Dans le chapitre « Refonder l’Europe » de son livre, M. Macron réaffirme son engagement fort en faveur de l’Europe. « Et lorsque je regarde le vaste monde j’ai deux certitudes : ce qui nous rassemble en Europe est plus fort que ce qui nous divise et nous n’avons que peu de chances de peser face à la Chine ou aux Etats-Unis si nous ne savons pas le comprendre. »    

L’Europe est ainsi la plateforme de choix qui permettra de répondre aux principaux défis auxquels les pays membres sont eux–mêmes confrontés. « Qui peut sérieusement croire que nous contrôlerons seuls les flux migratoires venus d’Afrique du Nord ou du Proche-Orient ? Que nous régulerons seuls les grandes plateformes numériques nord-américaines ? Que nous répondrons seuls aux enjeux du réchauffement climatique ? Ou encore que nous négocierons seuls des accords commerciaux équilibrés avec les Etats-Unis ou la Chine ? », écrit-il.     

L’Europe est donc à la fois un rempart et un tremplin face à la mondialisation. Avec le Brexit et plus encore avec l’élection de M. Trump, le protectionnisme gagne en effet du terrain, et le fossé entre les gagnants et les perdants de la mondialisation a engendré des fractures profondes au sein des sociétés occidentales. La question des effets du libre-échange est primordiale et M. Macron reste fidèle à son engagement pro–européen et à son pragmatisme qui lui fait constamment déplacer le curseur entre néolibéralisme et interventionnisme économique. « Prenons un autre exemple, celui du commerce. Car l’Europe de la souveraineté, c’est aussi celle qui régule le libre-échange et civilise la mondialisation. En tant que ministre, j’ai engagé ce combat en défendant notre sidérurgie contre la concurrence déloyale. J’ai défendu, parfois bien seul, à propos de l’accord avec le Canada notamment, que la politique commerciale devait rester au niveau européen car nous sommes plus forts ensemble. Quelle protection la France seule établira face à la Chine ? Quel accord commercial avantageux tel ou tel pays sera-t-il à même de négocier avec nos grands partenaires ? Mais la contrepartie indispensable de cette compétence européenne pour les accords de libre-échange, c’est une association plus précoce et plus régulière des citoyens, du Parlement européen et des Parlements nationaux ; c’est une transparence accrue ; c’est aussi et surtout, la mise en place de protections plus efficaces face aux pratiques déloyales. Je suis favorable au renforcement des mesures antidumping, qui doivent être plus rapides et plus puissantes, comme aux Etats-Unis. Nous devons également mettre en place au niveau européen un contrôle des investissements étrangers dans les secteurs stratégiques, pour protéger une industrie essentielle à notre souveraineté ou garantir la maîtrise européenne des technologies clés. »    

Un soulagement pour la Chine    

M. Macron est donc un pragmatique, à la manière de Deng Xiaoping, dont il citait la phrase célèbre : « Peu importe que le chat soit noir ou blanc, tant qu’il attrape des souris. » C’était le 12 octobre 2015, dans La dépêche du Midi dans une interview où il affirmait qu’il croyait aux « réformes efficaces et justes ». Une citation qu’il affectionne puisqu’il la reprendra plus tard, en mars 2017, sur RTL.   

M. Macron a aussi fait parler de lui en Chine en déclarant ouvertement : « Je suis maoïste » dans un entretien au journal Le Parisien du 2 mars 2017, faisant sienne l’idée de Mao Zedong selon laquelle un « bon programme c’est ce qui marche ».     

Tout réunit Xi Jinping et Emmanuel Macron sur le plan économique. La Chine approfondit les réformes et l’ouverture, et sa réforme du côté de l’offre, destinée à libérer l’économie des contraintes administratives et à faire jouer à plein les lois du marché, ne peuvent que trouver un écho favorable auprès de M. Macron. Par ailleurs, l’initiative chinoise de la Ceinture et la Route, qui veut favoriser l’interconnexion entre l’Asie et le reste du monde par la construction d’infrastructures et de zones économiques et commerciales notamment en Asie, en Afrique et en Eurasie, va stimuler la croissance des échanges commerciaux et des investissements dans le monde.     

