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Publié le 03/06/2014
Des traces écrites de Xian Xinghai et Duanmu Zheng à Lyon

Duanmu Mei 

La découverte d'un document manuscrit de Xian Xinghai

Xian Xinghai

Xian Xinghai (1905-1945) fut un célèbre compositeur et joueur de piano chinois. Ses œuvres, telles « la Cantate du Fleuve Jaune », « Derrière les lignes ennemies » ou encore « Sur le Mont Taihang », sont devenues des classiques de la musique chinoise.

Xian Xinghai étudia la musique en France entre 1929 et 1935. En 1931, il intègre le Conservatoire de Paris et forme avec un groupe d'étudiants chinois l'« Association des artistes chinois de Paris ». Officiellement, il n'a pas étudié à Lyon. Cependant, avant de venir effectuer mes recherches en France, le sculpteur Zeng Zhushao (1908-2012), qui fut l'un de ses amis de jeunesse, m'avait fait entendre qu'il y avait un lien entre Xian Xinghai et cette ville.

Lorsqu'en 2007, je suis allé à la bibliothèque municipale de Lyon pour vérifier ses dires, la bibliothécaire, qui connaît la liste des étudiants quasiment par cœur, se montra dubitative. Elle savait bien qui était Xian Xinghai, mais répondit sans hésiter qu'ils n'avaient pas de dossier sur lui et que son nom n'apparaissait pas dans la liste des élèves boursiers. Je lui rapportai alors les mots de Zeng Zhushao et elle me quitta avec un air songeur. Le lendemain, elle m'accueillit l'air toute excitée et me dit sur un ton mystérieux : « Suivez-moi ». Nous arrivâmes dans son bureau et une fois la porte fermée, elle s'écria : « Vous aviez raison ! J'ai trouvé une lettre de Xian Xinghai dans les dossiers non-rangés de la salle des archives ! Comme c'est grâce à votre remarque que je l'ai trouvée, je vous laisse être la première personne à la regarder ! » J'étais sous le choc et en même temps submergée par le bonheur de prendre cette lettre entre mes mains. J'avais du mal à réaliser ce qu'il m'arrivait. Cette lettre était datée du mois de juillet 1934 et était écrite par Xian Xinghai en chinois et en français. Mis à part le papier un peu jauni, l'écriture était restée claire et les pliures nettes, comme si le temps n'avait pas laissé de trace.

Il s'agissait d'une lettre de demande de bourse pour l'Institut franco-chinois. Après avoir fini ma lecture, je demandai à la bibliothécaire s'il y avait eu une suite à ce courrier, mais elle me répondit qu'il lui fallait encore chercher et je dus terminer mon enquête avec une pointe de regret. À mon retour à Lyon l'année suivante, la bibliothèque avait cependant mis en place un dossier Xian Xinghai comptant près de 27 documents. En plus de la lettre découverte l'année précédente, se trouvait aussi une lettre datée de février 1935 et dont le contenu était relativement similaire à la lettre de demande de bourse. Elle s'accompagnait par contre de toute sorte de lettres d'introduction et certificats d'excellence, ainsi qu'une lettre du consul général de Chine en France à l'attention de l'Institut franco-chinois. Xian Xinghai n'était peut-être pas venu étudier à Lyon, mais cela confirmait les propos de Zeng Zhushao.

Par la suite, et grâce aux adresses livrées par ces documents, je retrouvai les lieux où Xian Xinghai avait vécu et étudié. C'était comme si je pouvais voir son ombre ressortir après toutes ces années.

 

Des découvertes inopinées

Duanmu Zheng

La richesse des documents de la bibliothèque municipale de Lyon sur les étudiants chinois dépassait de loin mes attentes. En poussant plus loin mes recherches, je pensais qu'il serait peut-être possible de trouver encore plus de ces trésors. En fait, cette récolte s'avéra rapidement bien plus fructueuse, mais de manière inattendue.

Lorsqu'en 2007, j'avais pour la première fois feuilleté ces archives, j'avais trouvé ce que je cherchais sur cette génération ayant séjourné en France. Je ne pensais pas qu'en analysant les 71 documents du dossier intitulé « Étudiants chinois arrivés en 1948 », je tomberais sur le nom de mon père, Duanmu Zheng ! Il y avait en fait deux documents. Le premier, intitulé « Liste des étudiants chinois arrivés au 1er août », concernait neuf étudiants chinois, dont huit étaient titulaires d'une bourse d'études du gouvernement français. Le deuxième était une lettre de la personne du ministère français de l'Education en charge de la réception des étudiants étrangers, adressée au président de l'Association universitaire franco-chinoise. Celle-ci comportait deux pages, indiquant la ville de destination des étudiants chinois, après leurs études de français à Lyon en 1948-1949.

Quelle n'était pas ma surprise ! À la fin de la Seconde Guerre mondiale, la France et la Chine avaient repris les échanges universitaires. Mon père, Duanmu Zheng (1920-2006), fut l'un des quarante étudiants à obtenir une bourse du gouvernement français. Il étudia le droit international à l'université de Paris, obtint son doctorat puis rentra en Chine. En 2005, j'avais trouvé dans les archives du ministère des Affaires étrangères français un télégramme du consulat français de Nanjing datant de 1948 et annonçant le départ de huit étudiants boursiers pour la France. Mon père m'avait par la suite suggéré d'aller à l'université de Paris pour trouver d'autres documents qui le concernaient. À son arrivée en France, il avait passé deux mois à Lyon pour renforcer son niveau de français, mais je ne pensais pas qu'il y aurait des documents pour corroborer ce fait. Ces derniers m'ont été très utiles pour compléter son parcours.

Avant de partir étudier en France, mon père avait été diplômé de l'Institut de Tsinghua relevant de la National Southwestern Associated University. En 2011, lors de la célébration du centenaire de l'université Tsinghua, la faculté de droit organisa une exposition en son honneur intitulée « De l'université Tsinghua vers la France ». Elle publia aussi un recueil commémoratif, s'appuyant sur les documents trouvés à Paris et à Lyon, sur le passage de mon père en France et intitulé « Empreintes ». Pour cela, je suis fière d'être sa fille et je suis fière d'être historienne.

 

 (Duanmu Mei est chercheur et directrice d'études en histoire de France à l'Institut d'histoire mondiale de l'Académie des sciences sociales de Chine.)

 

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