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Un atelier de l'incinération d'ordures de Guangzhou. |
L'incinération des déchets pourrait être la méthode de traitement la plus appropriée pour les villes chinoises mais les habitants craignent les répercussions sur la santé et l'environnement.
Lan Xinzhen
Alors que les déchets se font de plus en plus nombreux dans les villes à travers la Chine, deux solutions possibles à ce problème nauséabond sont en concurrence : les ordures devraient-elles être incinérées ou enfouies ?
La question a déjà déclenché des conflits dans certaines villes qui ont prévu de construire des incinérateurs de déchets et où les habitants ont manifesté une vive opposition à l'encontre de ces projets. Depuis l'année dernière, de plus en plus de personnes ont commencé à s'intéresser aux méthodes de traitement des déchets afin de s'assurer que les ordures sont éliminées de façon raisonnable et écologique.
Le 18 juin, le Ministère de la protection de l'environnement (MPE), celui du logement et de la construction urbaine et rurale et la Commission nationale pour le développement et la réforme ont publié un Avis sur le traitement et le contrôle de la pollution des déchet ménagers et ont invité le citoyens à exprimer leurs points de vue.
Dans ce document, les trois départements déclarent que chaque gouvernement local a le droit de choisir ses méthodes de gestion des déchets en fonction des conditions locales. Les villes qui possèdent de vastes étendues de terre et la possibilité de réguler la pollution pourront opter pour les décharges publiques, celles qui souffrent d'un manque de terrain pourront choisir des méthodes d'incinération propres.
Dans les villes où les déchets sont triés et recyclés, on pourra utiliser la méthode du compostage. Cette méthode ne sera pas applicable là où les ordures ménagères ne sont pas triées.
Le document émis par le gouvernement central, le premier de ce genre, sert de directive dans les principales villes telles que Beijing, Shanghai et Canton.
Les conflits persistent
La plupart des villes et communes chinoises ont opté pour les décharges publiques comme méthode d'élimination des déchets, et un petit nombre d'entre elles a commencé à pratiquer le compostage. Seule une fraction minime a eu recours à l'incinération. Les chiffres du MPE ont montré que dans les grandes villes, moins d'un pourcent des déchets est incinéré. Il existe moins de dix incinérateurs de déchets dans tout le pays.
Depuis les années 1990, les villes et les zones côtières majeures donnent la priorité à la technologie de l'incinération des déchets. Mais en raison de lacunes technologiques dans la combustion et la gestion des fumées issues des incinérateurs, ainsi que de la nécessité d'un lourd investissement, les gouvernements locaux ont hésité à appliquer pleinement la technologie de l'incinération dans leur région. Dans certaines villes où il y a peu de terrain disponible, l'incinération des ordures ménagères est effectuée dans des lieux choisis au hasard, sans prendre en considération l'efficacité ou l'impact sur l'environnement de la région. C'est pourquoi les habitants chinois ont une opinion plutôt négative de cette méthode de traitement.
Cependant, même avec des méthodes d'incinération organisées et efficaces, comme le souligne le document, les citoyens chinois restent divisés sur la question.
Zhao Zhangyuan, un ancien chercheur retraité de l'Institut chinois de recherche sur les sciences de l'environnement, est un expert en gestion des problèmes liés aux déchets. Il est lui aussi contre l'incinération des déchets.
L'incinération, a dit Zhao, consiste essentiellement à transformer les déchets solides en gaz. En apparence, la quantité de déchets est réduite, mais la décomposition chimique issue du processus de combustion libère entre 4 000 et 7 000 mètres cubes de gaz dans l'air pour une tonne de déchets. Certains gaz vont se dégrader dans l'air mais une quantité considérable de gaz toxiques, tels que les dioxines – un type de gaz cancérigène extrêmement toxique –, restera en suspension dans l'air. Et peu importent l'efficacité et l'exactitude des mesures de contrôle des émissions, il y aura toujours production de dioxines qui finiront par s'accumuler dans l'air et dans le sol.
Au Japon et en Europe, où l'incinération est couramment utilisée, les personnes qui habitent près des installations d'incinération ont développé des cancers à un taux plus élevé que la moyenne, a dit Zhao.
