Émissions télévisées, passages en studios, interviews, cérémonies et philanthropie… L’agenda de Mariatu Kargbo, « la Perle noire de Chine », ne désemplit pour ainsi dire jamais. Mais avant de connaître le succès en Chine, la route a été bien longue pour l’artiste sierra-léonaise.

Installée depuis plus de quinze ans en Chine, Mariatu Kargbo, 34 ans, a réussi à construire tout un univers. Son univers. Mais le scénario de sa vie ressemble en tous points à un drame de série télévisée. Un drame, toutefois, dont la fin est heureuse.

Pour commencer, son enfance n’a pas été rose. Mariatu perd son père à l’âge de trois mois. Elle est alors prise en charge et élevée par sa belle-mère. Celle-ci lui révèle, avant de mourir à son tour, que sa vraie mère est toujours vivante. Mariatu n’a que onze ans à ce moment-là et se retrouve livrée à elle-même. Elle se lance alors dans la quête d’une vie : retrouver sa mère biologique à tout prix. Une rencontre qui ne se produira que bien des années plus tard…

Mariatu passe la majeure partie de son temps en compagnie de ses amis. Elle vend de l’eau dans la rue, fait des ménages, lutte au quotidien, se débrouille comme elle peut pour gagner de quoi vivre et payer sa scolarité.

« Mais j’avais un rêve : celui de devenir quelqu’un », confie-t-elle. Une ambition qui ne la quittera finalement jamais.

Yuanfen, ou la destinée chinoise

Aussi, lorsque Mariatu, alors lycéenne, a l’opportunité de se rendre en Chine pour participer à un concours de beauté en 2004, elle la saisit sans hésiter, avec cette énergie incroyable que confère la jeunesse. Face à une centaine de concurrentes venues du monde entier – qu’à cela ne tienne – c’est la Perle noire qui finit sur le podium. Elle décide ensuite de partir rendre visite à des amis sierra-léonais. Mais dans le train qui l’emmène à Shenzhen, au Guangdong (sud), elle se sent subitement très mal. Une douleur aigüe lui cisaille l’abdomen. Elle ne le sait pas encore mais son appendicite est sur le point de rompre. Zhang Yanling, passagère du même train, décide de lui venir en aide. Elle la fait descendre du train pour l’emmener immédiatement à l’hôpital, où elle couvrira l’ensemble des frais médicaux. Elle a tout simplement sauvé la vie de Mariatu, tel un ange gardien. La rencontre de la jeune fille avec celle qu’elle appelle désormais sa ganma (mère adoptive), a fait basculer son destin et les deux âmes sont désormais unies par un lien indéfectible.

Malheureusement, Mariatu doit bientôt rentrer en Sierra Leone. Elle en est toutefois convaincue : elle a trouvé sa « deuxième maison », là où elle pourra « redonner au monde » tout ce qu’elle a reçu, même s’il lui faudra encore faire preuve de patience pour accomplir cet objectif.

Début 2007, Hangzhou, dans l’est de la Chine. Mariatu a décroché un poste dans une entreprise italienne de design, un premier pas vers son accomplissement.

« Je voulais dire merci à la Chine et aux Chinois », se remémore-t-elle. « Je voulais qu’ils sachent que je me considère comme une Afro-Chinoise, comme faisant partie des leurs. »

Zhang Yanling, sa mère de substitution, mettra tout en œuvre pour la soutenir. Puis une opportunité s’est présentée et Mariatu fonce sans hésiter : elle fera une apparition très remarquée dans la très populaire émission télévisée Xingguang Dadao (Road to the Stars), qui révèle les talents musicaux et autres prodiges artistiques.

Le succès est au rendez-vous et ne s’est jamais démenti depuis. Mariatu est aujourd’hui une artiste reconnue.

Le cœur sur la main

« Redonner. » C’est un mot que la Perle noire emploie en permanence. Et qu’elle met réellement en application aussi. « J’essaie d’être humble car je pense que je dois redonner aux autres. C’est ma mission. »

En pratique, Mariatu, totalement altruiste, s’implique dans des actions humanitaires en Afrique depuis toujours, et notamment en Sierra Leone où elle a œuvré en faveur de l’ouverture d’une école pour les enfants défavorisés.

Néanmoins, pour bien saisir l’amplitude de son dévouement aux autres, il faut évoquer le tremblement de terre dévastateur qui s’est produit au Sichuan en 2008.

Mariatu s’était alors portée volontaire pour les opérations de secours. Des opérations complexes, dangereuses, dans des zones montagneuses devenues impossibles d’accès.

« Ce jour-là, j’ai signé pour mourir », lance-t-elle avec cette flamme dans les yeux. « Un jour, une Chinoise n’a pas hésité à se lever pour me sauver la vie. J’étais donc déterminée à donner ma vie en retour pour la Chine. »

Depuis qu’elle est en Chine, de fait, elle est généralement la première femme, la première Africaine ou la première personne noire à entreprendre ce qu’elle fait.

La pandémie est l’occasion pour elle de prouver une nouvelle fois son amour pour le pays.

Elle s’engage auprès de la communauté en se portant une nouvelle fois volontaire : elle sera en première ligne, à l’entrée de la résidence où elle vit pour relever la température des autres habitants lors de leurs passages. L’hiver est encore vigoureux et le froid mordant. Mais elle ne fléchit pas. Elle prolongera même sa mission jusqu’en juin, quand tous les autres volontaires ont arrêté depuis plusieurs semaines déjà.

« Je pense que je suis une passerelle entre les communautés, entre l’Afrique et la Chine, et je continuerai, quoi qu’il arrive, à travailler dans ce sens », explique-t-elle. « Je n’oublierai jamais ce que la Chine a fait pour moi, et je veux laisser un héritage : celui d’une orpheline qui a grandi dans la rue, qui n’avait rien, mais qui croyait en elle et au changement qu’elle pouvait apporter dans ce monde. C’est l’image de l’Afrique que je veux léguer et le message que je veux transmettre. »

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