La Chine et l'Europe dans l'histoire globale |
L'inspiration insufflée par Fernand Braudel Fernand Braudel est l'un des représentants les plus renommés de l'École des Annales et a marqué durablement l'historiographie française avec la définition de concepts dits braudéliens, comme l'étagement des temporalités, la longue durée, ou encore la civilisation matérielle. La majorité des cours de l'Université d'automne de cette année est d'une certaine manière imprégnée de sa théorie appliquée à l'espace méditerranéen, pour lui un véritable « personnage » historique.
M. Christophe Charle, professeur à Paris I et directeur de l'Institut d'histoire moderne et contemporaine (IHMC-CNRS/ENS), s'est chargé de la conférence inaugurale intitulée « Histoire globale, histoire nationale ? Comment réconcilier recherche et pédagogie », servant d'introduction à l'ensemble des travaux de l'Université d'automne. Abordant la difficulté intellectuelle, mais aussi politique et pédagogique provenant des oppositions binaires, parfois artificielles ou largement simplistes entre histoire nationale et histoire globale, le conférencier a montré aux étudiants chinois comment revisiter la vision nationale à travers les enseignements de l'histoire globale et inversement à obliger cette dernière à descendre de sa tour d'ivoire au profit d'un autre public que celui des spécialistes. « Nous sommes tous spécialistes d'un domaine, mais nous devons parfois aussi enseigner ou écouter des cours sur des domaines beaucoup plus larges », a-t-il souligné. Son exposé était divisé en quatre parties, à savoir la nation parmi les nations, faire une histoire de l'Europe, ce qu'il faut entendre par une histoire globalisée, et comment transmettre cette histoire globalisée et la rendre accessible.
« Quels outils mettre en œuvre pour comprendre la crise actuelle et les déséquilibres dans les échanges économiques internationaux ? Bien évidemment, nous devons nous placer dans une perspective historique longue comme le préconisait Fernand Braudel ». Un homme qui a posé des questions en fournissant des réponses était M. Alain d'Iribarne, directeur de recherche au CNRS. Son intervention, intitulée « Comment comprendre dans la durée les évolutions de l'Europe et de la Chine dans la période contemporaine » a passionné son public sinophone et francophone. Économiste du travail spécialiste de l'organisation productive, il s'est initié à la théorie de Braudel dans les années 90, durant son mandat d'Administrateur de la Fondation Maison des sciences de l'homme. De façon détaillée, le conférencier énumère les visions de Giovanni Arighi, Michel Aglietta et François Gipouloux dans leurs ouvrages sur la voie chinoise, caractérisée par la capacité d'adapter le dispositif politique de régulation de la croissance économique aux transformations sociales. Selon lui, le problème de la Chine actuelle, c'est son avenir face à un triple enjeu, à savoir la poursuite de la régulation dans un contexte de mondialisation, la création d'un nouveau modèle de croissance différent de celui de l'Occdient, et l'entrée dans une philosophie du développement durable.
Mme Isabelle Landry-Deron, sinologue et responsable de la gestion scientifique du Centre d'études sur la Chine moderne et contemporaine à l'EHESS, a donné une conférence intitulée « Connaissance de la Chine dans l'Europe des Lumières : le rôle des missionnaires ». En comparant deux textes écrits à près de deux siècles d'écart par deux jésuites français sur l'île Chongming, l'un datant de l'ère Kangxi (au pouvoir 1662 à 1722) et l'autre de l'époque de Guangxu (1875-1909), la sinologue a abordé l'évolution des perceptions et des attentes du public en France entre le règne de Louis XIV et la Troisième République. Le changement considérable de l'Europe sur les plans politique, économique et social sous l'impact croissant des Lumières, de la colonisation et de la Révolution industrielle était en fort contraste avec le déclin de l'Empire du Milieu à partir de la Guerre de l'Opium, ce qui explique la différence de tonalité et de perception que reflètent les récits rédigés par les deux missionnaires à 170 ans d'intervalle. C'est en ce sens que la comparaison des deux témoignages sur Chongming est intéressante dans le cadre d'une histoire mondiale.
Les autres conférences étaient les suivantes : « Dynamiques et contenus de l'histoire du monde extra-européen en France de 1945 à 2010 » (Maurice Aymard, EHESS) ; « Accueillir la bonne parole : la diffusion des éditions en langues étrangères de Pékin en Suisse romande » (Alain Clavien, Université de Fribourg) ; « Zheng He et Vasco de Gama : histoire croisée des grandes découvertes » (Patrick Boucheron, Paris I / Publications de la Sorbonne) ainsi que « Le périple de la mer Erythée » (Mireille Corbier, CNRS).
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