Des femmes s’investissent pour aider les populations rurales à sortir de la pauvreté en créant de nouvelles sources de revenus.

Sun Xiaoyan (deuxième à gauche) présente le sarrasin de Tartarie récolté cette année. (Photo : Xia Yuanyuan)

Cette année, la Chine espère atteindre son objectif d’éradication de la pauvreté et remplir, avec dix ans d’avance, l’objectif de réduction de la pauvreté du programme de développement durable des Nations unies, ciblant 2030 comme échéance.

Sur les 700 millions de Chinois sortis de l’extrême pauvreté depuis la fondation de la République populaire de Chine en 1949, environ la moitié sont des femmes. Celles-ci ne sont pas seulement la cible de la lutte contre la pauvreté en Chine, elles en représentent aussi une force motrice.

Très impliquées dans cette longue bataille, beaucoup de femmes ont joué un rôle essentiel dans la campagne nationale de lutte contre la pauvreté. Parmi elles, on trouve des entrepreneures, des cheffes d’entreprise et des employées, toutes engagées dans la cause de l’amélioration des moyens de subsistance des plus démunis.

Inarrêtable

Sun Xiaoyan fait déguster la liqueur de sarrasin à la journaliste de CHINAFRIQUE. (Photo : Xia Yuanyuan)

Dans l’arrondissement de Wudu, à Longnan, dans la province du Gansu (nord-ouest), Shi Zaohua, 29 ans, et son équipe d’atelier de lutte contre la pauvreté sont bien connues. Grâce aux plateformes d’e-commerce, des produits agricoles spécialisés sont vendus à des clients vivant aux quatre coins du pays.

Considérée comme étant une personne optimiste et positive, la vie de Zaohua n’a pourtant pas toujours été rose. Il y a sept ans, elle a été victime d’un accident de voiture qui l’a rendue paraplégique et elle se déplace désormais en fauteuil roulant. À la suite de ce drame, elle a eu le sentiment que sa vie n’avait plus de sens. « À l’époque, je pensais que mon existence n’avait plus aucune valeur et l’idée du suicide m’a même effleuré l’esprit », confie-t-elle à CHINAFRIQUE.

« Je crois que lorsque une porte se ferme, c’est pour en ouvrir une autre », déclare-t-elle. Cette autre porte aura été une initiation à l’e-commerce avant de se lancer dans un nouveau parcours d’entrepreneuriat, qui l’a aidée à retrouver l’espoir et à se projeter dans l’avenir.

En 2018, Du Guiying, directrice de la coopérative de plantation Kangrui dans le Wudu, a rencontré Zaohua et l’a encouragée à rejoindre son activité dans le domaine de l’e-commerce. Dès le début, elle a travaillé dur pour se familiariser avec les différents aspects de la vente à distance. En un an, elle est devenue très compétente en matière de gestion de boutique en ligne.

Son assiduité, sa ténacité et son sens des responsabilités ont touché Mme Du et l’ont inspirée à aider davantage de personnes handicapées à sortir de chez elles et à jouer un rôle plus actif dans la société.

En 2019, avec le soutien du gouvernement, la coopérative de plantation de Kangrui a créé un atelier de lutte contre la pauvreté. Les 25 employés de l’atelier sont tous des personnes à mobilité réduite. Parmi eux, cinq sont responsables des opérations d’e-commerce, tandis que les 20 autres s’occupent des produits issus de l’artisanat, comme les produits tissés (paniers en bambou, etc.).

Aujourd’hui, en tant que responsable de l’atelier, Zaohua a vu sa vie prendre un tournant décisif. « Je suis très fière de pouvoir participer à l’intégration d’autres personnes handicapées dans la société et de les aider à réaliser la vraie valeur de la vie », indique-t-elle.

Avec le développement rapide de l’e-commerce, les commandes de produits de l’atelier se sont considérablement accrues. Tous les matins, Zaohua dirige son équipe pour promouvoir les produits agricoles locaux, notamment le poivre, l’astragale, l’huile d’olive, le miel et les produits tissés, en utilisant une série de plateformes en ligne comme Taobao, Pinduoduo, Douyin, etc. Les produits sont vendus à Longnan, mais aussi dans tout le pays, ce qui fait grimper le chiffre d’affaires. En outre, c’est très valorisant de pouvoir fournir des produits de qualité aux habitants des grandes villes qui ont besoin de produits frais issus de l’agriculture.

