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Des fissures sur le Toit du monde

Yu Lintao  ·  2016-01-06  ·   Source:
Mots-clés: Tibet; changement climatique; environnement

 

Le plateau tibétain est considéré comme le « troisième pôle » du globe et les changements, qui affectent son environnement, sont fortement liés à l'environnement et l'écosystème du monde, et notamment de l'Eurasie. 

L’aire Himalaya-Hindu Kush couvre plus de 4,3 millions de km2 entre la Chine, l'Afghanistan, le Bangladesh, le Bhoutan, l'Inde, le Myanmar, le Népal et le Pakistan. Mises à part les régions polaires, elle possède plus de glace et de neige que n'importe quelle région du monde, d'où son nom de « troisième pôle ». Selon le Centre international pour le Développement intégré de la Montagne (ICIMOD), cette zone comporte les plus hautes montagnes du monde avec les 14 sommets à plus de 8 000 mètres, est la source de dix cours d’eau majeurs et forme un réservoir écologique mondial exceptionnel. 

L'Institut de Recherche sur le Plateau tibétain (IPT) rattaché à l'Académie des Sciences de Chine (ASC) a récemment publié un rapport sur les changements environnementaux du plus haut plateau du monde. Celui-ci montre que, du fait du réchauffement mondial et de l'activité humaine, le plateau devient de plus en plus chaud et humide et les catastrophes naturelles augmentent. Malgré les projections pessimistes sur les effets du changement climatique sur le long terme, le plateau tibétain reste cependant l'une des étendues les plus propres au monde. 

Des transformations en perspective   

Le rapport passe en revue les changements que le plateau a connus sur les 2 000 dernières années, et fait un pronostic de son évolution environnementale au cours du siècle à venir. Il est le fruit de l'effort conjoint de plus de 70 spécialistes de la Chine et d'autres pays, comme les Etats-Unis, la Suède ou encore le Canada. 

Les données montrent que le plateau est devenu plus chaud et plus humide, notamment au cours des 50 dernières années. Sa température moyenne sur l'année a augmenté de 0,3 à 0,4 °C tous les dix ans entre 1960 et 2012, soit deux fois plus que la moyenne mondiale. Comparées aux moyennes historiques, les températures ont augmenté de manière plus marquée pendant l'hiver et dans la partie nord du plateau.   

Les prélèvements sur la calotte glaciaire montrent que les températures ont augmenté le plus au cours du XXe siècle. Au cours des 100 prochaines années, le plateau pourrait encore se réchauffer de 4 °C. 

Xu Baiqing, chercheur au sein de l'IPT, est l'un des auteurs de ce rapport. Il estime que les zones de haute altitude sont plus vulnérables au réchauffement climatique. Il est donc inquiétant mais pas surprenant, que les températures sur le plateau tibétain aient augmenté plus rapidement que la moyenne mondiale. Le fait est que l'élévation des températures s'accompagne de la fonte des glaciers, de la disparition du permafrost et de la multiplication des catastrophes naturelles. 

D'après le rapport, l'élévation des températures fait rétrécir les glaciers sur le plateau depuis le XXe siècle et le rythme est plus soutenu depuis les années 90. La fonte des glaciers est particulièrement prononcée dans les montagnes de l'Himalaya et le sud-est du Tibet, dans le Karakoram et dans l'ouest de la chaîne du Kunlun. 

Du fait de la fonte des glaces, le nombre et la surface des lacs sur le plateau ont considérablement augmenté. Ceux dépassant un kilomètre carré sont passés de 1 081 dans les années 70 à 1 236 en 2010. Par ailleurs, la surface de près de 80 % des lacs de la région s'est agrandit. 

Le site de l'ICIMOD montre que les chaînes de montagne sont particulièrement sensibles au changement climatique et la région du troisième pôle abrite des populations parmi les plus vulnérables à ces changements. Les modifications dans les systèmes fluviaux et leurs bassins ont un impact direct sur le bien-être de millions de personnes. 

Xu Baiqing pense qu'avec le réchauffement global en toile de fond, la fonte des glaciers n'est pas limitée au plateau tibétain, mais constitue une crise commune à tous les plateaux. Cependant, l'ICIMOD note que le réchauffement plus rapide dans la région par rapport à la moyenne mondiale et plus élevé en haute altitude suggère « une plus grande vulnérabilité de l'environnement cryosphérique au changement climatique ».   

