Han Bo, correspondant spécial
M. Tan Yingzhou lors de l'entretien
Parlant de l'évolution de la « Perle de l'Orient », M. Tan Yingzhou, chinois de Shanghai, commence naturellement par son parcours personnel.
« Je suis né en 1966. En 1984, j'ai été admis à l'Université Fudan. A cette époque, à mes yeux, Shanghai était beaucoup moins grande qu'aujourd'hui, se limitant à un rayon d'une demi-heure de route en bus. Le Parc Hongkou se trouvait en périphérie de la région urbaine, car il fallait justement 30 minutes de bus pour s'y rendre. Quant à l'Université Fudan, qui se trouvait à une heure de route, elle était tout simplement en banlieue », a-t-il raconté.
Quoi qu'il en soit, Tan est très attaché à la ville dans laquelle il a grandi. « Mon sentiment d'appartenance à Shanghai est peut-être différent de celui des gens qui vivent dans des villes plus petites, avoue-t-il, parce que dans un bourg peuplé de seulement 1000 à 2000 habitants, il se peut que vous connaissiez toutes les personnes et tous les quartiers. Mais il n'en est pas de même pour la mégalopole que constitue Shanghai. Même si vous y vivez depuis longtemps, vous rencontrez toujours de nouvelles têtes, vous vous trouvez toujours dans de nouveaux quartiers. Si vous n'avez pas fixé de rendez-vous avec un ami, il est tout à fait possible que vous ne le rencontriez pas dans la rue, pendant des années ».
Université Fudan
Tan Yingzhou habite dans la rue Yixianglu, un endroit encore plus excentré que l'Université Fudan. « Il y a quelques années, ma grand-mère est venue chez moi, et en partant, elle m'a dit qu'elle rentrait à Shanghai ! Pour elle, mon quartier n'appartient même pas à la ville ».
Tan a séjourné dans plusieurs villes, chinoises ou étrangères. Selon lui, les villes permettent de satisfaire aux besoins culturels et matériels des citadins, et ce très rapidement. Shanghai est la ville la plus moderne en Chine à ses yeux. « Son atout majeur est l'abondance des marchandises. Ici, il y a pas mal d'universités, bibliothèques, musées, théâtres et cinémas. Les spécialités des autres régions et pays sont par ailleurs omniprésentes », continue-t-il.
Mais la modernité est une épée à double tranchant. « Shanghai est une ville qui s'élargit rapidement. Bien sûr, c'est inévitable dans le processus d'urbanisation. Mais il faut aussi synchroniser le développement du transport public à la vitesse de l'expansion urbaine. Cette année, la situation s'est améliorée, mais il reste encore beaucoup à faire ».
« De plus, Shanghai est maintenant confrontée à un grave problème : la détérioration de l'environnement. Avec la croissance démographique, la consommation augmente rapidement. De plus en plus de matières polluantes sont émises dans l'eau et dans l'air. Je peux vous l'assurer, la qualité de l'air se dégrade d'année en année, au lieu de s'améliorer. Quant au second grand problème de Shanghai : ce sont les embouteillages », indique-t-il.
Culture
Shanghai a une histoire très particulière, qui est à l'origine de sa culture typique. Mais la définition de la culture shanghaienne est sujette à diverses interprétations. L'opinion de Tan est très académique. Selon lui, la culture de Shanghai ne peut se réduire à une école littéraire ou artistique ; elle est au contraire un mélange des caractéristiques communes à celles de la culture locale. « A en juger par son côté face, générée par la collision entre l'Orient et l'Occident, la culture de Shanghai est dynamique et pleine d'idées nouvelles. En revanche, son côté pile est moins agréable. Très attachée au commerce et au marketing, cette culture n'est pas profondément enracinée dans les traditions historiques », explique-t-il.
« Par rapport à d'autres villes, Shanghai a une histoire plus courte. Mais son rôle s'avère loin d'être négligeable dans l'évolution de l'économie moderne du pays. Lieu de rencontre entre l'Orient et l'Occident, Shanghai a introduit pas mal de nouveaux concepts et les a diffusés dans toute la Chine. Plusieurs écrivains célèbres y ont vécu et travaillé, comme Lu Xun, Mao Dun, Yu Dafu, Xu Zhimo, Ba Jin, etc. Edition, presse et cinéma sont nés à Shanghai. En même temps, la culture locale s'est développée rapidement grâce à un environnement culturel relativement libre et sécurisé », continue-t-il.
« L'urbanisation de Shanghai a dans une certaine mesure contribué à la formation de la culture locale. Par exemple, des écrivains tels que Lu Xun, Yu Dafu et Xu Zhimo, sont tous originaire de petites villes de la périphérie de Shanghai, comme Shaoxing, Fuyang, et Haining ».
Le Bund
« Par ailleurs, la colonisation centenaire à Shanghai a légué l'héritage architectural du Bund. Bien qu'il s'agisse d'un patrimoine, nous devons prendre conscience de l'empreinte colonialiste que véhiculent ces constructions de style occidental ». Tan a indiqué que face à la nouvelle période qui s'ouvre, les Shanghaiens doivent s'efforcer de créer une culture plus riche, au lieu de se reposer sur le passé.
Expo de Shanghai
Tan pense que grâce à l'Expo de Shanghai, l'image de sa ville natale s'est embellie. « Beaucoup d'endroits deviennent plus propres. Le transport public a été amélioré : les lignes de métro se multiplient, et les déplacements sont plus rapides », dit-il
Selon lui, lors de l'Expo, la Chine doit mettre en valeur les succès de sa civilisation ancienne, la richesse de ses cultures locales et la diversité des traditions folkloriques. « Bien sûr, il ne suffit pas de valoriser les choses anciennes, encore faut-il y ajouter les succès remportés par notre pays à l'époque contemporaine dans les domaines culturel et économique ».
Beaucoup de pays dans le monde, comme l'Irlande, le Canada, ou l'Australie, se consacrent avec force à la promotion de leur propre culture. « La Chine est en retard sur ce point-là. L'Expo de Shanghai permet aux pays participants de renforcer leur influence culturelle sur la Chine. En contrepartie, la Chine doit aussi en profiter pour présenter au monde ses propres cultures. De plus, lors des échanges culturels dans le cadre de cet événement grandiose, les écrivains shanghaiens pourront apprendre auprès de leurs confrères étrangers, et faire publier leurs meilleures œuvres à l'étranger », conclut-il.
(Tan Yingzhou est le nom de plume de l'écrivain Tan Zheng. Outre son activité d'écrivain, il est aussi professeur à l'Institut de littérature et des langues étrangères de l'Université Fudan, et directeur de thèse. Avec Yu Haijiang, Il a co-traduit vers le chinois le best-seller « L'homme qui a changé la Chine » (The man who changed China), biographie de l'ex-Président chinois Jiang Zemin écrite par l'américain Robert Lawrence Kuha.)
Beijing Information
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