Lan Xinzhen
Les Etats-Unis qualifient injustement de nombreux marchés chinois de points chauds pour la contrefaçon et la propriété intellectuelle.
Le 1er mars, le bureau du Représentant américain au commerce (USTR) a publié une liste de « marchés notoires », réels ou virtuels, impliqués dans la violation de biens et l'aide au maintien de la contrefaçon et du piratage. Dix marchés chinois sont listés, dont le moteur de recherche Baidu, le géant du e-commerce Taobao, le marché de la Rue de la Soie (Xiushui) et le centre commercial de produits électroniques Hailong de Beijing, ainsi que le marché de Yiwu, dans la province du Zhejiang.
D'après Xie Mingdun, professeur à l'Université des Postes et Télécommunications de Beijing, la Chine doit consacrer plus d'efforts à la protection des droits de la propriété intellectuelle, tout en protestant contre l'accusation américaine, et en prenant des contre-mesures.
« Il faut que le gouvernement chinois agisse pour réfuter cette calomnie malveillante, sinon nos entreprises seront victimes de l'agressivité de la politique commerciale américaine », a-t-il dit.
Réactions
Dans sa réponse, Taobao a catégoriquement nié toute contrefaçon sur son marché en ligne. « Nous avons toujours fait notre possible pour protéger les droits de la propriété intellectuelle. Nous sommes une entreprise fiable et responsable », a indiqué Zhang Yong, Directeur financier de Taobao. « Aujourd'hui, ce sont des millions de vendeurs qui proposent plus de 800 millions de produits sur notre site », a-t-il ajouté.
Afin d'assurer un environnement sain sur son site, l'entreprise a pris un éventail de mesures, de la détection automatique à la vérification manuelle.
Dans un rapport récemment publié, Taobao affirme avoir reçu plus de 6 000 plaintes l'année dernière, et avoir traité près de 14 millions de produits contrefaits. Par ailleurs, le site internet a mis en place une équipe chargée de la lutte contre la contrefaçon composée de 2 400 bénévoles. Cette équipe a traité pas moins de 530 000 marchandises contrefaites au premier semestre 2010.
Le 15 mars dernier, Taobao a lancé, avec neuf ministères, une campagne nationale visant à éliminer la piraterie en ligne. Parallèlement, le site de e-commerce a déclaré que 200 millions de yuans seraient injectés cette année dans un fonds spécial destiné à protéger les droits et intérêts des consommateurs.
De son côté, le marché de Yiwu a fait part de ses doutes à propos de la liste du bureau du Représentant américain au commerce. D'après le Comité de gestion du marché, depuis les années 90, le gouvernement municipal de la ville a pris des mesures pour réglementer le marché, comme la fondation de la première base de données de marques dans le pays, et une école de formation en commerce.
Entre juin 2009 et février 2011, la douane locale de Yiwu a dépisté au total 500 cas d'infraction impliquant 30 millions de marchandises, protégeant ainsi beaucoup de marques mondialement connues comme Nike, Louis Vuitton ou Armani.
« Actuellement, 1,7 million de produits de 16 catégories sont vendus sur notre marché. Mais seulement quelques uns s'avèrent être des contrefaçons », a dit un responsable du Comité de gestion.
Derrière la liste
L'accusation des États-Unis n'était pas infondée : les dix marchés en question étaient plus ou moins en proie au piratage et à la contrefaçon. Le problème, c'est que la détermination de la Chine à lutter contre tous ces maux a été complètement négligée.
L'USTR a indiqué avoir publié cette liste pour aider le combat global contre la piraterie, une menace croissante pour les entreprises et des industries dans le monde entier.
Mais le raisonnement semble être infondé et illogique si on tient compte des remarques antérieures à l'égard du marché de Yiwu. En 2008, l'USTR a décrit Yiwu comme un marché de produits piratés dans son « Rapport annuel spécial 301 ». En 2009, il s'est contenté d'un simple avertissement, expliquant que Yiwu avait encore besoin de faire des progrès en termes de protection et d'application du DPI. L'année dernière, le bureau a même reconnu que Yiwu avait amélioré son travail de protection, rappelant que des fonctionnaires de la ville avait rencontré à maintes reprises leurs collègues américains, et que l'application du DPI avait été vraiment renforcée selon les initiés.
