Tous ceux qui ont voyagé en Chine, comme je l'ai fait à plusieurs reprises, doivent convenir que la version spécifique du socialisme qui guide le Parti communiste chinois (PCC) – le socialisme aux caractéristiques chinoises – a transformé la Chine d'une manière incroyable. De pays victime de l'agression impérialiste, de la guerre et de la pauvreté, la Chine est devenue une énorme réussite. Le modèle économique chinois, surtout au cours des 30 dernières années, est sans précédent, tirant des centaines de millions de personnes de la pauvreté la plus extrême. Sur la base de ce record, il y a de bonnes raisons d'être optimiste et de penser que le PCC va tirer de la pauvreté d'ici à 2020 ceux qui le sont encore, notamment dans les régions rurales et intérieures.
L'Allemagne est connue pour son miracle économique, même si les circonstances ont été différentes – une reconstruction rapide après les destructions de la Seconde Guerre mondiale – pour devenir un moteur économique. La phase initiale du développement économique lors de la reconstruction reposait sur des principes très semblables à ceux qui sont à la base du miracle économique chinois. C'est ce qui explique que l'économiste allemand Friedrich List est l'un des théoriciens de l'économie les plus populaires en Chine.
La théorie économique appropriée n'est qu'un aspect du succès du modèle économique chinois. Tout aussi important est l'idéal moral qui est prôné pour les membres du Parti et les officiels. Dans les différents discours adressés à la direction du PCC, le président Xi Jinping a placé la barre très haut, exigeant de tous les membres et des officiels qu'ils acquièrent sans cesse de nouvelles connaissances en se lançant dans une formation continue tout au long de leur vie pour s'adapter aux changements rapides dans le monde. Il demande aux fonctionnaires de premier plan de s'améliorer, en termes de développement personnel au sens large, dans les questions relatives à l'économie, la politique, l'histoire, la culture – particulièrement la culture traditionnelle – ainsi qu'aux sciences et aux technologies, mais aussi aux questions sociales, militaires et internationales afin de développer leur sagesse et devenir plus raffinés. Xi Jinping a mis un accent spécial sur la poésie car cela « nous stimule, donne des ailes à nos rêves, et nous rend judicieux ». Ces exigences reflètent clairement les idéaux confucianistes de perfection tout au long de sa vie et de leadership politique aux mains des junzi, des individus nobles et sages. Cette image de la société correspond très bien aux plus grandes traditions de l'humanisme européen, comme les idées des philosophes allemands Gottfried Wilhelm Leibniz et Wilhelm von Humboldt, ainsi que du poète allemand Friedrich Schiller.
L'idéal de Humboldt, à savoir de développement d'une merveilleuse personnalité par le développement harmonieux de tout le potentiel de chaque personne, est en substance le même concept grandiose que le président Xi prône pour les membres du Parti. La méthode pour l'accomplir correspond aussi étroitement au principe de l'éducation esthétique de l'homme, développé par Schiller, qui montre comment les gens peuvent éduquer leurs émotions à travers la grande culture classique pour devenir de belles âmes.
Le problème de l'Europe ne réside pas dans l'absence de tels idéaux nobles dans la culture et la tradition, mais plutôt dans les « valeurs libérales occidentales », qui se sont séparées des grands idéaux de la culture humaniste classique, les remplaçant par une idéologie du « tout vaut tout, tout est permis », où chaque opinion se vaut. L'idée même qu'il existe une vérité basée sur la connaissance est rejetée en faveur d'une coexistence libérale de toutes les idées contradictoires. Naturellement, le résultat final de ce processus de libéralisation complète et de déconstruction est l'horrible décadence que nous voyons aujourd'hui dans une grande partie de la culture populaire occidentale. Ainsi, le refus du PCC de s'incliner devant les « valeurs occidentales » comme la « démocratie » (qui ne va pas si bien que cela en Europe et aux Etats–Unis ces jours–ci) ou les modes de vie innombrables que l'on voit en Amérique, n'est pas seulement sage, c'est une question d'auto–préservation.
Il est intéressant de constater que Leibniz, qui était fasciné par la Chine, sa langue et sa philosophie, écrivait à la fin du XVIIème siècle : « Au vu de la décadence morale croissante ; il me semble presque nécessaire de faire envoyer chez nous des missionnaires chinois pour nous enseigner l'application et la pratique de la philosophie naturelle. » Aujourd'hui, et de manière encore plus urgente qu'à l'époque de Leibniz, les peuples d'Europe et des Etats–Unis doivent développer une image vraie des idéaux et des intentions de la Chine, notamment en termes de gouvernance chinoise, qui placent si clairement le concept de bien commun au–dessus de l'égoïsme. Un tel objectif noble était auparavant connu sous le nom de civilisation occidentale, mais tout cela a été oublié. Alors choisissez les propositions de Leibniz.
(L'auteur est fondatrice et présidente de l'Institut Schiller.)
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