L'Inde n'a pas ratifié le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. En mai 1998, sous prétexte de la menace chinoise, l'Inde a effectué cinq essais nucléaires de suite. Cet acte a fait l'objet d'une condamnation universelle de la communauté internationale. Les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité de l'ONU ont unanimement adopté la Résolution 1172, un document de réprimande. Les pays occidentaux, dirigés par les Etats-Unis, ont pris des mesures de sanction à l'égard de l'Inde. Selon les règles internationales, les pays non-signataires du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires n'ont pas le droit d'obtenir les techniques et matériaux nucléaires d'une tierce partie. C'est pour cette raison que l'Inde se trouvait toujours dans l'isolement nucléaire, une situation délicate qui l'a exclue de la cour des grands, et l'a empêchée d'accroître sa production d'électricité nucléaire en dépit de ses besoins croissants en énergies. Suite à sa collaboration officielle avec l'Oncle Sam, l'Inde a, dans une certaine mesure, été reconnue par les Etats-Unis et d'autres pays comme une puissance nucléaire, ce qui constitue un pas en avant vers la réalisation de l'ambition qui l'obsède. De plus, les techniques et appareils américains vont aider New Delhi à se débarrasser de sa situation énergétique difficile. Autrement dit, l'isolement nucléaire de l'Inde a déjà été brisé grâce à l'aide de Washington. Une bonne note à l'examen politique va de pair avec un avantage réel en matière énergétique.
L'Inde est un pays pauvre en pétrole et incapable de subvenir à ses besoins énergétiques, dont 80% sont, à l'heure actuelle, couverts par les importations pétrolières. Dans un avenir proche, le taux de sa dépendance à l'égard des énergies importées va s'élever à 90 %. Pour New Delhi, il est donc indispensable d'accroître la proportion nucléaire dans son approvisionnement en énergie. L'Inde possède évidemment ses propres convictions stratégiques, qui la poussent à appliquer à tout prix son accord de coopération nucléaire avec les Etats-Unis, quitte à faire face à la pression internationale concernant la non-prolifération des armes nucléaires et à courir le risque de l'effondrement de son gouvernement.
Ces dernières années, l'Inde s'est fixée l'objectif stratégique de devenir une puissance « vivante et colorée ». La primauté de sa politique diplomatique est de développer énergiquement ses relations avec l'Oncle Sam et d'élever rapidement son statut international. Pour jouer un rôle plus important sur la scène mondiale, l'Inde a envie de devenir un VIP du Conseil de sécurité de l'ONU, autrement dit d'occuper le fauteuil de membre permanent à l'instar des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne, de la France, de la Russie et de la Chine. Sortir de l'isolement nucléaire constitue, sans doute, un important pas franchi dans cette direction.
Washington, de son côté, envisage de tirer profit des exportations nucléaires vers l'Inde, de renforcer ses relations stratégiques avec celle-ci et de consolider sa position géopolitique en Asie du Sud au détriment des relations sino-indiennes. D'abord, l'Oncle Sam s'efforce de faire comprendre à l'Inde sa nouvelle politique anti-terroriste. Depuis que l'administration Obama a lancé sa nouvelle stratégie contre le terrorisme, la montée de la position stratégique du Pakistan a vivement découragé l'Inde. Pour consoler New Delhi et plaire au public indien, Mme Clinton, au cours de sa visite en Inde, s'est rendue d'abord à Bombay, et est descendue à l'Hôtel Taj Mahal qui avait été frappé par des attentats terroristes. Cet arrangement symbolise la compassion de Washington à l'égard de l'Inde pour les attaques terroristes qu'elle a subies, et aide à apaiser la colère de certains partis d'opposition américanophobes. De plus, cela va permettre la reprise du processus de paix indo-pakistanais suspendu à cause des attentats terroristes. Le Pakistan pourra alors concentrer ses forces militaires supérieures dans la lutte contre les taliban. Il est à noter que la secrétaire d'Etat américaine ne s'est pas rendue, au cours de son voyage, au Pakistan afin de ne pas froisser la susceptibilité de l'Inde.
Les compagnies américaines pourront également réaliser d'importants bénéfices sur le territoire indien à travers la coopération nucléaire. Depuis la signature de l'accord nucléaire américano-indien et notamment depuis le consentement du groupe des pays fournisseurs de nucléaire, l'Inde a le droit d'importer des techniques et des matériaux nucléaires. Des pays techniquement avancés en matière nucléaire, tels que la France et la Russie, ciblent également le marché indien prometteur, espérant y trouver leur compte. Dans ce cas, pour Washington, renforcer ses relations avec l'Inde aiderait les compagnies américaines à gagner plus de privilèges au détriment de leurs concurrents, ce qui équivaut à ouvrir un marché d'une valeur potentielle de 100 milliards de dollars. Pour le moment, l'intérêt immédiat des Etats-Unis est de décrocher une commande d'un milliard de dollars.
De plus, la coopération nucléaire avec l'Inde constitue une réflexion stratégique des Etats-Unis contre la Chine. Depuis longtemps, face à l'émergence de la Chine, Washington se creuse la tête pour construire un « muraille » autour du pays de Confucius. Maintenir un certain équilibre entre l'Inde, le Japon et la Chine est un objectif qui ne cesse de stresser l'Oncle Sam, ce dernier considérant l'Inde comme un maillon crucial de la chaîne stratégique visant à immobiliser la Chine.
A en juger par l'évolution actuelle, les relations américano-indiennes possèdent un fort potentiel de développement, mais sont confrontées à de multiples contraintes. En ce qui concerne la construction d'un monde multipolaire, l'Inde en a marre de la situation internationale dominée par une seule superpuissance, elle ne cesse de critiquer la politique du plus fort. En termes de problème de l'Asie du Sud, New Delhi ne veut pas que Washington fourre son nez dans ses relations avec le Pakistan et dans le conflit du Cachemire. Dans le domaine du changement climatique, l'Inde incombe la responsabilité aux pays occidentaux et aux Etats-Unis, et refuse d'accepter la réduction obligatoire de l'émission des gaz à effet de serre, car cela entraverait le développement économique des pays émergents. Quant aux problèmes relatifs à la Chine, New Delhi souhaite que ses relations avec Pékin connaissent une progression sans à-coups, même si elle ne masque pas son intention d'exercer une pression sur la Chine grâce aux Etats-Unis. En un mot, l'Inde est un pays caractérisé par une forte indépendance diplomatique. Il lui est donc impossible de s'allier avec Washington et de danser aux rythmes américains.
Beijing Information
|