— Discours de Monsieur Wen Jiabao, Premier Ministre du Conseil des Affaires d'Etat de la République populaire de Chine, au 5eSommet commercial Chine-UE (Nanjing, 30 novembre 2009)
Monsieur le Premier Ministre Fredrik Reinfeldt,
Monsieur le Président José Manuel Barroso,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
C'est un grand plaisir pour moi de participer au 5e Sommet commercial Chine-UE. Je voudrais, à cette occasion, exprimer toute mon estime et mes sincères remerciements à toutes celles et tous ceux qui ont œuvré depuis longtemps pour le développement des relations économiques et commerciales sino-européennes et la promotion de l'amitié entre les peuples chinois et européens. En ce moment crucial dans la lutte contre la crise financière internationale, une coopération économique et commerciale renforcée entre la Chine et l'Europe non seulement profite au développement de leurs économies respectives, mais aussi contribue à une reprise solide et à la prospérité durable de l'économie mondiale. Je souhaite du fond du cœur un plein succès pour ce Sommet !
Le thème du présent sommet : « L'économie verte : pour une croissance durable », constitue un enjeu essentiel pour le renforcement de la coopération Chine-UE. Au cours des deux siècles écoulés, l'industrialisation au monde a permis aux seuls pays développés, avec à peine un milliard d'habitants, d'accéder à la modernité, mais elle a coûté très cher à notre planète en termes de ressources et d'écologie. Une phrase célèbre dans la Stratégie mondiale de la Conservation dit : « Nous n'héritons pas la terre de nos ancêtres, nous l'empruntons à nos enfants ». Pour léguer à nos générations futures une planète qui leur permet de survivre et de s'épanouir, il est impératif de mettre en place un système d'économie nationale cyclique et durable qui produit plus et consomme moins avec moins d'émissions. Il est indispensable de transformer le mode de développement et de consommation actuel pour que la société humaine s'engage dans une voie de développement caractérisée par une production développée, une vie prospère et un environnement de qualité.
Dans le souci de rendre le foyer de l'humanité meilleur, la Conférence des Nations Unies sur l'Environnement et le Développement (CNUED), tenue en 1992, a adopté deux documents-programmes, la Déclaration de Rio et l'Agenda 21, ainsi qu'une déclaration de principe sur les forêts, et signé la Convention-cadre des Nations Unis sur les changements climatiques et la Convention sur la Biodiversité. Dès lors, la civilisation verte a attiré une grande attention des différents pays et le développement durable est devenu un consensus largement partagé par la communauté internationale. Suite à l'adoption du Protocole de Kyoto en 1997, et puis de la « Feuille de route de Bali » en 2007 qui ont précisé les responsabilités des différents pays du monde face au changement climatique en fonction de leur niveau de développement, un vent écologique a soufflé à travers le monde pour la recherche de l'harmonie entre la préservation de l'environnement et le développement économique. La Conférence de Copenhague, qui se tiendra prochainement, sera un autre moment fort de la coopération internationale contre le changement climatique. La volonté exprimée et les engagements pris par les pays à cette occasion permettront sans aucun doute de faire progresser le processus historique de la promotion de l'économie verte et du développement durable. Le gouvernement chinois, prêt à prendre toute sa part à cette conférence avec une attitude constructive, souhaite sincèrement que la conférence aboutisse à des résultats positifs.
Cette année aura été l'année la plus difficile, depuis le début du nouveau siècle, pour le développement socio-économique de la Chine. Elle a également été une année où nous avons surmonté avec sang-froid des épreuves et difficultés de tout genre. Devant la forte baisse des demandes extérieures, la surcapacité industrielle, les difficultés des entreprises, la hausse du chômage et le ralentissement sensible de la croissance dus à la crise financière internationale, le gouvernement chinois a immédiatement adopté dix mesures visant à stimuler la demande domestique et à assurer une croissance régulière et soutenue, appliqué une politique budgétaire de relance et une politique monétaire relativement assouplie et mis en œuvre un plan global de lutte contre la crise financière internationale en le complétant et en l'améliorant. Ces actions ont permis à la Chine d'inverser en un temps relativement court la tendance baissière de son économie. Durant les dix premiers mois de cette année, les ventes au détail des articles de consommation se sont accrues de 15,3 % et les investissements en biens immobiliers de 33,1 % par rapport à la même période de l'année dernière, avec une croissance du PIB de 7,7 % pour les trois premiers trimestres. Parallèlement aux efforts sur le plan intérieur, nous avons travaillé activement au développement de notre coopération économique et commerciale avec les autres pays du monde et à l'élargissement des importations, des investissements et des aides à l'étranger, renforcé nos concertations en matière macro-économique avec les pays concernés et œuvré pour la promotion de la réforme du système économique, commercial et financier international, apportant ainsi notre part de contribution à la reprise de l'économie mondiale.
