les classe en trois catégories : les rêves de prédiction, les rêves de pensée et les rêves pathologiques. Le symbole et le langage y jouent déjà un rôle prépondérant. On retrouvera cette trinité chez le médecin Galien dans l'antiquité ou le philosophe allemand Karl-Albert Scherner au XIXème siècle, dont l'influence sur la pensée de Sigmund Freud aura été marquante.
C'est au VIIème siècle de notre ère avec la dynastie Tang, qui constitue le début de l'âge d'or en Chine, que l'interprétation des rêves prend un essor considérable. Li Yuan, le premier empereur de cette dynastie, ouvre une Salle de l'interprétation des rêves dans un temple bouddhiste, dans laquelle, selon Monique Lauret, « une approche psychothérapeutique pouvait mettre fin aux problèmes psychologiques du rêveur ». Elle y voit « le début de la théorisation du rêve pathologique », dans lequel le yin et le yang évoquent la dualité du psychisme.
Sigmund Freud s'est inspiré du monde grec, que ce soit de Sophocle et de la tragédie des Atrides ou de l'ouvrage de référence d'Artémidore de Daldis, pour élaborer l'Œdipe dans son livre qui ouvre le XXème siècle, « L'interprétation des rêves ». C'est en 1910 qu'apparaît dans son œuvre la notion de complexe d'Œdipe, occupant une place centrale dans l'inconscient.
La compréhension de l'inconscient chinois passe-t-il par l'Œdipe ? Le sinologue israélien Meir Shahar, de l'université de Tel-Aviv, a étudié la légende du dieu Nezha, rendue populaire dans la Chine de la dynastie Ming. Il y trouve certains thèmes de la tragédie des Atrides, notamment le désir de parricide et le suicide, mais il constate que la littérature chinoise masque les impulsions incestueuses et violentes derrière la moralité confucéenne où prévaut la piété filiale. Ce carcan des traditions apparaît d'ailleurs dans les nouvelles des « Contes anciens à notre manière » de Lu Xun en 1935.
Dans un article publié dans la revue spécialisée « Extrême-Orient Extrême-Occident » en 2012, le sinologue français Jérôme Bourgon pose d'ailleurs la question : peut-on siniser Œdipe ? Il constate qu'en chinois, le terme « complexe d'Œdipe » se traduit par lianmu qingjie, littéralement « complexe de désirer sa mère ». La terminologie chinoise, en ne mentionnant pas le père, exprime le lien qui existe en Chine entre le parricide et le régicide, où le meurtre du père préfigure « un complot rampant contre l'autorité ».
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