D'autre part, Zhao affirme que l'incinération des déchets provoque une pollution secondaire, faisant référence à l'oxysulfure de carbone et aux oxydes d'azote émis durant l'incinération. Après avoir subi des réactions chimiques dans l'atmosphère, ces gaz toxiques se transforment en aérosols d'acide sulfurique ou d'acide nitrique, puis retournent sur Terre sous forme de pluies acides. Le pire dans tout cela est que la Chine n'a pas encore développé de technologie pour faire face à cette pollution secondaire.
Mais tout le monde n'est pas opposé à l'idée d'incinérer les déchets. Nie Yongfeng, un expert en contrôle de la pollution par les déchets solides et professeur à l'Université Tsinghua, est en faveur de l'utilisation de l'incinération.
Nie a déclaré que les méthodes actuelles de traitement des déchets, incluant les décharges publiques et le compostage, ne peuvent pas rendre les déchets totalement inoffensifs. Les décharges publiques occupent trop d'espace et engendrent une importante puanteur ainsi que la formation de méthane. En termes d'effet de serre, le méthane est 21 fois plus puissant que le dioxyde de carbone, qui est produit lors de l'incinération. En optant pour les décharges publiques, le terrain nécessaire au traitement des déchets ne fera qu'augmenter, constituant un fardeau invivable pour les villes qui se développent à grande vitesse.
Zhou Hongchun, un chercheur en développement social au Centre de recherche sur le développement (Conseil des affaires d'Etat), a dit que parmi les trois méthodes de traitement des déchets, le compostage était la solution la moins viable étant donné que les déchets urbains ne contiennent que peu de résidus organiques. Les décharges nécessitent de la place qui n'est pas facile à trouver dans les centres urbains en développement. Mais l'incinération réduit les déchets à un cinquième de leur volume d'origine et à un quinzième de leur poids d'origine, et constitue ainsi pour la Chine la meilleure façon de résoudre ses problèmes de déchets pour le moment.
Nul besoin de s'inquiéter
Beijing, qui fait partie des villes prévoyant d'augmenter considérablement leur taux d'incinération des déchets, produit 6,72 millions de tonnes de déchets chaque année, soit environ 18 400 tonnes par jour. Sur les cinq dernières années, la quantité de déchets a augmenté au rythme de 8% par an. Actuellement, à Beijing, 90% des déchets sont enfouis, 8% sont compostés et seulement 2% sont incinérés. Le gouvernement municipal prévoit d'élever le taux d'incinération à 40% d'ici 2020, alors que la part des décharges publique et de la compostage devrait respectivement être de 40% et 30%.
Afin d'atteindre cet objectif, la ville de Beijing a l'intention de construire cinq incinérateurs de déchets ménagers d'ici 2015, lesquels permettront d'incinérer environ 11 000 tonnes de déchets chaque jour.
En ce qui concerne les craintes des habitants à propos des dommages pour la santé et pour l'environnement, le Ministère de la protection de l'environnement a exprimé que les nouveaux incinérateurs de déchets ménagers devraient comporter des systèmes de contrôle automatique afin de surveiller les polluants tels que les fumées, le dioxyde de carbone, le monoxyde de carbone, le dioxyde de soufre et les oxydes d'azotes émis lors de l'incinération. Les données devront être accessibles au public à tout moment. De plus, la Chine adoptera les normes européennes et les installations n'atteignant pas ces normes ne seront plus autorisées à fonctionner.
Quant aux dioxines, la principale source d'inquiétude des habitants, le MPE a indiqué que le contrôle de la pollution des dioxines est techniquement assuré. Selon les données du Bureau de la protection de l'environnement de Beijing, les émissions de dioxines issues de l'incinération des déchets atteindront les normes européennes, ce qui signifie que la quantité de dioxines dans l'air devra être inférieure à 0,1 ng TEQ/Nm3, valeur en-dessous de laquelle le gaz n'est plus considéré comme toxique pour l'homme.
Le vrai défi sera de superviser les installations, puisque la Chine doit encore mettre en place un système complet de régulation et de supervision de l'incinération. A l'heure actuelle, dans le but d'obtenir de meilleurs résultats économiques, les méthodes et les matériaux utilisés pour les incinérateurs sont dépassés et la modernisation des équipements est repoussée, a dit Wang Weiping, ingénieur en chef adjoint de la mairie de Beijing. Une fois qu'une régulation et une supervision efficaces seront mises en place, a dit Wang, les normes européens pourront être atteints, puisque la technologie actuelle d'incinération des déchets permet largement d'y parvenir.
Beijing Information
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