L'épidémie de SRAS reste une plaie dans la mémoire chinoise. Six ans après, face à la grippe A qui frappe presque tous les pays du monde, la Chine a réagi très rapidement en mettant au point le premier vaccin, dont l'efficacité a été confirmée dans bon nombre de pays développés.
Yin Weidong, inventeur du premier vaccin contre la grippe A et
directeur général de la société biotechnique et pharmaceutique SINOVAC
En évoquant l'épidémie de SRAS originaire de Chine et qui s'est rapidement répandue à tous les continents, les Chinois éprouvent encore une certaine frayeur. Cette catastrophe épidémique, survenue il y a six ans, a causé le décès de 349 personnes et en a contaminé 5 327.
Six ans après, la grippe A, originaire du Mexique et des Etats-Unis, menace de nouveau la planète. Cette fois-ci, la Chine et les autres pays du monde en sont devenus les victimes. Néanmoins, le gouvernement chinois et les entreprises nationales ont fait preuve d'une rapide réactivité face à cette épidémie, ce qui a étonné le reste du monde. Le 3 septembre, le vaccin contre la grippe H1N1, inventé par la société biotechnique et pharmaceutique SINOVAC, a reçu l'approbation du Bureau national de contrôle des produits alimentaires et pharmaceutiques. Ce remède est devenu le premier vaccin contre la grippe A à avoir obtenu l'autorisation d'être produit à l'échelon mondial.
La société SINOVAC a mis au point son vaccin en seulement 87 jours, à savoir du 8 juin, date à laquelle elle a reçu la souche du virus H1N1 fourni par l'OMS, au 2 septembre, jour où le vaccin a obtenu l'autorisation d'être produit.
Après la révélation de cette nouvelle étonnante, le titre d'action de cette entreprise, cotée sur le marché boursier américain, a connu une hausse significative. Un mois plus tard, la visite aux Etat-Unis de Yin Weidong, directeur général de SINOVAC, a fait l'objet d'un accueil chaleureux de plus de 80 investisseurs. Issus de différents organismes, ils ont tous exprimé leur respect et leur volonté de coopérer. « En fait, il faut remercier le SRAS », a précisé M.Yin. « C'est lui qui nous a donné une véritable leçon. Nous avons, cette fois-ci, redoublé d'efforts dans la lutte contre l'épidémie de H1N1 à tous les niveaux, à savoir au niveau du gouvernement, de l'industrie pharmaceutique ou bien encore de la population ».
Directeur de la première société productrice du vaccin contre la grippe A au monde, Yin Weidong fait preuve de moins d'enthousiasme, dans la mesure où le problème de l'insuffisance du vaccin n'a pas encore trouvé de solution. Derrière ce phénomène, on ne peut ignorer la faiblesse du secteur pharmaceutique. « Quant à la grippe A, voire l'épidémie de grippe, la Chine portera encore longtemps une lourde responsabilité », a exprimé M.Yin.
Nanfang Daily : Déjà au moment de la crise du SRAS et de la grippe aviaire, c'était la société chinoise SINOVAC qui avait, la première, publié des thèses de recherche dans « The Lancet », revue scientifique qui fait autorité au niveau mondial. A l'heure actuelle, c'est encore SINOVAC qui a lancé la première son vaccin contre la grippe A. D'après vous, peut-on dire que les Chinois ont, cette fois-ci, fait preuve de la plus forte puissance en termes de recherche de vaccins et de médecine clinique ?
Yin Weidong : lors de l'épidémie du SRAS, plus de cent pays ont fermé leurs portes aux Chinois. Les déplacements et les voyages des Chinois étaient strictement limités. Lorsque la grippe porcine est apparue, j'ai pensé que si nous parvenions à mettre au point un vaccin, je pourrais voyager partout. Il ne s'agit pas que d'un problème d'hygiène publique, mais également d'un problème de puissance du pays.
En fait, le niveau des biotechnologies pharmaceutiques de la Chine est fortement inférieur à celui des pays occidentaux. Comment expliquer que ça soit la Chine qui soit parvenue la première à mettre au point un vaccin contre la grippe A ?
Yin Weidong : leurs gouvernements sont moins efficaces que le nôtre, voilà le facteur principal.
