The Last Airbender (Le Dernier Maître de l'air), un film hollywoodien, est à l'affiche en Chine depuis quelques jours. Malgré les mauvaises critiques, l'adaptation de la célèbre série d'animation éponyme a étonné le public chinois, en raison de l'omniprésence de références culturelles à la Chine : le kung-fu, et les paysages de montagne et rivière.
Kung-Fu Panda, Mémoires d'une geisha, La Momie 3, 2012, Avatar, etc… Hollywood multiplie les références aux « éléments chinois » depuis déjà deux ans. Et Le Dernier Maître de l'Air constitue l'apogée en matière de sinisation. Pour certains experts, la « sinophilie » du cinéma américain, poussée par l'essor du marché juteux du septième art en Chine, risque de nuire à la sécurité culturelle de la Chine.
Le Dernier Maître de l'Air
Le kung-fu ensorcèle l'Occident
A l'instar d'autres productions hollywoodiennes au budget astronomique, le Dernier Maître de l'air jette son dévolu sur les arts martiaux chinois. Dans le film, les techniques de combat utilisées par les quatre nations correspondent chacune à une catégorie du kung-fu. Les spectateurs attentifs pourront facilement faire le rapprochement avec certaines scènes de combat de style chinois dans d'autres films, comme X-Men Origins Wolverine et La Momie : la Tombe de l'empereur Dragon.
La Momie: la Tombe de l'empereur Dragon
Le record établi par Kung-Fu Panda est inoubliable. Les deux éléments du film, Kung-Fu et Panda, sont tous d'origine chinoise. Et les cinq autres maîtres, à savoir singe, tigre, mante, serpent et grue à crête rouge, sont tous capables de sauter d'un arbre à l'autre, tout en faisant en l'air un grand écart. A l'étonnement des spectateurs, le film est tourné sans participation de chorégraphe chinois. Cela montre que les cinéastes américains connaissent déjà l'emploi du Kong-Fu sur le bout des ongles.
« Hollywood est une véritable éponge, absorbant tous les thèmes sans distinction, à condition qu'ils aient une valeur commerciale. Par exemple, le kung-fu chinois figure parmi ses sujets de prédilection », dit Tian Huiqun, spécialiste du septième art. Son point de vue a éveillé un écho chez Wei Junzi, critique de cinéma : « Maintenant, faire un film qui interprète les arts martiaux d'une manière américaine et à l'aide des hautes technologies permet de plaire à tout le monde. C'est fantastique pour les Chinois et amusant pour les Américains. En un mot, les studios hollywoodiens pourraient avoir le beurre et l'argent du beurre », ajoute-t-il.
Les paysages de montagne et rivière : une nouvelle source d'inspiration
Si l'on veut tourner un film du kung-fu, la Chine est le pays idéal pour les prises de vues en extérieur. La passion de Hollywood pour les paysages chinois est déjà bien connue.
Dans Fobidden Kingdom, les styles de combat de Jackie Chan et Jet Lee vont de pair avec les paysages pittoresques de Guilin, de Dunhuang et de Wuyishan. Les Orphelins de Huang Shui dévoile toutes les splendeurs de la nature à Shanghai, à Hengdian et au Hubei. Dans Kung-fu Panda, le palais où habite l'empereur de Jade est conçu à la lumière de l'architecture classique chinoise. Selon James Cameron, réalisateur d'Avatar, la montagne suspendue de son film est inspirée du Huangshan, le Mont Jaune. Ces sites exotiques correspondent plus ou moins à l'image que se fait le public occidental de l'Orient.
« Auparavant, Hollywood aimait creuser dans les cultures égyptienne et grecque. Peu à peu, ces deux sources d'inspiration ont été épuisées à force d'être surexploitées. Donc les cinéastes américains commencent à tourner leur regard vers la Chine, une nouvelle ressource culturelle cinq fois millénaire », commente Tian Huiqun.
« Pour les Occidentaux, le kung-fu et les paysages chinois sont très mystérieux. Notamment le taoïsme, une religion obscure qui aspire à l'harmonie naturelle par la physiologie, est en conformité avec ce qu'ils imaginent de l'Orient », explique Sun Lijun, doyen de la faculté des films d'animation du Conservatoire de cinéma de Beijing. Selon lui, Hollywood ne se préoccupe guère de la réalité chinoise. Pour produire des effets visuels merveilleux, il s'intéresse vivement aux choses mystérieuses qui sont faciles à traiter d'une manière spectaculaire.
Une surexploitation qui menace la sécurité nationale chinoise
Personne ne peut aimer ou haïr sans cause. Face à l'ascension rapide du marché cinématographique chinois, Hollywood ne tarde pas à se siniser. « Adaptée à l'identité culturelle du public chinois, cette méthode permet aux films américains de conquérir facilement le marché du pays », dit Tian Huiqun. Citons comme exemple 2012. Dans ce film, on entend souvent de belles paroles, telles que « L'Armée populaire de Libération a sauvé le monde entier » ; « l'arche de Noé est construite à Lhassa » ; « Heureusement, cette mission a été confiée aux Chinois. Seulement eux sont capables de l'accomplir à temps ». Et pendant que ce genre de flatterie éveille la fierté nationale des spectateurs chinois, Hollywood enregistre de nouveaux records au box-office...
L'emploi d'éléments chinois permet aux producteurs américains de promouvoir facilement leurs produits, et de participer directement au tournage des films chinois. Pour Hollywood, le quota de 20 films américains importés officiellement chaque année en Chine est loin d'être satisfaisant. Dans ce contexte, la « sinophilie » devient son atout majeur pour prendre sa part de gâteau sur le plus grand marché asiatique. Engager des acteurs chinois, tourner quelques séquences en Chine, voire même absorber les investissements chinois : les films coproduits ne sont pas inclus sur la liste du quota d'importations.
Aujourd'hui, la croissance du marché du septième art chinois est la plus rapide du monde. D'après certains spécialistes, la « sinisation » de Hollywood vise seulement à explorer les possibilités d'accès au marché chinois, et n'a rien à voir avec la vocation de diffuser la culture du pays. L'opinion de Tian Huiqun touche directement au cœur du problème : « Quelle que soit la quantité d'éléments chinois dans un film américain, il raconte toujours une histoire américaine, qui véhicule les valeurs de l'Occident ».
« En profitant d'un vide juridique de notre pays, Hollywood exploite à sa guise notre ressource culturelle. A vrai dire, cela menace déjà la sécurité de notre culture. Le gouvernement chinois doit s'en rendre compte, parce que si cette tendance continue, nos productions nationales seront de plus en plus défavorisées », déplore Sun Lijun.
Beijing Information
|