Tang Yuankai
Suite à la publication des chiffres du sixième recensement de la population chinoise, Mu Guangzong, directeur adjoint du groupe d'experts de la Commission nationale de la population et du planning familial, et professeur à l'Institut des études démographiques de l'Université de Beijing (Beida), s'est entretenu avec Beijing Information à propos de l'évolution démographique en Chine, et des mesures à prendre en la matière.
Q : D'après le résultat du 6e recensement, la Chine compte à l'heure actuelle 1,339 milliard de personnes. Que révèlent ces chiffres, par exemple l'évolution démographique et la procréation ?
R : Ces chiffres ne sont qu'une apparence. En Chine, les problèmes démographiques, si épineux, difficiles ou brûlants soient-ils, sont tous structurels. Nous devons mettre en lumière la grande crise qui se cache derrière ces chiffres gigantesques, crise due au déséquilibre structurel de la population.
Par rapport au résultat du 5e recensement, la population chinoise n'a pas beaucoup augmenté. Ainsi, depuis les années 90, le taux de natalité et le taux d'accroissement naturel se maintiennent à un faible niveau, et sont encore plus bas aujourd'hui, car ne faire qu'un ou deux enfants est très valorisé. Cela va évidemment contribuer à faire diminuer le taux de natalité dans le futur. De plus, l'enfant unique s'occupant seul de ses parents âgés est un phénomène propre à la Chine.
Q : Vous avez dit que l'augmentation fulgurante de la population était déjà sous contrôle en Chine. Actuellement, quels sont les nouveaux problèmes ? Quelles mesures faut-il prendre pour y remédier ?
R : La faible croissance démographique en Chine durant les dix dernières années résulte et du planning familial et de l'influence exercée par le développement socio-économique. Devant le coût croissant que représente l'éducation d'un enfant à l'heure actuelle, les générations post 1980 et 1990 hésitent. D'ailleurs, le taux de procréation de ces deux tranches d'âge est inférieur à 1,3.
La population élevée est un problème incertain, qui tient à beaucoup de facteurs. La Chine n'affronte pas de problème de population excédentaire absolue.
D'après les données du dernier recensement, le déséquilibre de sexe a, dans une certaine mesure, été renversé. Cependant, dans une société dominée par les hommes, la discrimination concernant le deuxième sexe existe toujours, et ne pourra pas être résorbée dans un proche avenir. En fait, les inégalités empirent dans certaines circonstances. Par exemple, la politique de l'enfant unique est à l'origine d'un nombre croissant de choix du sexe de l'enfant. De plus, de nombreux employeurs préfèrent engager des hommes.
Rome ne s'est pas faite en un jour. La meilleure solution consiste à mettre en pratique une politique démographique basée sur l'égalité des sexes. Permettre à tous les couples, qu'ils soient urbains ou ruraux, d'avoir un deuxième enfant est un ajustement conforme à la demande publique et à la loi objective du développement démographique. Un consensus reste à établir : l'égalité des sexes doit être placée au-dessus du planning familial.
Avec un indice total de la fécondité chez les femmes chinoises en âge de procréer inférieur à 1,5 ou même à 1,3, la Chine tombe dans le piège de la fertilité extrêmement basse. Cependant, peu de gens en ont conscience, car il est camouflé derrière le chiffre astronomique de la population totale. Notre problème de population est déjà passé du quantitatif au structurel, du naturel au politique, et du simple au compliqué.
Ne pas mesurer ce risque est très dangereux. L'enfant unique contraint de subvenir seul aux besoins de ses parents âgés est un problème typiquement chinois. Cette situation risque de se détériorer avec le maintien de la politique actuellement en vigueur. Dans un certain sens, le problème du vieillissement résulte bel et bien du problème du planning familial. Le gouvernement doit, autant que faire se peut, mettre en place une stratégie favorisant la procréation modérée et réajustant la politique actuelle, afin de limiter et minimiser les risques éventuels du développement démographique.
Q : Aujourd'hui, le vieillissement de la population chinoise s'aggrave et s'accélère. Comment agir face à une telle situation ?
R. : « Vieillir avant de s'enrichir » est un fait unanimement reconnu concernant le problème de vieillissement actuel en Chine, mais cette opinion reste partielle. En 2007, j'ai proposé l'idée de « vieillir tout en s'enrichissant », et de faire en sorte que toutes les personnes âgées, notamment celles des régions rurales, partagent les fruits du développement socio-économique.
En 2009, j'ai évoqué une autre idée : « vieillir avant d'être prêt ». Ici, « être prêt » désigne non seulement la mise en place d'un système complet de service et d'assurance au service des personnes âgées, mais aussi le manque imminent de jeunes travailleurs, insuffisants malgré une population énorme. Ceci résulte d'une pyramide des âges déséquilibrée.
Nous devons réaliser qu'il ne suffit pas d'avoir de l'argent pour subvenir aux besoins des seniors, encore faut-il avoir un grand nombre de jeunes capables de créer la richesse sociale et de s'occuper des personnes du troisième âge. Faute de quoi, la Chine regrettera tôt ou tard l'insuffisance de sa « réserve en population stratégique ».
Le vieillissement de la population est un problème compliqué, qui peut s'inscrire dans le contexte du planning familial obligatoire. Nous devrons établir aussi tôt que possible un équilibre entre les différentes politiques relatives à la population et au vieillissement. De plus, je pense que permettre à des couples d'avoir un deuxième enfant est une solution stratégiquement importante.
Q : D'après les résultats du 6e recensement national, la population migrante compte 220 millions de personnes. Qu'est ce que vous pensez de ce chiffre ?
R : Cette population massive et l'expansion de son champ d'activités montrent la montée en puissance du mécanisme social susceptible de transformer la pression démographique en vitalité de la population, reflétant également la puissance énorme du changement social et du développement social. L'économie de marché, cette main invisible, joue un rôle très important dans la résolution des problèmes qui impliquent la population, les ressources et l'environnement. L'harmonie entre la population et l'environnement a été réalisée dans une certaine mesure avec le mouvement raisonnable et libre de la population.
Cependant, il nous reste un thème très important sur lequel plancher : comment assurer à la population migrante un accès égal aux avantages sociaux ?
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