Cette sécheresse, qui a balayé presque tout le Sud de la Chine, a révélé le retard de développement des installations hydrauliques agricoles et des systèmes d'irrigation dans des régions rurales.
Lan Xinzhen
« Le Sud ne manque jamais de pluie, et dans cette sécheresse a notamment révélé la vétusté des ouvrages hydrauliques agricoles », a précisé Zheng Fengtian, vice-doyen de la faculté du développement agricole de l'université du peuple de Chine.
Yunnan, Guizhou, Guangxi… Toutes ces provinces se trouvent en zone subtropicale, où la pluviométrie est élevée et les cours d'eau nombreux. Et en général, les habitants redoutent plus une inondation qu'une pénurie d'eau. Face à cette sécheresse qu'on n'avait jamais vue depuis une centaine d'années, les paysans sont pris au dépourvu : sans système d'irrigation efficace, la terre se craquelle et l'ensemencement devient impossible.
Des systèmes d'irrigation existent dans ces régions. Dans les années 50 et 60, la Chine, qui a adopté un mode de culture collectif, a ordonné la construction de bon nombre d'installations hydrauliques. A cette époque, la plupart des régions rurales, à l'exception des régions trop reculées, a été dotée d'un système d'irrigation efficace. Selon les « Données statistiques sur les ouvrages hydrauliques – réalisations au cours de quatre décennies » publiées par le ministère des Eaux en 1990, la superficie des terres cultivées irrigables aménagées depuis 1949 totalisait 49 millions d'hectares en 1979, soit un quart de la totalité des terres irrigables et la plus grande surface au monde. De plus, la superficie de terres irrigables par personne était supérieure à l'indice mondial.
Depuis 1979, la Chine a adopté, en matière de culture des terres labourées, un système d'exploitation familiale forfaitaires. Mais cette politique n'a pas été appliquée à la construction et la restauration des installations hydrauliques. De fait, la plupart a été abandonnée, et les investissements publics dans ce secteur ont été insuffisants. De 1949 à 1979, 86 000 réservoirs ont été construits dans le pays. Néanmoins, depuis 1979, la Chine n'en a fabriqué que 827. On dénombre 57,8 millions d'hectares de terres irrigables parmi les terres cultivées d'une superficie totale de 122 millions d'hectares, soit seulement une augmentation de 8,8 millions d'hectares, qui se concentrent dans les régions centrales et occidentales.
« La plupart des installations hydrauliques agricoles construites dans les années 50 et 60 sont maintenant inutilisables. Les paysans n'ont pas la motivation pour en construire de nouvelles. Dans cette configuration, l'agriculture est essentiellement soumise aux aléas de la météo », a indiqué M. Zheng.
Les installations hydrauliques sont fortement sous-développées
En juin dernier, l'Assemblée populaire nationale a dépêché des groupes d'inspection dans le Hebei, le Henan, la Mongolie intérieure, le Jilin, le Sichuan et le Shaanxi afin de faire un état des lieux des ouvrages hydrauliques agricoles.
Selon le rapport d'enquête, la plupart est vétuste. Moins de 50% des grandes installations hydrauliques sont en parfait état de marche. Pour les moyennes ou petites installations, ce chiffre ne dépasse pas 40 %. La plupart des stations de pompage ne sont que partiellement exploitées. Certaines n'atteignent que 40 % de leur capacité ou sont totalement inutilisables. Plus de 85 % des stations de pompages nécessitent une restauration urgente, alors que la superficie des terres irrigables ne représente que 48 % des terres cultivées. Donc, plus de la moitié des terres cultivées dépend des conditions météorologiques.
D'après Qu Yanping, ingénieur au centre de recherche des mesures de lutte contre les inondations et la sécheresse du ministère des Eaux, la plupart des installations hydrauliques construites dans les années 50 et 60 reste actuellement en mauvais état. Environ 80 % des terres cultivées ne sont capables que de résister à une « sécheresse normale ». En outre, bon nombre de régions sont dotées d'ouvrages d'irrigation, mais manquent d'installations auxiliaires.
« La plus grande cause est l'absence d'un système de responsabilité à l'égard de la construction et de la maintenance des petites installations hydrauliques », a exprimé Zheng Fengtian.
Selon lui, le gouvernement et la collectivité du village étaient chargés de la construction et de la maintenance des systèmes d'irrigation avant la réforme et l'ouverture, à la fin des années 70. Mais depuis, les paysans exploitent de manière forfaitaire les champs. Certains estiment que les ruraux devraient s'occuper de la construction et de la maintenance des ouvrages hydrauliques, ce qu'ils refusent. De plus, les paysans, dont les revenus sont assez bas, ne veulent pas investir dans les projets hydrauliques. C'est ainsi que de nombreux ouvrages hydrauliques ont été abandonnés.