Dans son blog publié sur le site Huffington le 2 mai 2017, Didier Chaudet, analyste spécialisé sur l’Asie du Sud-Ouest et la géopolitique eurasiatique et directeur de publication du CAPE (Centre d'Analyse de la Politique Etrangère), a résumé cet attrait que M. Macron exerce en Chine en expliquant « pourquoi la Chine préfèrerait Emmanuel Macron comme président de la République ». « En tant que grande puissance commerciale, la Chine a un besoin vital d'un monde globalement stable économiquement. Or pour bien des analystes économiques, l'incertitude pour l'avenir de l'UE, entre Brexit et assauts des forces d'extrême droite/europhobes dans la vie politique des Etats-membres, est sans doute plus dangereuse que l'attitude imprévisible de Trump. Et une France qui sortirait de l'UE et/ou rejetterait l'euro, serait exactement le scénario catastrophe redouté par les Chinois. La panique serait la première réaction des marchés. Un euro mis en danger serait une mauvaise nouvelle pour Beijing : un tiers de ses actifs en réserves de change étant en euro, et la Chine considère cette monnaie comme un contre-pouvoir face au dollar. Une Union Européenne déstabilisée jusqu'à l'implosion serait une catastrophe pour l'Empire du Milieu : la nouvelle Route de la Soie voulue par Xi Jinping est sensée aller jusqu'en Europe, avec un potentiel extraordinaire pour le commerce entre zone UE et Chine. Le couple franco-allemand en particulier est un partenaire commercial primordial pour Beijing... Or les retombées positives d'un tel projet seront forcément réduites si l'UE s'écroule. »    

La continuité dans les relations sino–françaises    

M. Macron représente ainsi la continuité en termes de politique étrangère, et plus particulièrement, de relations avec la Chine. Son discours se fait l’écho de M. Xi Jinping dans la lutte contre le protectionnisme, l’isolationnisme, et en faveur du libre–échange et de la mondialisation. Les deux dirigeants s’entendront sur le rôle que doit jouer l’Europe dans la gouvernance mondiale dans le cadre d’un monde multipolaire. Les relations entre la Chine et l’Europe ont par ailleurs été quelque peu obscurcies par la décision récente de la Commission européenne de ne pas accorder le statut d’économie de marché à la Chine dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce. Avec M. Macron au pouvoir, la Chine pourrait trouver un allié de poids et faire peser davantage la balance de son côté.     

L’ancien ministre de l’Economie reste aussi conscient de la place cruciale des nouvelles technologies et du rôle que la France doit occuper dans ces secteurs. « Les révolutions numérique, écologique, technologique, industrielle qui se profilent, sont considérables. La France doit y prendre sa part. Elle ne doit pas laisser l’écart se creuser avec les Etats-Unis ou, plus encore, avec la Chine, ce pays-continent qui démontre, chaque jour un peu plus, sa puissance », conclut–il dans un chapitre de « Révolution ».     

M. Macron résumait cette continuité le 13 mars 2017 en répondant aux questions de la chaîne chinoise Phénix TV sur sa position à l’égard de la Chine s’il était élu. « Nous avons des relations historiques extrêmement importantes et nous avons fêté il y a maintenant deux ans des anniversaires importants sur le plan diplomatique comme sur le plan des alliances stratégiques, en particulier énergétiques. Je pense que la force de la relation franco–chinoise, ce sont ces liens tissés, c’est la reconnaissance première par la France et je souhaite m’inscrire dans le cadre de cette histoire. La Chine est aujourd’hui une grande puissance sur le plan commercial, sur le plan diplomatique et militaire, mais aussi sur le plan climatique. C’est un engagement récent et donc je souhaite que nous poursuivions ce travail, je souhaite en même temps que la Chine continue son travail de normalisation… »