Aujourd'hui, l'USTR semble avoir durci le ton comme en 2008, en qualifiant Yiwu de « principal centre de distribution de produits illégaux ».
« Une telle diabolisation inconsistante est difficile à comprendre », a déploré Xie Mingdun. L'USTR se sert du DPI pour mettre des entreprises chinoises dans une situation désavantageuse ».
Selon lui, le choix de Baidu et Taobao comme bonnets d'âne du droit de la propriété industrielle est une vengeance, suite au retrait de Google de Chine.
L'USTR a estimé que Baidu incitait les consommateurs à acheter des produits contrefaits en offrant des liens menant à des informations conservées sur des sites d'une tierce partie sans respect du copyright, et des liens qui orientent les internautes directement vers des pages spécifiques sans passer par la page d'accueil.
« Taobao a encore un long chemin à parcourir pour mettre fin à la vente de produits contrefaits, bien qu'il ait consacré beaucoup d'effort à la résolution de ce problème », a souligné l'USTR.
Selon Xie Mingdun, la Chine fait tout son possible pour stopper la piraterie sur internet. En 2010, le ministère de la sécurité publique a même lancé une action spéciale dans tout le pays afin de porter de rudes coups aux produits contrefait et aux reproductions frauduleuse. Lors de cette campagne, six cadres supérieurs du site de partage vidéo Openv.com ont été poursuivis pour piratage.
L'explosion du e-commerce en Chine engendre un besoin croissant de standardiser et réglementer cette industrie émergente. « Mais la liste de l'USTR a apparemment politisé la question de la piraterie en ligne, qui aurait du être inscrite dans le cadre du marché et de la loi », a dit Fang Xingdong, analyste indépendant d'Internet et fondateur de Blogchina.com.
« Les Etats-Unis devraient aborder le problème d'un angle économique ou juridique », a continué Fang. Publier une telle liste au nom du gouvernement désobéit au principe d'économie de marché prôné par ce pays. Par ailleurs, l'image des sites énumérés a été ternie seulement pour la vente de quelques produits contrefaits. C'est injuste pour d'autres vendeurs innocents », a-t-il ajouté.
Le marché du e-commerce a connu une forte croissance ces dernières années. En 2010, le nombre des acheteurs en ligne a dépassé 148 millions, la valeur des transactions est montée de 97,3 % par rapport à l'année précédente, pour atteindre 513,1 milliards de yuans, soit 3% du volume des ventes de marchandises au détail durant l'année entière. Cela explique que la plupart des produits vendus soient légaux.
D'après des analystes, il existe aussi des produits piratés sur des sites américains tels qu'eBay.com, et les Etats-Unis ne doivent pas adopter un double critère sur cette question. Le plein essor de l'industrie du e-commerce en Chine fait pression sur les Etats-Unis, c'est pourquoi l'USTR a pris un ton agressif à l'égard des entreprises chinoises.
Réponse du Ministère chinois du commerce
« Le ministère du commerce va prêter une vive attention à l'impact négatif de la liste sur la réputation des entreprises chinoises concernées », a dit Li Chenggang, directeur du Département des traités et lois du ministère du Commerce, le 14 mars dernier.
Selon Li, des fonctionnaires du ministère du Commerce avaient étudié minutieusement ce rapport, dans lequel ils n'avaient trouvé aucune preuve détaillée. « Le rapport précise d'ailleurs que cette liste n'est ni le résultat d'une enquête ni une expertise du gouvernement américain. Est-ce juste de publier une telle liste sans preuve ? », s'est-il demandé.
Li a indiqué que sur notre planète, aucun pays n'était parfait en ce qui concerne la protection de la propriété intellectuelle. « Certes, la Chine laisse à désirer. Mais elle a déjà redoublé d'efforts dans ce domaine depuis plusieurs années. En octobre 2010, le gouvernement chinois a lancé une action spéciale contre les violations du DPI dans tout le pays. Durant les trente dernières années, la Chine a obtenu des succès remarquables là-dessus », a souligné Li.
Il a conclu que la protection de la propriété intellectuelle était essentielle au développement économique de la Chine, à la construction d'un pays axé sur l'innovation, et au passage du « Made in China » au « Created by China ».
Beijing Information
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