— Allocution de S.E. Hu Jintao, Président de la République populaire de Chine au 2e sommet financier du G20 (Londres, le 2 avril 2009)
Je suis ravi de me rendre à Londres en cette douce saison printanière et de me joindre à vous pour discuter des moyens de lutte contre la crise financière et de rétablir la croissance économique. Je souhaiterais avant tout adresser mes sincères remerciements au Premier ministre Brown pour son aimable invitation et pour ses préparatifs attentionnés.
Nous nous sommes rencontrés il y a plus de quatre mois au Sommet international de Washington sur les marchés financiers et l'économie mondiale. Lors de cette rencontre, nous avons conclu une série d'accords pour lutter ensemble afin d'enrayer la crise financière mondiale, de renforcer la réglementation financière et de promouvoir la réforme du système financier international. Depuis lors, les divers pays de la planète ont adopté des mesures pour rééquilibrer le secteur financier et encourager la croissance économique, qui ont déjà produit leurs premiers résultats. Un travail préliminaire a été initié pour la réforme du système financier international. Cependant, la crise financière internationale se propage et s'approfondit encore, tandis que ses répercussions sur l'économie réelle à l'échelle mondiale deviennent de plus en plus manifestes. La situation économique et financière de la planète reste complexe et sérieuse. Un nombre non négligeable de pays a sombré dans la récession économique et est confronté à de graves défis pour préserver la stabilité sociale.
A l'heure actuelle, la tâche la plus urgente est de consentir à mobiliser tous nos efforts pour rétablir la croissance économique et empêcher l'apparition d'une grave récession, de nous opposer à toutes formes de protectionnisme, de conserver un environnement libre et ouvert pour le commerce et l'investissement et d'accélérer le rythme de la réforme et de restructurer l'ordre financier mondial. Nous devrions mener à terme le consensus international, accroître la confiance, prendre davantage de mesures effectives, élargir la coopération, mener davantage de réformes rationnelles et tâcher de parvenir à des résultats substantiels.
1. Consolider davantage la confiance. Les conditions favorisant la lutte contre la crise financière sont présentes : après des années de développement, l'économie mondiale repose sur un socle matériel et technologique solide. Les moyens politiques existent : nous détenons à présent davantage d'outils de régulation macro-économique et nos politiques de contrôle sont bien plus effectives qu'auparavant. Par ailleurs, une volonté commune règne : l'ensemble de la communauté internationale a prouvé son niveau de préparation pour optimiser la coordination et la coopération. Tant que nous renforçons la confiance et travaillons de concert, nous surmonterons les difficultés et nous parviendrons à mener à bien nos objectifs communs.
2. Accentuer davantage la coopération. La crise financière internationale survient au moment où l'élan de la mondialisation économique progresse, les pays devenant de plus en plus interdépendants. Aucun pays n'est immunisé contre la crise, le seul choix idoine à notre portée est de travailler de concert et de s'attaquer à ce problème. Nous devrions nous livrer à une évaluation correcte de la situation actuelle, multiplier les échanges, nous épauler et venir à bout des difficultés grâce à nos efforts conjoints. Il est essentiel que nos politiques macroéconomiques soient dans l'ensemble cohérentes, ponctuelles et tournées vers l'avenir. Le G20, de par son importante représentation, offre une plate-forme appréciable et efficace pour déployer des efforts conjoints afin de parer à la crise économique et financière internationale. Nous devrions faire progresser résolument la coopération substantielle, accélérer le rythme de réajustement structurel, équilibrer les marchés, promouvoir la croissance, accroître l'emploi et améliorer la vie de la population afin de réduire au maximum par tous les moyens possibles les retombées négatives de la crise sur l'économie réelle. Nous devrions intensifier la coopération entre autres sur le plan du commerce et de l'investissement et poser un socle durable pour rétablir la croissance économique mondiale. Nous devrions accentuer la coopération dans le domaine du financement du commerce et plus particulièrement accroître l'apport financier dans les pays en développement. Nous devrions promouvoir la coopération entre les petites et moyennes entreprises (PME) et les aider à venir à bout des difficultés dès que possible. Nous devrions mettre en avant la coopération internationale dans les nouvelles industries, spécialement dans les domaines des économies d'énergie, de contrôle de la pollution, de la protection de l'environnement et des nouvelles énergies, qui sont susceptibles de devenir de nouveaux domaines de croissance de l'économie mondiale. Nous devrions optimiser la coopération internationale sur le plan des sciences et technologies, dont l'essor sera le moteur de la croissance économique.
