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Un centre emblématique de la culture de l'égume créé au Sénégale. |
Liu Wei
La relation étroite entretenue par la Chine et l'Afrique ainsi que la volonté affichée de développer plus avant ces rapports soulignent l'intérêt croissant suscité par le continent africain. Récemment, plusieurs sites Internet chinois de premier plan relayaient l'information selon laquelle fin 2008, l'Institut d'études internationales de Shanghai, considéré comme « l'un des dix premiers think tank du monde (hors Etats-Unis) », avait pour la première fois rendu public dans la partie continentale de la Chine le Rapport stratégique sur les relations sino-africaines. Ce rapport a également été communiqué au « Zhongnanhai », siège du gouvernement chinois.
Quel est le contenu de ce rapport ? Quelles analyses et propositions fait-il sur le développement futur des relations bilatérales ? Beijing Review (http://french.beijingreview.com.cn) a interrogé le Dr. Li Weijian, chef du projet et directeur du Centre de recherche sur l'Asie de l'Ouest et l'Afrique relevant de l'institut.
Quelles différences peut-on observer entre les relations sino-africaines actuelles et celles que l'on connaissait dans les années 1950-1960 ?
L'établissement des relations diplomatiques sino-égyptiennes en 1956 posa officiellement la première pierre de l'édification des liens diplomatiques entre la Chine et les pays d'Afrique. Au cours des cinquante années qui ont suivi, les relations sino-africaines ont résisté à l'épreuve du temps et des aléas internationaux, et permis la naissance d'amitiés traditionnelles entre les peuples. Ces liens sont passés par une phase de développement puis de perfectionnement, sans oublier l'important réajustement dont ils ont fait l'objet au début des années 1980 et qui fut à l'origine d'un nouveau partenariat, incarné par la publication du rapport intitulé « La politique de la Chine à l'égard de l'Afrique », en janvier 2006.
Par rapport aux années 1950-1960, les relations sino-africaines actuelles présentent effectivement de nouvelles caractéristiques.
Premièrement, les champs de coopération se sont élargis. Il y a cinquante ans, les relations entre les deux parties s'étaient établies sur la base d'une amitié traditionnelle, caractérisée par une aide et un soutien mutuels sur le plan politique. Aujourd'hui, ces relations ne se limitent pas au soutien politique et à l'amitié traditionnelle, bien qu'il s'agisse toujours d'éléments importants. En effet, seule l'existence d'intérêts réels et convergents permet à l'amitié traditionnelle de résister à l'épreuve du temps. Aujourd'hui, les relations entre la Chine et l'Afrique consistent en une coopération amicale dans tous les domaines, notamment politique, économique, culturel et social, et œuvrent en faveur de la paix et de la sécurité. Il s'agit d'un partenariat stratégique d'un nouveau type, défini par « La politique de la Chine à l'égard de l'Afrique ».
Deuxièmement, le mode de coopération est plus souple. Durant les années 1950-1960, la coopération sino-africaine se traduisait principalement par une assistance gratuite. La Chine apportait à l'Afrique une importante aide morale et matérielle, voire militaire, afin de soutenir le mouvement des pays africains en faveur de leur indépendance nationale ainsi que le développement de leur économie respective. Si cela s'est avéré nécessaire dans un contexte historique particulier, les relations de coopération se doivent, en temps normal, d'être réciproques et mutuellement avantageuses. Aujourd'hui, l'assistance gratuite et le bénéfice réciproque sont deux aspects étroitement liés dans la coopération sino-africaine actuelle. Tandis que la Chine envoie régulièrement des équipes médicales et des ingénieurs agronomes dans les pays d'Afrique, soutient ces pays en matière de construction d'infrastructures, annule leurs dettes, etc., elle conduit avec eux une coopération dans les domaines du commerce, des investissements et des travaux à forfait. Cette coopération est non seulement fructueuse, mais favorise un développement énergique des relations sino-africaines.
Troisièmement, la coopération multilatérale s'est avérée être une grande réussite. Si les rapports entre la Chine et les pays d'Afrique privilégiaient auparavant les relations bilatérales, une vigoureuse coopération multilatérale est venue s'ajouter. Le Forum sur la coopération sino-africaine, créé en 2000, est le nouveau cadre de développement de cette forme de collaboration. Le Forum s'est à ce jour réuni à trois reprises et depuis sa fondation, il y a de cela neuf ans, les relations sino-africaines sont entrées dans une période de développement rapide.
Les investissements de la Chine en Afrique sont un fait objectif, mais quelle est la situation actuelle en la matière ?
La réciprocité des avantages constitue une caractéristique importante de la coopération économique entre la Chine et l'Afrique. En 2008, le volume total du commerce bilatéral a été multiplié par dix par rapport à 2000 pour atteindre 106,8 milliards de dollars, un chiffre qui ne représente pourtant que 4,17 % du volume global des importations et des exportations de la Chine pour l'année 2008. Il existe donc un espace de développement pour le commerce sino-africain. En ce qui concerne la structure de ces échanges, la Chine importe notamment de l'énergie et des matières premières d'Afrique. Ces dernières années, le pétrole importé de l'Afrique représente le 1/3 des importations totales du pétrole de la Chine. Il faut toutefois noter que moins de 10 % du pétrole africain est vendu à la Chine, tandis que presque 70 % de la production est destinée à l'Europe et aux États-Unis, principaux lieux d'exportation de l'Afrique dans ce domaine. Ces dernières années, l'application de la « stratégie de sortie » chinoise s'est traduite par l'augmentation constante de ses investissements et des travaux à forfait réalisés en Afrique. Le montant des travaux forfaitaires exécutés en Afrique par rapport au montant global des travaux effectués par la Chine à l'étranger représentait en effet 14,4 % en 2001 et 26,8 % en 2006.
