Les villes chinoises connaissent une croissance exponentielle et s'étirent toujours plus en hauteur alors que le pays encourage l'urbanisation. Cette tendance a néanmoins engendré les fléaux urbains que sont la pollution, les embouteillages et l'insuffisance des services publics.  

Le 21 février dernier, le Comité central du Parti communiste chinois (PCC) et le Conseil des affaires d'Etat de Chine ont publié une directive sur la planification, le développement et la gestion urbains. Le document est l'aboutissement de la Conférence des autorités centrales sur le travail urbain qui s'est tenue à Beijing les 20 et 21 décembre 2015. Il s'agit de la deuxième conférence sur l'urbanisme organisée par le gouvernement central en 37 ans, ce qui montre la grande importance accordée à ces questions.  

Lors de la présentation de cette directive, Chen Zhenggao, ministre du Logement et du Développement urbain–rural, a précisé que le document fixe l'objectif global de la future organisation du développement et du management urbains chinois. L'objectif est d'entreprendre une construction organisée de la ville en suivant un développement rationnel et efficace, ainsi que de réussir à construire des villes modernes harmonieuses, agréables, animées et au caractère unique, afin d'améliorer la vie quotidienne des habitants.  

Ces cinq dernières années, 100 millions de personnes ont quitté les zones rurales au profit des villes. Aujourd'hui, 56,1 % de la population totale du pays est située dans des zones urbaines, selon les données de la Commission nationale pour le développement et la réforme de Chine (CNDR). Actuellement, la Chine compte 653 villes dont plus de 140 ont une population supérieure à 1 million d'habitants, a précisé Hu Zucai, vice-ministre de la CNDR, lors d'une conférence de presse le 29 janvier dernier.    

La directive détermine sept principaux plans d'action, notamment renforcer la planification urbaine ; faire des villes des endroits au caractère plus unique, plus économes en énergie et plus agréables à vivre ; perfectionner les services publics ; améliorer la qualité et la sécurité des structures urbaines ; apporter de l'innovation dans la gouvernance dans les milieux urbains.  

Les principes de la conception urbaine 

Un point clé du document spécifie que l'architecture urbaine devrait être « pratique, économique, écologique et esthétique ». Selon le projet, les paysages urbains devraient aussi se montrer uniques en reflétant les spécificités régionales, ethniques et contemporaines et en préservant les caractéristiques historiques et culturelles.  

Le document ajoute que les édifices devraient respecter les exigences de conception en termes de forme, de couleur et de taille. La directive encourage également les entreprises de conception tant chinoises qu'étrangères à entrer en compétition afin d'améliorer la qualité de leur travail et de promouvoir les échanges en termes de design.  

Tout en exigeant que les édifices soient esthétiques et en harmonie avec l'environnement, le document précise aussi qu'il ne faut pas se concentrer uniquement sur leur esthétique. Ces derniers doivent être fonctionnels, pratiques et écologiques, et doivent être conçus de manière à économiser l'énergie, l'eau, les terrains et les matériaux.   

Yang Baojun, vice-président de l'Académie de planification et de conception urbaines de Chine, précise qu'à l'avenir, la Chine accordera plus d'importance à la qualité du développement urbain. Le pays passera d'un mode de développement extensif à un mode de développement intensif.  

Les objectifs et agendas 

La directive publiée fixe des objectifs bien précis afin de faire des villes des endroits plus écologiques et plus agréables à vivre. Un calendrier a également été défini afin d'atteindre les objectifs fixés. 

Le document spécifie qu'une mise à niveau écologique devrait également être menée de manière à ce que les montagnes, les rivières, les zones humides et la flore qui ont subi des dégâts puissent être restaurées, que les mines abandonnées soient réaménagées et que la pollution des sols soit éradiquée. Il encourage également l'afforestation ainsi que la gestion écologique de la structure des bâtiments – les toits et les murs par exemple. 

Des mesures de contrôle de la pollution de l'eau et de l'air ont également été définies. Selon la directive, d'ici à 2020, toutes les eaux usées devront être traitées. De même, les villes souffrant de pénurie d'eau devraient pouvoir recycler plus de 20 % de leurs eaux usées. 

Le document exige en outre que les déchets soient triés, réduits, recyclés et réutilisés. Il stipule également que d'ici à 2020, le taux de recyclage des déchets devra atteindre plus de 35 %. D'ici cinq ans, le gouvernement devra également mettre en place un système afin de collecter, recycler et réutiliser les déchets ménagers ainsi que les matériaux non utilisés sur les sites de construction. 