Face à une conjoncture extrêmement difficile et complexe tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, le gouvernement chinois a poursuivi fermement la politique nationale fondamentale d'économie d'énergie et de protection de l'environnement et mis en application effectivement le Plan national de lutte contre le changement climatique. Cette année, 14,6 % des nouveaux investissements ont été consacrés à la restructuration, à l'innovation technologique, à l'économie d'énergie, à la protection environnementale et à la construction de l'écosystème, ce qui a permis de promouvoir un mode de développement vert, cyclique et durable. Des progrès importants ont été réalisés dans nos efforts d'économiser l'énergie et de réduire les émissions. Selon nos estimations, la consommation énergétique par unité de PIB sur l'année sera en forte baisse par rapport à 2008, et l'émission du dioxyde de soufre et la demande chimique en oxygène seront également réduites de 2,1 % et de 2,7 %. L'élimination des capacités de production dépassées a donné de bons résultats avec la fermeture de petites centrales thermiques d'une capacité totale de 21 000 mégawatts et de plus de 1 000 petites mines de charbon. La capacité de séquestration forestière du carbone a été renforcée : la Chine a honoré avec deux ans d'avance son engagement pris devant le monde entier en réalisant un taux de couverture forestière de 20,36 % en 2008. La construction des infrastructures écologiques s'est accélérée : la capacité journalière de traitement des eaux usées dans les villes a été augmentée de 11,25 millions de m³ et les unités de désulfuration nouvellement installées dans les centrales à charbon ont atteint une capacité de 70 000 mégawatts. Les industries écologiques ont connu un grand essor : en 2008, la part des énergies renouvelables et des énergies propres dans la consommation d'énergies primaires a atteint 9 %. La Chine est désormais au premier rang mondial en termes de puissance installée hydro-électrique, de capacités électronucléaires en construction, de superficie des panneaux solaires utilisés pour chauffe-eau ainsi que de capacité de production de l'électricité photovoltaïque, et au quatrième rang pour sa capacité installée éolienne. Il s'agit là des progrès prodigieux que la Chine a enregistrés en matière de restructuration et de transformation du mode de développement et également d'une contribution importante au développement de l'économie verte dans le monde et à la lutte internationale contre le changement climatique.
Il y a quelques jours, le gouvernement chinois a annoncé les objectifs suivants : d'ici 2020, l'émission de CO2 par unité de PIB de la Chine sera réduite de 40 à 45 % par rapport à 2005, la part des énergies non-fossiles dans la consommation d'énergies primaires sera élevée à environ 15 %, la superficie des forêts augmentera de 40 millions d'ha et les réserves forestières de 1,3 milliard de m³ sur la base de 2005. Il s'agit là d'une action autonome décidée par la Chine conformément à sa situation réelle et d'un effort considérable qu'elle fera pour la lutte mondiale contre le changement climatique, témoignant du sens de responsabilité de la Chine envers la nation chinoise et l'humanité tout entière. La réalisation de ces objectifs nécessite des efforts durs et opiniâtres. Plus que jamais déterminés, nous prendrons des actions plus énergiques et des mesures plus efficaces pour honorer nos engagements.
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Très attaché au développement des relations Chine-UE, le gouvernement chinois considère toujours l'Union européenne comme un de ses partenaires stratégiques les plus importants. Depuis l'établissement des relations officielles entre la Chine et l'UE il y a 34 ans, grâce à l'attention et aux efforts des deux parties, les relations économiques et commerciales sino-européennes se sont développées régulièrement et ont gagné sans cesse en maturité pour devenir aujourd'hui une composante importante du partenariat global stratégique Chine-UE. A l'heure actuelle, l'UE est le premier partenaire commercial, le premier marché d'exportation, le premier fournisseur de technologies et le quatrième investisseur de la Chine. Et la Chine représente pour l'UE le deuxième partenaire commercial, le premier fournisseur et désormais le troisième client. Cette année, la coopération économique et commerciale sino-européenne a connu un développement stable malgré les graves impacts négatifs de la crise financière internationale. De janvier à octobre, le volume du commerce entre la Chine et l'Union européenne a atteint 292,4 milliards de dollars US et représente 16,7 % du commerce extérieur de Chine. Jusqu'en septembre dernier, l'UE a investi directement dans 31 000 projets en Chine et les investissements réels européens ont totalisé 66,5 milliards de dollars US ; 316 000 technologies ont été introduites en Chine à travers des contrats d'un montant de 125 milliards de dollars US. Comme les faits l'ont prouvé, la coopération économique et commerciale est un moteur important du partenariat global stratégique Chine-UE et contribue à un développement équilibré et ordonné de l'économie mondiale.