Selon les chiffres du ministère des Eaux, de 1980 à 2008, les investissements dans l'hydraulique agricoles ne représentent que 6 % de la totalité des investissements dans les infrastructures hydrauliques. Malgré le déblocage annuel de fonds par le gouvernement central pour ce secteur, la priorité est donnée à l'hydroélectrique, les réservoirs et les grands barrages. La construction de projets d'irrigation et de drainage dans les champs a été négligée. Pour les ouvrages de plus de 50 ans, les fonds destinés à leur entretien sont quasiment nuls. En cas de grande sécheresse, on ne peut donc pas compter sur ces installations vétustes.
« Cette sécheresse rarament vue dans l'histoire nous fait constater l'importance de la construction et de l'entretien des ouvrages hydrauliques », a reconnu Zheng Fengtian.
Suggestions des experts
D'après M. Zheng, face à cette vigoureuse sécheresse, le mieux serait que le gouvernement verse de l'argent pour que les paysans restaurent au plus vite les installations hydrauliques agricoles. Le gouvernement doit trouver un modèle garantissant la construction de ces installations, et qui s'adapte à la situation actuelle.
Ces dernières années, la sécheresse a frappé Sud de Chine à plusieurs reprises. Les services compétents ont organisé des recherches et dépensé beaucoup d'argent. Cependant, l'agriculture dépend toujours en grande partie de la météo. Cette situation menacera sans doute encore pour longtemps la sécurité des approvisionnements.
Selon Xie Deti, membre de la CCPPC et doyen de l'académie des ressources et de l'environnement de l'Université du Sud-ouest, il est crucial d'augmenter l'investissement dans la construction d'infrastructures hydrauliques agricoles. « A cause de leurs faibles revenus, bon nombre de paysans ne veulent plus cultiver les champs. Dans ce cas, leur demander de construire des ouvrages hydrauliques est tout bonnement impossible. Le gouvernement devrait se charger de ces travaux », a expliqué Xie lors de la session de la CCPPC cette année.
D'après lui, le gouvernement central et les gouvernements régionaux pourraient construire conjointement les installations d'irrigation principales, et les paysans s'occuper des canaux auxiliaires. Parallèlement, il faudrait encourager l'investissement non gouvernemental. « Il ne faut plus négliger la construction du système d'irrigation et de drainage dans les champs », a expliqué M. Xie.
Le document No1 de l'Autorité centrale de 2010 a souligné la nécessité d'augmenter les fonds destinés aux petites installations hydrauliques agricoles et à la restauration des réservoirs délabrés.
M. Xie est un fidèle partisan de cette nouvelle politique. Il a conseillé de renforcer la supervision des finances afin de prévenir le détournement des fonds et d'assurer l'effet des investissements.
Cette sécheresse a mis en avant la nécessité de mieux prévenir la sécheresse dans les provinces du Sud, et de ne pas se focaliser uniquement sur les menaces d'inondations. D'après Bai Enpei, secrétaire du comité provincial du PCC pour le Yunnan, le taux d'utilisation des eaux de Yunnan est trop faible, car pour une province classée au 3ème rang national en termes de ressources en eau, cet indice n'est que de 6 %. « La sécheresse est un signal d'alarme pour construire davantage d'infrastructures hydrauliques agricoles. Il faut absolument mettre fin à la pénurie d'eau due au manque d'installations hydrauliques efficaces. »
Afin de palier la vétusté des projets hydrauliques, le Yunnan a décidé de construire en 2010 cent grands ouvrages hydrauliques, et un million de bassins dans les montagnes.
De surcroît, le Guizhou, autre région touchée par cette catastrophe naturelle, fortifiera ses réservoirs délabrés, et construira des installations hydrauliques auxiliaires afin d'élever la superficie de terres cultivées irrigables.
D'après Xie Deti, il faut d'une part mettre l'accent sur la construction de grands ouvrages hydrauliques, et d'autre part attacher une grande importance à la construction des canaux auxiliaires. Le manque de grandes zones d'irrigation entraîne un énorme gaspillage d'eau, mais les canaux auxiliaires permettent de dériver l'eau vers les champs cultivés. Il nous faut à la fois nous concentrer sur l'innovation et l'application des nouvelles technologies d'irrigation.
Xie Deti a également souligné l'importance du perfectionnement des infrastructures hydrauliques agricoles et du système juridique pour répondre dans l'urgence à une sécheresse.
Annexes :
Selon le rapport du deuxième recensement agricole publié en février 2008 par le Bureau national des Statistiques : En Chine, la superficie des terres cultivées est de 1,826 milliard de mu (1 mu = 1/15hectare), dont 0,867 milliard dotés d'installations d'irrigation, soit 44,5 %.
Selon les statistiques du ministère des Eaux, le territoire compte 87 085 réservoirs de divers types (de contenance supérieure à 100 000 m³) dont 86 258 ont été construits avant 1979 et 827 après 1979. Jusqu'à 2008, on dénombre 37 000 réservoirs délabrés dans le pays, soit 42,5 %.
Beijing Information
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