En tant que pays en développement, la Chine fait encore office de nouvel entrant sur le marché de l'automobile. Les progrès spectaculaires réalisés récemment dans ce secteur suffisent-ils à la qualifier de puissance automobile ?
Lan Xinzhen
2009 promet d'être une année faste pour l'industrie automobile chinoise. Depuis le mois de janvier, durant lequel le volume de vente de voitures en Chine a dépassé celui des Etats-Unis, la Chine est devenue le plus grand consommateur mondial sur ce marché. De plus, en dépassant le 20 octobre dernier la barre du million de voitures produites, la Chine devient le troisième pays producteur, derrière le Japon et les Etats-Unis, avec un volume annuel supérieur à 10 millions d'unités.
Cependant, malgré un marché vigoureux, la Chine peut-elle d'ores et déjà être qualifiée de grande puissance automobile ?
Situation réelle du secteur automobile chinois
« Nous avons mis 53 ans à atteindre une production annuelle de 3 millions de véhicules, alors qu'il n'aura fallu que 7 ans pour franchir le cap des 10 millions », précise Teng Bole, secrétaire général du Comité de Consultation de Chine pour l'industrie automobile.
En 1953, la Chine inaugurait sa toute première usine automobile ; en 2002, la production annuelle a dépassé les 3 millions de véhicules, hissant la Chine au 5ème rang mondial, derrière les Etats-Unis, le Japon, l'Allemagne et la France ; en 2009, la Chine a encore gagné deux places dans le classement.
« Le développement de l'industrie automobile chinoise s'est véritablement accéléré au lendemain de son adhésion à l'OMC en 2001 », a indiqué Mr. Teng. Pour s'adapter à la concurrence internationale, l'industrie automobile chinoise attache une grande importance à la réforme du secteur, au réajustement de sa stratégie et à l'optimisation structurelle de son offre. Elle est composée de trois principaux géants automobiles : FAW (First Automobile Works, dont le siège se situe à Changchun, chef-lieu de la province du Jilin), Dongfeng Automobile (basée à Wuhan, chef-lieu de la province du Hubei), et Shanghai Automobile, et a mis au point un nouveau système industriel, tirant sa force de 16 sociétés clés.
Au mois de juin 2004, sous l'approbation du Conseil des Affaires d'Etat, la nouvelle édition des « Mesures de développement de l'industrie automobile », publiée et appliquée par la Commission nationale pour la réforme et le développement, a littéralement propulsé l'industrie automobile chinoise. Parallèlement, d'importants projets de recherche ont été lancés sur la voiture électrique, les véhicules propres et les nouvelles énergies.
« C'est aussi durant cette période que les industriels étrangers ont établi leurs programmes automobiles à capitaux mixtes avec la Chine. Avec la hausse du nombre d'entreprises à capitaux étrangers, les marques créées par les groupes à capitaux mixtes se sont multipliées », a précisé Mr. Teng.
La R&D chinoise a simultanément avancé à grand pas, préparant ainsi le terrain pour la fabrication et l'évolution technologique des moteurs chinois. L'industrie automobile chinoise concurrençait les pays développés dans de nombreux domaines, tels que les les pièces détachées de châssis automobiles, les airbags, les systèmes de freinage ABS (système de freinage anti-blocage), le variateur continu de vitesse (CTV), le système de contrôle de pneus… En outre, la sécurité des automobiles de marques chinoises a été considérablement améliorée.
« Que ce soit par la taille de ses entreprises ou la qualité de ses véhicules, l'industrie automobile chinoise a atteint les hauts standards internationaux », a remarqué Zhang Xiaoyu, vice-président de la Fédération de l'industrie mécanique de Chine, qui assistait à la sortie d'usine de la dix-millionième voiture. Cependant, Zhang Xiaoyu déplore encore certaines lacunes par rapport aux pays développés, qu'il s'agisse des critères d'émission de gaz à effet de serre, ou du niveau technologique, etc.
« Dans son développement de l'industrie automobile, la Chine ne répétera pas les erreurs commises par les pays développés », a conclut Zhang.
Encore trop tôt pour parler de grande puissance
En réalité, les progrès industriel de la Chine n'en font pas ipso facto une grande puissance automobile. « Il existe encore un écart entre l'industrie automobile chinoise et celle des pays développés dans beaucoup de domaines, tels que l'utilisation des ressources, la qualité des produits, la vente d'outre-mer et les services », a indiqué Teng Bole.
En 2006, le volume des exportations dépassait pour la première fois celui des importations en Chine, et en 2007, il atteignait son record historique, avec 614 000 véhicules exportés. Cependant, une écrasante majorité de ces voitures étaient exportées vers des pays d'Asie et d'Afrique. Les marchés occidentaux demeuraient essentiellement hermétiques aux voitures chinoises.
« Les marques chinoises jouissent d'une notoriété bien moindre que leurs concurrentes étrangères, et le service après-vente reste peu perfectionné », a remarqué Zhao Xiaoyu. « Par ailleurs, l'écart est encore grand en ce qui concerne les véhicules de moyenne et de haut de gamme, surtout pour les pièces de rechange et la technologie informatique ».
Le secrétaire général de l'Association de l'industrie automobile de Chine Dong Yang, qui a également assisté à la sortie d'usine du dix-millionième véhicule chinois, estime quant à lui que, si l'industrie automobile chinoise brille par son envergure, elle manque encore de puissance.
« En effet, c'est notre capacité d'innovation qui fait défaut. Actuellement, les marques étrangères représentent les trois quarts du marché automobile chinois. Nous devons encore développer la créativité de notre industrie », a-t-il dit.
Selon les statistiques de l'Association chinoise de l'industrie automobile, entre janvier et septembre, les ventes de voitures de marques chinoises atteignaient les 1,5 millions, soit 28,91 % du nombre total des voitures vendues.
Selon Dong Yang, le volume des ventes de nouvelles voitures en Chine pourrait dépasser celui des Etats-Unis, mais ce chiffre ne peut pas refléter ni le changement réel du niveau de R&D, ni la croissance du marché du secteur.
« La Chine entre tout juste dans le monde de l'automobile, alors que les Etats-Unis ont déjà une longue histoire en la matière. Que ce soit en termes de capacité de R&D, de contrôle des entreprises, de taille du marché, de services ou de culture automobile, l'écart reste considérable entre les deux pays. Reste un long chemin à parcourir avant que la Chine ne devienne une grande puissance automobile », a indiqué Dong.
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