Ce matin, je me suis entretenu avec le Premier Ministre Reinfeldt, le Président Barroso et d'autres dirigeants européens pour discuter de l'avenir des relations Chine-UE. Nous sommes convenus que pour développer le partenariat global stratégique sino-européen, il faut renforcer la confiance mutuelle et adopter une vision à long terme, ayant la coopération économique et commerciale comme base, la haute technologie comme moteur et l'économie verte comme priorité, afin de réaliser le gagnant-gagnant. Je voudrais, à cet effet, avancer les propositions suivantes :
Premièrement, approfondir la coopération en matière d'économie d'énergie et de protection de l'environnement pour faire face ensemble au changement climatique. La Chine et l'UE ont eu, depuis l'établissement de leur partenariat sur le changement climatique en 2005, sept tours de consultations bilatérales très fructueuses et engagé une série de projets en matière d'énergie et de protection de l'environnement. Nous devrons poursuivre nos consultations sur la garantie institutionnelle, le financement et la coopération technique et mettre en place un mécanisme orienté par les gouvernements et qui fonctionne selon les règles du marché avec la participation des entreprises pour accroître sur tous les plans nos capacités de lutte contre le changement climatique. La Chine souhaite apprendre et s'inspirer de l'UE qui dispose de technologies avancées en matière d'économie d'énergie et de protection de l'environnement et de savoir-faire de gestion et où une politique efficace a été mise en place dans les domaines de l'industrie, du transport et du bâtiment. Nous espérons que les entreprises des deux côtés pourront explorer les opportunités de commerce et d'investissement liées à la lutte contre le changement climatique et en profiter pleinement pour mener des échanges et coopération techniques.
Deuxièmement, ouvrir davantage les marchés et s'opposer au protectionnisme sous toutes ses formes. Les seuls chiffres du commerce des marchandises ne peuvent plus refléter la profondeur et l'ampleur de la coopération économique et commerciale Chine-UE. Il faut désormais adopter une vision stratégique d'ensemble pour apprécier l'état actuel et les perspectives du commerce sino-européen. Il convient de mettre en valeur la complémentarité des deux économies, de travailler à la libéralisation et à la facilitation des échanges et des investissements et de s'engager mutuellement à ne pas recourir aux mesures protectionnistes. Il sera également essentiel de renforcer nos concertations et coordinations dans les négociations du Cycle de Doha de l'OMC pour arriver au plus vite à des résultats globaux et équilibrés. Fidèle à ses engagements pris au moment de son adhésion à l'OMC, la Chine a travaillé activement pour ouvrir son marché et les politiques commerciales et financières qu'elle a adoptées sont toutes conformes aux règles de l'OMC. La Chine ne recherche nullement d'excédent commercial excessif. Pour remédier au déséquilibre du commerce bilatéral, elle a envoyé en Europe plusieurs missions de promotion du commerce et de l'investissement et continuera à prendre des mesures actives pour augmenter les importations en provenance de l'Europe.
Troisièmement, promouvoir le commerce des services et celui des produits de haute technologie. La Chine travaille actuellement à accélérer la restructuration économique avec comme priorités stratégiques le secteur des hautes technologies et le secteur tertiaire. L'UE dispose d'atouts importants dans le commerce des services et reste l'un des leaders mondiaux dans de nombreux domaines de hautes technologies. Une coopération commerciale Chine-UE renforcée dans ces domaines sera donc très prometteuse. Le groupe de travail sur le commerce des hautes technologies déjà mis en place devrait entrer en activité rapidement pour identifier les principes et les méthodes du développement et de la promotion du commerce bilatéral des services et des hautes technologies et fixer les priorités pour que des progrès substantiels puissent être obtenus. J'espère que l'UE assouplira ses restrictions sur l'exportation des produits de haute technologie vers la Chine pour rendre la liberté aux entreprises des deux côtés et valoriser pleinement les atouts industriels de l'UE. La Chine est prête à élargir sa coopération avec l'UE en matière de propriété intellectuelle et à renforcer les mesures de protection et l'application des lois pour garantir les droits et intérêts légitimes des entreprises des pays de l'Union européenne et des autres pays du monde.
Quatrièmement, continuer à développer la coopération entre les PME. Les PME sont les acteurs principaux des économies des deux côtés et constituent un pôle de croissance essentiel de la coopération économique et commerciale Chine-UE à l'avenir. Les PME européennes sont compétitives dans les secteurs à haute intensité de technologie ou d'investissements et dans le secteur des services grâce notamment à des ressources financières abondantes, à leur forte capacité de financement et à la multitude de leurs champs d'activité. Les PME chinoises, qui sont surtout des entreprises manufacturières à forte intensité de main-d'œuvre, manquent de soutien technique dans la R&D, la création culturelle, la conception industrielle et la création de marque. La coopération entre nos PME a donc de belles perspectives devant elle. Nous aurons à renforcer notre dialogue en matière de politique des PME et à leur accorder plus de soutien concernant le financement, la participation aux foires et expositions, l'investissement et la facilitation du commerce. A cet égard, le gouvernement chinois est prêt à jouer un rôle de trait d'union entre les PME des deux côtés.
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
L'Union européenne est la première économie du monde, et la Chine est le plus grand pays en développement. Il est dans l'intérêt fondamental des deux parties de renforcer leur coopération. Je compte sur vous, leaders des milieux économiques et industriels chinois et européens, pour mettre en valeur le potentiel considérable de la coopération économique et commerciale Chine-UE. Je suis persuadé que tant que nous nous efforçons de saisir les opportunités avec une attitude ouverte et de nous tourner vers l'avenir dans l'esprit de coopération, nous pourrons ouvrir sans cesse de nouvelles perspectives pour la coopération économique et commerciale sino-européenne !
Je vous remercie.
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