« Nous recevons 20 à 30 commandes quotidiennes de produits tissés sur les plateformes en ligne », déclare-t-elle. Lors du festival gastronomique de Longnan qui s’est tenu en mai dernier, les ventes en ligne et hors ligne de produits agricoles et de paniers tissés des ateliers ont dépassé les 400 000 yuans (58 000 dollars) en 20 jours.

Le salaire moyen du personnel des ateliers se situe désormais entre 2 000 et 3 000 yuans (290 à 435 dollars) par mois. L’espoir d’un avenir radieux se profile enfin à l’horizon, où chacun pourra subvenir à ses propres besoins. « J’espère intégrer davantage de personnes handicapées dans la société. Nous pouvons gagner de l’argent par nos propres moyens grâce à notre travail, nous donnant ainsi accès à des projets tels que l’achat d’une maison et d’une voiture. Je prévois aussi d’emmener mes parents en voyage », lance-t-elle.

Une entrepreneuse agricole accomplie

Fin septembre, voilà revenue l’époque de la moisson du sarrasin de Tartarie à Longnan, dans la province du Gansu (nord-ouest). Dans les champs du village de Fujiawan, des agriculteurs s’empressent de récolter les grains. Travaillant dur, ces villageois, vivant sous le seuil de pauvreté, peuvent gagner 120 yuans (17,89 dollars) par jour, ce qui représente un revenu complémentaire leur permettant de subvenir aux besoins de leur famille. Et tout cela grâce à une femme.

Âgée de 57 ans, Sun Xiaoyan a passé 20 ans à développer la filière du sarrasin. Touche-à-tout et curieuse par nature, elle a d’abord fait de la mécanique automobile, puis a ouvert un restaurant. Plus tard, elle s’est tournée vers la plante céréalière traditionnellement cultivée dans sa région natale. Sans aucune expérience, elle a osé se lancer dans la gestion d’une distillerie de liqueur de sarrasin à Longnan. Le développement prospère de son entreprise lui permet désormais de participer activement à l’éradication de la pauvreté dans les environs. Son entreprise travaille avec plus de 30 coopératives, ce qui mobilise plus de 2 500 agriculteurs impliqués dans la plantation de sarrasin et dans l’élevage.

« Les tiges de sarrasin peuvent être utilisées comme fourrage. La collaboration avec des coopératives d’élevage porcin représente un soutien financier non négligeable pour plusieurs familles », explique Mme Sun à CHINAFRIQUE. Elle ne laisse jamais passer une opportunité pouvant sortir les villageois de la pauvreté, même si cela ne concerne que trois ou quatre personnes seulement.

L’entrepreneuse connaît bien l’importance du développement industriel pour améliorer le niveau de vie de ses concitoyens. La ville de Longnan est riche en produits issus de l’agriculture, mais son entreprise est en réalité le premier projet de transformation de céréales. De nombreuses opportunités d’emploi et de développement ont ainsi été perdues par le passé.

« Nous devons vraiment continuer à nous développer dans cette voie prometteuse », indique-t-elle. Aujourd’hui, différents produits, tels que la liqueur et le thé de sarrasin, apportent de nouvelles perspectives d’avenir. Une chaîne industrielle a été constituée, allant de la culture dans les champs à la vente en magasin.

« Je travaille dans le secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire car je suis tombée amoureuse de la terre », confie-t-elle. La vue d’une terre non exploitée et gaspillée lui est insupportable. Son entreprise s’efforce d’offrir des opportunités d’emploi à ceux qui ne partent pas travailler dans les villes, principale solution pour gagner sa vie dignement. « J’essaie de les motiver pour qu’ils ne restent pas les bras croisés et qu’ils comprennent que l’exode rural n’est pas une fatalité. En plus, ce sont des experts en matière de sarrasin : ils savent le planter, le sarcler et le récolter », ajoute Mme Sun.

La superficie propice à la plantation du sarrasin de Tartarie à Longnan représente plus de 3 millions de mu (200 000 hectares). Son entreprise exploite actuellement plus de 200 000 mu (13 333 hectares). « L’objectif de mon entreprise est d’atteindre une zone de culture de plus de 3 millions de mu à l’avenir ! » déclare Mme Sun.

« Une entrepreneuse qui n’a pas froid aux yeux », voilà comment les investisseurs potentiels perçoivent celle qui ne ménage pas ses efforts. Bien qu’elle ait rencontré des difficultés en termes de financement, elle a persisté et a jeté les bases solides d’un développement sur le long terme.

« Je suis également originaire du milieu rural. Engagée dans l’agriculture depuis longtemps, je sais précisément ce que peuvent ressentir les villageois ici. J’espère que les agriculteurs pourront enfin avoir une vie meilleure », lance-t-elle, confiante.