Les menaces naturelles  

Le nombre croissant de désastres naturels sur le plateau tibétain constitue un autre fait alarmant. Selon le rapport, les catastrophes, comme les glissements de terrains, les inondations torrentielles et les avalanches, devraient augmenter dans les prochaines années. Par ailleurs, les feux de forêt seront plus difficiles à prévenir et à éteindre. 

D'après le rapport, près de 1 500 inondations torrentielles de montagne - lorsque des eaux puissantes et rapides dévalent les pentes - ont été enregistrées sur le plateau entre 1950 et 2010. La pire eut lieu en 1998, lorsque plus de 50 districts de la région autonome du Tibet furent touchés. 

Les lacs gelés et les lacs de barrage forment également une menace et plus de 20 d'entre eux ont débordé au cours du XXe siècle, entraînant de sévères inondations dans la région. 

La région constitue l'une des zones les plus boisées de Chine et le risque de départ de feu est élevé du fait de vents violents et de la diminution des chutes de pluie et de neige. Entre 1988 et 2014, plus de 370 feux de forêt furent enregistrés. Par ailleurs, l'ampleur des tempêtes de neige et des avalanches s'est amplifiée sur les 40 dernières années, du fait du changement climatique et de l'activité humaine.   

Les efforts du gouvernement  

Selon le rapport, les polluants atmosphériques sur le plateau ont augmenté de 200 % depuis les années 50. Le noir de carbone (un polluant ayant une incidence sur le changement climatique) et les polluants organiques persistants restent à un niveau relativement faible, proche ou inférieur du niveau de l'Arctique ou des Alpes. Bien que le niveau de métaux lourds enregistré dans les glaces et les lacs sur le plateau soit plus ou aussi élevé que celui des régions des pôles, il est bien inférieur à celui que l'on peut retrouver dans la plupart des régions. 

Zhang Xianzhou, un chercheur à l'Institut de Recherches sur les Sciences géographiques et les Ressources naturelles rattaché à l’ASC, explique que, selon le rapport, l'environnement écologique du plateau tibétain a été bien préservé, malgré le réchauffement global et l'augmentation de l'activité humaine dans la région. 

Pour Xie Pengyun, directeur adjoint de l'IPT, le statu quo écologique de la région est lié aux efforts des gouvernements central et régional. 

Selon l'agence de presse Xinhua, afin de protéger cet environnement fragile, le gouvernement de la région autonome du Tibet a interdit l'exploitation minière de la poussière d'or en 2006 et celle des sables ferreux en 2008, du fait des graves préjudices environnementaux que celles-ci avaient déjà provoqués. En 2010, 56 projets de rénovation avaient été accomplis sur un total de 77,11 km2 ; 40 compagnies minières non-conformes aux normes environnementales ont été fermées ; et les zones comportant des droits d'exploitation minière ne couvraient que 749,62 km2, soit moins de 0,1 % de la zone totale de la région, grâce à des contrôles plus stricts. 

Pour Xu Baiqing, la consommation énergétique du Tibet repose principalement sur des énergies propres, ce qui implique une pollution moins importante que les zones fortement peuplées. 

Selon certains experts, malgré la diminution du permafrost et la désertification partielle du plateau tibétain, l'écosystème s'améliore dans l'ensemble, avec une augmentation considérable de la couverture végétale. Les frontières des zones de froid et de très grand froid se sont déplacées respectivement vers l'ouest et le nord. La zone tempérée, elle, s'est étendue. 

En devenant plus chaud et plus humide, le plateau tibétain sera mieux adapté à la croissance de la végétation et à la production et l'habitation humaine, explique Xu Baiqing. Le rapport ajoute que les terres arables sur le plateau se sont étendues depuis le milieu des années 1970, ce qui a permis aux fermiers et aux bergers d'augmenter leurs revenus. 

Néanmoins, il appelle le gouvernement à multiplier ses efforts pour protéger l'écologie du plateau. Il suggère la mise en place d'une zone verte modèle sur le Changtang, un plateau de haute-altitude dans le nord-ouest de la région, qui est également l'environnement le plus vulnérable de la Chine. Celle-ci servira d'habitat sécurisé et préservé pour les animaux sauvages, comme l'antilope tibétaine et les yacks. 

  

Beijing Information  

  

  

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