Quant à la recherche du vaccin, ce qui est le plus impressionnant c'est la coopération étroite sans précédent entre toutes les parties. Tout le monde a mené des efforts communs, tant le premier ministre, les ministres que les chercheurs et les volontaires cliniques.
Prenons l'exemple de l'essai du vaccin. Selon la convention, il faut tout d'abord que les sociétés examinent leurs propres produits avant de les soumettre au département de contrôle concerné. Cette fois-ci, nous avons effectué un essai synchronisé, c'est-à-dire que les essais réalisés par les différentes parties se sont déroulés en même temps.
Le processus de l'essai qui nécessite généralement 35 jours de travail a ainsi fortement été réduit. De plus, tous les chaînons ont été étroitement liés. L'examen de la souche du virus par la douane, et le transport de celle-ci de l'aéroport au laboratoire prennent généralement deux à trois jours. Dans le cas précis, la souche qui est arrivée à l'aéroport à 13 h 40 a été transportée à 20h au laboratoire de SINOVAC. Avant son arrivée, les chercheurs s'étaient préalablement préparés à l'expérimentation.
Vous êtes la première personne à avoir proposé à l'Etat de payer la vaccination, ce qui permet au peuple chinois d'être vacciné gratuitement. En tant que directeur général d'une entreprise pharmaceutique, pourquoi avez-vous fait une telle proposition ?
Lors de vagues d'épidémie, les vaccins sont insuffisants au début de leur mise en production. Leur rareté entraine inévitablement la hausse du prix. Dans ce cas, seuls les riches peuvent acheter le vaccin, ce qui n'est pas raisonnable. Dans l'optique de maintenir l'équité de tous les citoyens, le gouvernement est obligé d'intervenir.
Le vaccin est un produit qui se distingue des autres médicaments ou des produits médicaux de haute technologie. Bien sûr, le profit est très important pour une entreprise. Cependant, face au risque de propagation de l'épidémie, ce qui est primordial pour une entreprise chargée des recherches et de l'invention de vaccins, c'est la diminution du nombre de victimes et la protection de la santé de la population. Les entreprises qui se préoccupent uniquement de l'aspect financier entravent leur dynamisme.
La société pharmaceutique SINOVAC est la première à avoir inventé le vaccin contre la grippe A. Cependant, il paraîtrait que vous n'êtes pas satisfait. Pourriez-vous nous en expliquer les raisons ?
Les Etats-Unis, dont la population est de 300 millions d'habitants, sont capables de produire plus de 600 millions de vaccins. Cela témoigne de la puissance du pays. Malheureusement, la Chine ne pourrait pas produire assez de vaccins pour répondre à la demande de ses 1,3 milliard d'habitants. Par conséquent, même si nous sommes les premiers, nous ne devons pas faire preuve d'orgueil dans la mesure où le volume de production est plus important.
C'est-à-dire que même si nous avons surmonté la difficulté technologique, le volume de production laisse à désirer. Comment élargir le volume de production ? Quels sont les obstacles en matière d'augmentation du volume de production ?
Les raisons principales du faible volume de production sont la négligence du gouvernement et l'incompréhension du peuple.
D'après moi, l'industrie du vaccin est entrée dans une période de transformation dans la mesure où le peuple chinois attache, aujourd'hui plus que jamais, une grande importance aux vaccins. Auparavant, seuls les enfants étaient vaccinés. Une fois devenue adulte, la population oubliait l'utilité du vaccin.
En Chine, pays en voie de développement et comptant 1,3 milliard d'habitants, le taux de vaccination dépasse à peine les 2 % et le nombre de vaccins utilisés n'est que de 30 millions. Aux Etats-Unis, ces indices s'élèvent respectivement à 27 % - 30 % et à 80 millions. Ce n'est pas seulement un problème gouvernemental, c'est également un problème d'ordre public.
Par conséquent, l'épidémie de grippe A a éveillé l'intérêt et la curiosité des citoyens à l'égard de la santé publique. Le résultat du vaccin est sûr, ce qui a été confirmé dans bon nombre de pays développés.
Une meilleure connaissance de notre vaccin entraînera certainement une hausse de la demande. Notre prochaine étape est de parvenir à augmenter la capacité de production de notre entreprise. Nous devons accélérer le pas.
Beijing Information
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