Le taux de croissance de la consommation dans les régions rurales est en train de dépasser celui des villes. S'agit-il d'un phénomène éphémère ou d'un changement réel du mode de croissance économique chinois ?
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Dans le district Wusheng de la province du Sichuan, un fermier est en train de choisir un frigo lors de l'exposition des appareils électroménagés organisée par les autorités locales. |
Lan Xinzhen
Dans ce contexte de crise financière internationale, le marché de la consommation rurale, qui est généralement considéré comme stagnant et inactif, connait depuis quelque temps de profonds changements. Au mois d'avril 2009, la consommation dans les régions rurales a dépassé pour la première fois celle des villes. Il s'agit d'une bonne nouvelle pour le gouvernement chinois qui espère que la consommation jouera un rôle favorable dans le renforcement de la croissance économique. Il semblerait que les mesures stimulant le marché de la consommation rurale, adoptées par le gouvernement, fassent preuve d'efficacité.
Selon des documents du Bureau d'État des Statistiques, au cours du premier trimestre 2009, les chiffres des ventes au détail des articles de consommation dans les régions rurales ont connu une augmentation de 16,9 % par rapport à la même période de l'année 2008, tandis que ceux des villes ont enregistré une augmentation de 14,1 %.
La Chine a commencé à réaliser des statistiques sur les chiffres des ventes au détail des articles de consommation dans les villes et dans les campagnes en 1990. Au cours des 18 années qui suivirent, le taux de croissance de ces chiffres dans les villes a toujours été supérieur à celui des régions rurales.
Les principales causes
En réalité, le pouvoir d'achat des habitants ruraux est nettement inférieur à celui des habitants urbains dans la mesure où les richesses sociales sont principalement concentrées dans les villes. Comment expliquer alors le dépassement du taux de croissance de la consommation rurale par rapport à celui des villes ?
Selon Huang Guoxiong, professeur à l'Université du Peuple de Chine, ce phénomène révèle que les mesures, adoptées par le gouvernement central depuis plusieurs années visant à soutenir et à favoriser les agriculteurs, commencent à produire leurs effets.
Au cours de ces dernières années, la Chine a consacré d'importants efforts pour augmenter le montant des subventions de la culture des céréales et de l'achat des machines agricoles, pour renforcer la lutte contre la pauvreté, et pour étendre la couverture du nouveau système médical coopératif dans les régions rurales. Tous ces efforts ont permis non seulement d'augmenter les revenus des agriculteurs, mais également de renforcer leur confiance dans la consommation.
Selon le Bureau d'État des Statistiques, le revenu en argent liquide des habitants ruraux a été en moyenne de 1 622 yuans au cours du premier trimestre de cette année, réalisant ainsi une augmentation de 8,6 % par rapport à la même période de l'année 2008. En 2009, l'affectation budgétaire centrale utilisée pour régler les problèmes concernant les agriculteurs, les régions rurales et l'agriculture s'élèvera à 716,64 milliards de yuans, enregistrant une augmentation de 20,2 % par rapport à l'année dernière. De plus, en cas d'achats d'appareils électroménagers et d'automobiles, les paysans peuvent bénéficier d'une réduction d'impôts et des subsides.
Pendant combien de temps cet élan durera-t-il ?
Face à cette situation, le Quotidien des Paysans, un journal d'État qui suit toujours de très près les questions concernant l'agriculture, les régions rurales et les agriculteurs, garde la tête froide et pose la question : pendant combien de temps cet élan durera-t-il ?
Premièrement, le journal affirme qu'en raison de la base faible de la consommation rurale, une légère hausse de la consommation peut largement accélérer le rythme de croissance. Les villes, beaucoup plus touchées par la crise financière et dont la base est relativement grande, rencontrent, quant à elles, des difficultés pour réaliser une augmentation au même chiffre. C'est un phénomène normal. Par ailleurs, établir une telle comparaison en matière de taux de croissance a réellement peu de signification.
Deuxièmement, il faut considérer la part valable dans l'augmentation de la consommation rurale. Quels sont les domaines dans lesquels les agriculteurs dépensent le plus ? Et quels sont les secteurs qui ont enregistré une augmentation remarquable ? Sont autant de questions qu'il est important de se poser. On ne peut généralement pas trouver ce type d'informations dans les données publiées par les services de statistiques. En effet, la structure de la consommation des agriculteurs concerne non seulement leur qualité de consommation, mais aussi l'état de santé et la durabilité du marché de la consommation dans les régions rurales. Il y a également un point qu'il ne faut pas négliger : avec la mise en application de la politique « d'introduction des appareils électroménagers dans les régions rurales », les dépenses des agriculteurs dans ce domaine ont fortement augmenté, ce qui est l'une des principales causes de l'augmentation rapide du taux de croissance de la consommation rurale. Cependant, il ne faut pas oublier que 13 % de l'affectation financière est incluse dans les chiffres de la consommation rurale. Par ailleurs, il existe encore de nombreux problèmes dans la mise en application de cette politique, tels que les formalités compliquées pour recevoir les subsides, les difficultés pour obtenir les factures ou bien encore le ralentissement du renouveau des produits, ce qui freine la croissance de la consommation rurale.
Troisièmement, l'augmentation des revenus des agriculteurs devra également faire face à d'importantes pressions en 2009. Bien que les revenus des agriculteurs aient connu une certaine augmentation au cours du premier trimestre, le taux de croissance présente déjà une tendance à la diminution par rapport à la même période de l'année dernière. De plus, si l'on se réfère aux données du Bureau d'État des Statistiques, on constate que l'augmentation des revenus des agriculteurs est inférieure à celle des citadins, tandis que la croissance de leur consommation a dépassé celle des zones urbaines. C'est une situation qu'il faut étudier minutieusement.
Le département de la Construction du Marché du Ministère du Commerce a fait part de ses préoccupations : dans ce contexte de crise financière internationale, le bon élan de la consommation rurale n'est pas facile à obtenir, mais il existe encore des facteurs incertains dans le fonctionnement de l'économie nationale, ce qui rend instable l'augmentation de la consommation rurale.
D'une part, l'environnement de la consommation dans les régions rurales a restreint l'étendue de la demande des agriculteurs. Bien que 260 000 magasins ruraux aient été créés au cours de ces dernières années, le niveau de couverture n'est que de 49 % dans les bourgs et de 33 % dans les villages administratifs. De plus, la plupart des magasins sont des petites épiceries ou des petites boutiques dirigées seulement par un couple. Les installations logistiques demeurent, quant à elles, insuffisantes dans les régions rurales, ce qui augmente de façon relative le prix de revient de la logistique des marchandises.
D'autre part, depuis la crise financière internationale, une grande quantité de travailleurs migrants sont retournés dans leur région natale, où ils sont toujours confrontés à une situation de l'emploi critique. Pour eux, gagner plus d'argent est donc difficile. À l'heure actuelle, l'IPC (Indice des prix à la consommation) continue d'enregistrer une décroissance en Chine. Les prix des produits agroalimentaires, tels que celui du porc, ne cessent de diminuer, ce qui est défavorable à l'augmentation des revenus des agriculteurs. (Traduit par Wang Wenjie)
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