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50e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques sino-françaises>>> Archives
Publié le 16/01/2014
Interview du président François Mitterrand

Question: Il y a donc vingt ans, la France, Monsieur le Président, reconnaissait la Chine. Alors, aujourd'hui, vingt ans après, quel bilan tirez-vous de ces relations franco-chinoises?

Réponse: Je commencerai par vous répondre que cette reconnaissance diplomatique, je l'avais souhaitée et demandée bien avant 1964. Je m'étais moi-même rendu en Chine en 1961 et j'avais demandé sur les tribunes parlementaires et dans la presse de l'époque que l'on procédât à cet acte diplomatique et politique fort important. Je ne pouvais donc que me réjouir, en 1964, de voir les pouvoirs publics de l'époque adopter cette position. Je pense qu'elle a été très utile. Les relations entre la Chine et la France sont devenues de bonnes relations. Elles ont connu, comme naturellement dans ce domaine, des évolutions successives; mais aujourd'hui, vingt ans après, ces relations sont confiantes: une identité de vue sur certains grands problèmes touchant à l'équilibre mondial, et des relations bilatérales de plus en plus vivantes; mon dernier voyage en Chine m'a permis de la constater.

Q.:

Oui. Mais est-ce que vous ne diriez pas que ces relations sont un petit peu aujourd'hui banalisées bien que la France ait eu effectivement cette clairvoyance d'être la première à établir des relations complètes avec la Chine dans le monde occidental?

R.: Banaliser? Ce serait une bonne chose après tout, même si le terme apparaît comme un peu péjoratif, ce serait une bonne chose que l'on considère comme normal et presque banal que la Chine et la France, qui sont deux grands pays de nature très différente, et il ne s'agit pas de comparer les populations ni même les formes de production, mais malgré tout, qui sont deux des pays qui comptent le plus dans le monde, qui d'ailleurs l'un et l'autre figurent parmi ceux qui, à l'Organisation des Nations unies, emplissent un rôle primordial. . . bon, alors, banaliser dans ce sens, c'est une très bonne chose, on s'est habitué à considérer que la Chine et la France avaient beaucoup de choses à faire ensemble. Mais il n'en reste pas moins que c'est encore un très vaste domaine à défricher: nous pouvons améliorer considérablement nos relations économiques, commerciales, culturelles; le champ est immense, on l'imagine aisément. . . et, sur le plan des relations humaines, déjà j'ai pu à diverses reprises rencontrer, connaître et apprécier les principaux dirigeants actuels, et je pense que dans ce domaine-là, rien n'est banal, rien n'est ordinaire. Je souhaite même que dans les mois et les années prochaines, la Chine et la France puissent accomplir une démarche, plus originale encore, d'abord dans leurs relations bilatérales, ensuite par leur présence simultanée dans les affaires du monde.

Q.: Oui, vous l'avez rappelé, vous avez été l'un des premiers dirigeants politiques français à vous rendre en Chine; alors aujourd'hui à la place où vous êtes, comment voyez-vous les perspectives à long terme et à moyen terme des relations franco-chinoises?

R.: Oh, je crois l'avoir esquissé à l'instant. Il y a quelques lignes de forces dans lesquelles on doit s'engager hardiment. Je crois que la Chine et la France sont des forces d'équilibre: des forces d'équilibre au moment où la politique des blocs tend à se durcir et leur situation géographique leur permet de réussir dans cette entreprise difficile: éviter d'être entraînés au-delà de ce qui est raisonnable, dans ces antagonismes qui, je viens de le dire, s'accentuent; donc permettre en toutes circonstances que s'offrent des lieux de dialogues. Je pense que la Chine et la France ont un grand avenir dans leurs relations mutuelles, bien entendu, parce qu'elles sont l'une et l'autre très représentatives, et très porteuses de très anciennes cultures et que l'une et l'autre, sous des formes toujours différentes, faut-il le souligner, ont franchi un pas très vaste dans le domaine de la modernité et de l'expression culturelle moderne. Je crois que la France peut rendre de très grands services en contribuant au développement technologique par, non seulement des accords commerciaux, mais aussi par des transferts de technologies avec la Chine. Et je pense en même temps que la Chine peut et doit offrir à la France des débouchés qui lui seront nécessaires. Pour cela les missions se multiplient de part et d'autre, à la suite de mon dernier voyage, sur beaucoup de plans, mais je citerai le nucléaire en particulier, je citerai les télécommunications, des projets immenses ont été dessinés dans un accord, une perspective d'accord, un désir d'accord, mutuels. Je voudrais en même temps développer la connaissance culturelle de la Chine, ' donc l'échange de livres, la diffusion de la langue, la possibilité pour la France de s'implanter davantage dans cet immense domaine, puisque l'on trouve là un milliard d'êtres humains. Bref, les perspectives sont immenses, parce que c'est un monde immense.

Q.: Ce sera ma dernière question. Est-ce que, à votre avis, vous y avez en partie répondu, la Chine occupe la place qu'elle mérite sur l'échiquier international, est-ce qu'elle a la place qui lui revient de droit? Et est-ce que vous ne pensez pas du point de vue français qu'il serait souhaitable qu'elle occupe une plus grande place?

R.: On a la place que l'on mérite. Il n'y a pas d'artifice dans ce domaine. On n'a pas de place sans un effort considérable; et la Chine fait cet effort. Donc je n'ai pas à apprécier. Si la Chine s'organise plus encore, absorbée qu'elle est, et cela se comprend, par les formidables problèmes intérieurs, le développement accéléré de sa population, en dépit des efforts qu'elle accomplit et des mesures prises, et, si donc elle est en mesure d'organiser mieux sa production, de l'orienter davantage encore — pour cela les gouvernants chinois sont des gens très sérieux, très aptes à comprendre tous ces problèmes pour mieux répartir les consommations possibles et les échanges à l'intérieur même de la Chine —, tout cela m'amène à penser qu'elle prendra, d'elle-même, la place qui lui revient, que désigne sa très forte population, ses capacités naturelles, dont on a déjà dit qu'elles étaient considérables, son fond. . . son soubassement très puissant de culture, l'intelligence naturelle de son peuple, tout cela, elle aura de plus en plus sa place qui est déjà très grande et pour cela c'est du côté du peuple chinois qu'il faut se tourner et on peut lui faire confiance.

 

Source: Beijing Information



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