La directive fixe enfin des objectifs concernant le développement des transports publics dans les villes chinoises. D'ici 2020, les transports publics couvriront plus de 40 % de la capacité de transport des mégalopoles chinoises, plus de 30 % dans les grandes villes et plus de 20 % dans les petites et moyennes villes.  

L'année 2020 sera aussi la date butoir pour le démantèlement des structures illégales dans les quartiers classés historiques et culturels, ainsi que l'achèvement de la rénovation des zones urbaines délabrées et des logements vétustes.  

D'ici 2020, 20 % des villes chinoises devront posséder un système de drainage afin d'éviter l'engorgement des canalisations et d'être capables de résister aux inondations. Un chiffre qui devra atteindre 80 % d'ici 2030.  

Toutes les villes devront s'adapter à cette réglementation et s'organiser en fonction de celle-ci.  

Ouverture des zones résidentielles à la circulation 

Un autre point essentiel de la directive concerne le texte, sujet à de longs débats, sur l'ouverture des résidences fermées, c'est–à–dire entourées de murs. 

Le document contient un article spécifiant qu'en principe, aucune enceinte résidentielle fermée ne sera construite à l'avenir et que celles déjà construites seraient peu à peu ouvertes sur l'extérieur. L'objectif étant que les voies intérieures soient plus accessibles au public, que les difficultés d'organisation des réseaux de transports puissent être réduites et que l'utilisation optimisée des terres soit mise en avant. 

Le 22 février, le lendemain de la publication de la directive, Wang Peng, un habitant de l'arrondissement de Haidian de Beijing, a été surpris par les sonneries répétées de son téléphone portable, lui indiquant qu'il avait reçu une série de messages instantanés sur WeChat. M. Wang a vérifié son téléphone et a pris connaissance d'une discussion animée concernant l'ouverture ou non des enceintes résidentielles fermées.  

Les avis sur la question sont mitigés. Un voisin, gêné par une personne ayant endommagé la porte d'entrée de son immeuble durant les vacances du Nouvel an chinois, confie que si les murs étaient amenés à être détruits, il se sentirait moins en sécurité. Une voisine espère cependant que le mur séparant son bâtiment du métro puisse être détruit car cela lui permettrait de gagner au moins 20 minutes sur son trajet quotidien. 

Yang Baojun soutient que les résidences fermées enlèvent du charme et du dynamisme aux villes et que cette situation devrait être modifiée en fonction. Si les blocs d'immeubles sont séparés par des murs, les espaces cloisonnés et certains équipements ne peuvent pas être utilisés par d'autres habitants. M. Yang pense que les villes modernes devraient s'ouvrir pour y remédier. 

Ces dix dernières années, les promoteurs immobiliers ont construit un nombre croissant d'enceintes résidentielles fermées. Ainsi, bien que les avenues principales soient de plus en plus vastes, les routes secondaires, séparées par les quartiers résidentiels fermés, demeurent bouchées. Le nouveau projet prévoit un équilibre entre autoroutes, routes principales et secondaires, tandis que le nombre d'impasses sera réduit. Le procédé fixe également des objectifs précis afin de réduire les embouteillages et de faciliter la circulation dans les villes. Selon la directive, d'ici 2020, la densité routière urbaine moyenne devrait être augmentée de 8 kilomètres par kilomètre carré et les routes devraient représenter 15 % de l'espace total de la ville. M. Yang précise qu'actuellement, dans la plupart des villes, les routes représentent 12 % de l'espace total.  

Néanmoins, suite à la publication du document, nombre de personnes ont fait part de leur inquiétude concernant l'ouverture des enceintes résidentielles. La principale inquiétude réside dans la peur de l'insécurité tant sur les routes que dans les propriétés, si les murs venaient à disparaître.   

Le ministre du Logement et du Développement urbain–rural a rapidement répondu aux inquiétudes de la population en donnant des indications afin de faciliter la compréhension du grand public. Le ministre a déclaré que cette nouvelle directive n'était pas la même pour tous et qu'elle serait mise en place au fur et à mesure en fonction des conditions actuelles des zones résidentielles. Il a également mis l'accent sur le fait qu'il prendrait en considération l'opinion des habitants et que leurs intérêts et leurs droits seraient protégés.  

Beijing Information