Les atouts de la coopération économique sino-africaine résident également dans le fait qu'elle n'est assortie d'aucune condition politique. En outre, pour ce qui est des travaux, la Chine garantit préalablement la qualité, ainsi qu'une réalisation moins coûteuse et plus rapide que ce que proposent les pays occidentaux. Bien sûr, la coopération n'est pas exempte de problèmes. Les transferts de technologie des entreprises chinoises vers les pays d'Afrique et le recrutement des employés locaux sont par exemple insuffisants. Certaines entreprises doivent par ailleurs améliorer leur contribution à la communauté locale et accroître leurs efforts de protection de l'environnement. De manière générale, les grandes entreprises font mieux que les petites entreprises et les entreprises d'Etat font mieux que les entreprises privées.
Quels sont les aspects qui doivent faire l'objet d'une attention particulière dans le développement des relations sino-africaines ?
Premièrement, il faut renforcer la compréhension entre les peuples. Le gouvernement chinois accorde une grande importance au développement des relations sino-africaines. Si les fréquentes visites des dirigeants chinois en Afrique témoignent de l'élévation de la position stratégique de l'Afrique aux yeux de la Chine, les connaissances de la population chinoise sur l'Afrique sont insuffisantes. De même, les Africains analysent généralement la politique chinoise à travers le prisme des médias occidentaux. Il apparaît donc essentiel de renforcer la compréhension mutuelle entre les peuples et d'améliorer la perception des relations sino-africaines par les pays tiers.
Deuxièmement, il est nécessaire d'approfondir notre coopération avec les pays tiers. Sans aucun doute, la Chine est en concurrence avec les pays occidentaux en Afrique, et ces derniers se montrent donc critiques vis-à-vis de la politique chinoise sur le continent. Pourtant, les pays africains sont les premiers bénéficiaires de cette compétition en ce qu'elle leur offre un plus large choix. En outre, le développement des rapports sino-africains ne lèse pas les intérêts des pays tiers puisqu'il ne s'agit absolument pas d'une relation exclusive. La Chine souhaite en effet promouvoir la communication et la coopération avec les pays tiers sur la base du respect mutuel, d'une collaboration d'égal à égal, et ce, tout en tenant compte pleinement des intérêts des pays africains. La lutte conjointe contre la pauvreté et les maladies en Afrique pourrait par exemple constituer un premier pas, pour une coopération qui avance aujourd'hui progressivement.
Troisièmement, on se doit de développer les contacts entre les peuples et d'accorder une haute considération aux échanges culturels. Car si les rapports entre les parties prenantes sont chaleureux au niveau officiel, ils sont encore distants en ce qui concerne les populations. Il semble donc important de renforcer les échanges culturels entre les peuples, afin de maintenir un développement durable des relations sino-africaines. A cet effet, le gouvernement chinois a pris diverses mesures, notamment l'augmentation du nombre de bourses accordées aux Africains désirant poursuivre leurs études en Chine, l'envoi de jeunes volontaires chinois dans les pays d'Afrique et la création de centres culturels chinois en Afrique. Ces mesures ont un impact bénéfique, il nous faut donc poursuivre la multiplication des sphères d'échanges.
Quatrièmement, nous devons mettre l'accent sur l'étude de l'Afrique. Si l'on considère l'importance actuelle des relations sino-africaines, les études chinoises ayant pour objet le continent africain sont loin d'être suffisantes. On ne recense dans le pays qu'une trentaine de personnes engagées dans ce domaine, ce qui représente moins d'une personne par pays sur les 53 pays que compte l'Afrique. Si l'on considère les individus qui enseignent l'histoire de l'Afrique et les chercheurs qui étudient le continent africain dans les établissements d'enseignement supérieur du pays, ce chiffre s'élève seulement à une soixantaine. Le faible nombre d'experts étudiant le statu quo et l'évolution des relations sino-africaines n'est pas en accord avec le développement enthousiaste de leurs rapports.
Les relations sino-africaines deviennent chaque jour plus étroites, que ce soit au niveau gouvernemental, en matière de coopération bilatérale des entreprises, ou encore entre les peuples. Ces relations suscitent toutes sortes de critiques voilées. Quels sont vos commentaires à ce propos ?
En ce qui concerne les relations sino-africaines, l'attitude de l'Occident a progressivement évolué, passant d'un esprit critique à l'acceptation de la concurrence et de la coopération. La Chine est parvenue à mettre en place une coopération variée avec les pays d'Afrique. L'organisation du sommet de Beijing du Forum sur la coopération sino-africaine, qui a réuni les chefs d'État et de gouvernement de 48 pays d'Afrique, fut une prouesse qui surprit profondément les pays occidentaux. Ces derniers se sont en effet sentis menacés dans leur traditionnel pré carré. La critique fut leur réaction instinctive, mais avec le temps, constatant que la critique était dénuée d'effets, ils cherchèrent finalement à coopérer avec la Chine. Aujourd'hui, quelques think tanks occidentaux commencent à envisager les relations sino-africaines sous un angle positif, convaincus que la politique chinoise sur l'Afrique est positive et qu'elle donne des avantages pour ce continent. Il s'agit d'un changement d'attitude important. Un grand pays doit pouvoir endurer la critique et en tirer une analyse et une réflexion rationnelles.
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