Une analyse fallacieuse
L’analyse macroéconomique de longue date de Washington comporte un sérieux défaut, et ce qui est malheureux, c’est que l’attitude commerciale antichinoise de l’administration Trump repose sur un préjugé nationaliste. Les Etats-Unis attribuent faussement et obstinément les problèmes à un bouc émissaire, et font endosser à la Chine la responsabilité de la pression qui pèse sur les ouvriers de la classe moyenne ainsi que de leur énorme déficit commercial avec la Chine. Mais cette accusation ignore un point très important : en 2017, les Etats-Unis affichaient un déficit commercial avec 102 pays.
Le problème des déséquilibres commerciaux multilatéraux ne vient pas de nulle part, c’est la conséquence inévitable de la pénurie de l’épargne intérieure aux Etats-Unis. Au cours des trois premiers trimestres de 2017, l’épargne nationale nette des Etats-Unis (la somme de l’épargne des administrations, des entreprises et des ménages ajustée à la dépréciation monétaire) ne représentait que 1,9 % du revenu national, soit moins que la moyenne de 6,3 % affichée au cours des 30 dernières années du siècle passé. L’épargne américaine est à au niveau le plus bas parmi tous les pays développés aujourd’hui. L’épargne intérieure est insuffisante, mais ils veulent consommer et croître, et dans ce cas, les Etats-Unis doivent importer des excédents d’épargne de l’étranger, attirer des capitaux étrangers par d’énormes déficits courants et des déficits commerciaux multilatéraux.
Les accusations à l’encontre de la Chine ou d’autres pays ne résoudront pas le problème fondamental de la pénurie d’épargne, et cela équivaut à serrer l’extrémité d’un ballon rempli d’eau – l’eau ne coulera que d’une extrémité à une autre. En d’autres termes, si nous ne réglons pas les problèmes d’épargne et que nous utilisons les droits de douane ou d’autres sanctions pour restreindre les échanges commerciaux de la Chine avec les Etats-Unis, cela obligera Washington à commercer avec d’autres pays dont les coûts sont plus élevés. Cela équivaut à taxer encore plus les consommateurs américains.
Malheureusement, cette question est devenue de plus en plus sérieuse : le président Trump vient de signer un plan de réduction des impôts de 1 500 milliards de dollars pour la prochaine décennie et le Congrès américain a accru le déficit fédéral de 300 milliards de dollars pour éviter les fermetures gouvernementales, ce qui va faire encore plus pression sur l’épargne domestique. Cela met en évidence l’influence de plus en plus négative de la dislocation entre la politique financière et la politique commerciale sur l’économie américaine à court d’épargne : le protectionnisme est très susceptible d’accroître un peu plus le déficit commercial.