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Un crustacé qui a la cote |
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Godfrey Olukya · 2021-05-31 · Source: Chinafrique | |
Mots-clés: Kenya; Chine; exportation; économie |
Homard vendu vivant dans un marché aux poissons en Afrique. (HELLORF)
Abdul Owor, pêcheur expérimenté, se dirige vers un entrepôt pour y vendre sa prise du jour sur la plage de Mombasa. À son arrivée au centre de collecte de homards, appartenant à une société chinoise exportant des homards vivants, la prise de M. Owor est pesée puis il est payé en espèces par le préposé kényan. Le pêcheur explique que, contrairement au passé où il devait dépendre d’intermédiaires kényans pour commercialiser ses homards, il les vend maintenant directement à des commerçants chinois qui achètent pour exporter vers la Chine, ce qui est plus équitable pour les acteurs de la filière halieutique.
Revalorisation du prix de gros
Selon M. Owor, début 2020, le prix de gros des homards est passé de 2,87 à 4,57 dollars le kilo. « Ma prise du jour pesait 12 kg et j’ai été payé 54,84 dollars », indique-t-il. Depuis des décennies, des milliers de pêcheurs et de commerçants kényans opèrent le long des 640 km de côtes du Kenya. Les homards constituent l’une des plus importantes ressources en crustacés du Kenya et ils sont très appréciés aux niveaux national et international. Pour les communautés locales vivant sur la côte kényane, les méthodes traditionnelles de gestion de la pêche au homard ont permis à la filière de rester une source importante de revenus. Parmi les principales zones traditionnelles de pêche au homard du Kenya figurent l’archipel de Lamu, les îles Kipini-Kiwaiyu, les régions de Mambrui, Kilifi, Msambweni et Shimoni, toutes situées sur la côte kényane.
Jusqu’à récemment, la majorité des pêcheurs et des négociants kényans en homards vendaient leurs prises à des intermédiaires kényans, lesquels les revendaient à leur tour à des négociants locaux pour les exporter en Europe (principalement en Italie), en Chine, en Malaisie, en Thaïlande et à Singapour. Mais depuis mai 2020, les Kényans impliqués dans le commerce du homard ont ressenti l’impact financier des restrictions liées à la pandémie de COVID-19 et, à la perte d’activité, s’est rajoutée une pénurie en capital d’exploitation. Heureusement, leur sort s’est amélioré en mai 2020 lorsque des négociants et des exportateurs chinois sont entrés dans l’équation en s’installant au Kenya et en traitant directement avec les pêcheurs. « Ils sont arrivés à un moment où la plupart des négociants de homards kényans avaient abandonné leur activité. Forts d’un capital suffisant, ils achètent des homards aux pêcheurs à de meilleurs prix », dévoile Lucas Munyokole, responsable du commerce sur le site de Shimoni.
Il ajoute que les négociants chinois expédient les homards vivants principalement en Chine et un peu en Malaisie, en Thaïlande et à Singapour, ce que confirme le Département d’État kényan pour la pêche, l’aquaculture et l’économie bleue, qui indique que 95 % des homards vivants exportés sont désormais destinés à la Chine. Des archives mentionnent qu’une partie des homards est exportée sous forme congelée vers l’Union européenne, l’Italie en important plus de 60 %. Li Wei, l’un des marchands de homards chinois de Msambweni, indique que la demande de homards vivants est très élevée dans son pays. « Le homard est considéré comme étant un mets délicat par les Chinois, en particulier par la classe moyenne [en pleine expansion]. Au fil du temps, les homards ont gagné en popularité en Chine. »
Des pêcheurs optimistes
C’est précisément cette demande croissante pour les homards en Chine qui a poussé de plus en plus de Chinois à s’installer au Kenya pour trouver des débouchés dans la filière. Le marché kényan est également en hausse, ce qui est lié au nombre croissant de Chinois, installés dans le pays, qui en consomment en grande quantité au restaurant. Les Kényans n’en mangent pas souvent, préférant le tilapia, poisson d’eau douce. Yusuf Ali, vendeur de homards à Mamburui, explique qu’il y a deux ans, peu d’étrangers en achetaient aux pêcheurs dans le but de les exporter. Le mois de mai 2020 a complètement changé la donne. Les vendeurs chinois ont établi des entrepôts à Kilifi, Kwale et Mombasa. « Avant l’arrivée des Chinois dans la filière homard, notre ville n’était pas aussi dynamique qu’aujourd’hui », raconte Mubarak Chege, habitant de Kilifi. « Ils ont généré un boom commercial dans notre région, comme en témoignent les nouveaux bâtiments en cours de construction. »
Les derniers chiffres de la FAO répertorient plusieurs entreprises chinoises actives dans le commerce du homard le long de la côte kényane. Toutefois, les entreprises locales kényanes, dont Trans Africa, Pwani Sealife Kenya, Sea Harvest et Crustacean Processors, spécialisées dans la transformation et l’approvisionnement en homards congelés, travaillent à l’amiable avec les négociants et les commerçants chinois qui préfèrent le commerce de homards vivants aux homards congelés. Tout se passe bien entre la population locale et les Chinois, selon John Ngine, responsable des taxes côtières du ministère kényan de l’Industrialisation, du Commerce et du Développement des entreprises. Toutefois, le commerce du poisson entre les deux pays se fait à double sens. Peter Munya, secrétaire du Cabinet pour l’agriculture, l’élevage et la pêche, a déclaré que, bien que le Kenya exporte des homards vers la Chine, le pays dépend de la Chine pour son propre approvisionnement en poisson. « Le Kenya continuera à importer du poisson de Chine en raison du déficit aigu auquel nous sommes confrontés. Nous importons une bonne quantité de tilapia de Chine. »
Réglementation et restrictions
Les dernières données du Bureau des normes du Kenya (KEBS) montrent que la production de homards du Kenya a enregistré une amélioration en termes de performances. Les statistiques du KEBS indiquent qu’entre 2009 et 2013, un total de 84 tonnes de homards était exporté chaque année vers la Chine. En 2016, le chiffre était passé à 386 tonnes et aujourd’hui il est de 650 tonnes. Selon le rapport 2020 du ministère kényan de l’Agriculture, de l’Élevage et de la Pêche, 13 426 pêcheries artisanales sont installées le long de la côte kényane. Le rapport d’enquête sur le cadre marin indique que c’est le comté de Lamu qui en compte le plus (74 %). « Nous accueillons volontiers tout homme d’affaires étranger qui souhaite investir afin de promouvoir [le] département de la pêche », affirme Ambrose Kyemugo, commissaire du Département d’État kényan pour la pêche, l’aquaculture et l’économie bleue.
Cependant, pour assurer la pérennité des ressources, la filière a fait l’objet de réglementations. Selon M. Kyemugo, il était nécessaire d’implémenter des mesures de contrôle par crainte que les homards ne soient menacés d’extinction en raison du nombre croissant de pêcheurs et des ventes. « Nous avons mis en place des restrictions et des interdictions concernant la pêche des homards de petite taille. Le chalutage est limité à 5 000 nautiques et seuls les homards adultes pesant plus de 250 g peuvent être capturés. »
Pour vos commentaires : lixiaoyu@chinafrica.cn