3. Faire gagner davantage de terrain à la réforme. Nous devrions multiplier les efforts pour mettre en application les consensus importants obtenus au Sommet de Washington et continuer d'œuvrer pour établir un ordre financier international juste, ouvert et bien géré. Nous devrions y procéder de manière complète, équilibrée et progressive et mettre l'accent sur des résultats concrets. Il est d'autant plus fondamental de consentir à des efforts dans les domaines suivants. Tout d'abord, raffermir la coopération au niveau des règlements financiers, formuler dès que possible des critères et normes de réglementation financière internationale acceptés universellement, perfectionner les codes de conduite et les régimes de contrôle des agences de notation et établir un mécanisme d'alerte précoce qui couvre toute la planète et plus spécifiquement les principaux centres financiers, afin d'optimiser les capacités de réponse précoce. Secundo, les institutions financières internationales devraient apporter davantage d'aide aux PED. Les institutions financières régionales et internationales devraient étendre résolument les circuits de financement et mobiliser les ressources par de multiples moyens. La Chine soutient l'augmentation des ressources allouées au Fonds monétaire international (FMI) et est prête à entreprendre des discussions actives avec les diverses parties sur ce sujet et apporter la contribution qui lui incombe. Nous estimons que par le biais de l'accroissement de ses ressources, le FMI devrait rechercher l'équilibre entre les droits et les devoirs et combiner la contribution de quote-part à la contribution volontaire. Ces nouvelles ressources devraient avant tout être employées pour répondre aux besoins des pays les moins avancés (PMA). Il est nécessaire de mettre en place un mécanisme international de sauvetage financier doté de capacités de réponse précoces. De plus, il est important d'appliquer des critères d'évaluation qui soient objectifs, rationnels et exhaustifs pour les pays emprunteurs. Tertio, le Forum de stabilité financière (FSF) devrait jouer un rôle plus conséquent. A l'image de son récent élargissement, le Forum devrait rationaliser son mécanisme, élaborer des plans et revenir aux affaires dès que possible. Nous pressentons observer davantage de propositions pratiques de la part du FSF quant à la stabilité des marchés financiers et le renfort de la réglementation financière. En outre, nous espérons que le FSF se prêtera à une coordination plus étroite avec les autres institutions financières afin d'entraîner des progrès rapides pour la réforme du système financier international. Quarto, le FMI devrait consolider et améliorer sa supervision des politiques macroéconomiques de divers pays, en particulier pour les principales entités économiques émettrices de devises de réserve, en mettant spécialement l'accent sur leurs mesures d'émission de devises. Cinquièmement, améliorer la structure d'administration du FMI et de la Banque mondiale (BM) et accroître la représentation et la voix au chapitre des pays en développement. Sexto, perfectionner le système monétaire international, parfaire le mécanisme régulateur d'émission de devises de réserve, préserver la stabilité relative des taux de change des principales devises de réserve et développer un système monétaire international plus divers et plus rationnel. Pour nous, la prochaine étape devrait être d'œuvrer à l'élaboration d'un calendrier et d'une feuille de route pratiques en s'appuyant sur des consultations plénières et de réaliser des progrès solides dans diverses réformes, ce qui promouvra un environnement institutionnel favorable pour la croissance saine de l'économie mondiale.
4. Nous opposer davantage au protectionnisme. Ces derniers mois, le protectionnisme commercial tout comme d'autres formes de protectionnisme ont connu un regain sensible. Cela va à l'encontre du consensus conclu lors du Sommet de Washington qui vise à rejeter le protectionnisme et à nous abstenir d'opérer un repli sur soi à travers nos mesures politiques. Le protectionnisme était un phénomène commun au cours de la Grande dépression des années 1920 et 1930, mais celui-ci déboucha sur une impasse et eut de graves retombées. Des enseignements doivent être tirés de l'histoire. Aucun pays ne devrait recourir au protectionnisme sous prétexte de relancer l'économie. Nous devrions nous opposer conjointement aux pratiques discriminatoires contre les travailleurs étrangers sous prétexte de protéger les emplois locaux. Nous devrions œuvrer de concert à rejeter le protectionnisme sous toutes ses formes et rejeter les tentatives de relever le niveau du seuil d'accès au marché, en faisant fi des excuses invoquées, tout comme toute forme de protectionnisme en matière d'investissement qui puisse nuire aux intérêts d'autres pays. De surcroît, nous devrions lutter de concert contre les abus des mesures palliatives à la crise. Nous espérons que les pays concernés assoupliront leurs restrictions injustes appliquées aux exportations des pays développés et qu'ils accroîtront les échanges commerciaux avec ces derniers. Le cycle de négociations de Doha est essentiel pour la libéralisation du commerce mondial. Nous devrions respecter le consensus de juillet 2008, tirer parti de la structure existante et continuer de faire progresser les négociations en vue d'entraîner des résultats complets et équilibrés au plus tôt.
5. Accorder davantage de soutien aux pays en développement. Certains PED sont confrontés à la dégradation des conditions économiques et financières et à la hausse des troubles politiques et sociaux. Nous devons prêter une grande attention à leurs difficultés. S'il est vrai que la crise financière internationale a créé de grandes difficultés pour tous les pays, nous ne pouvons pas pour autant interrompre le processus pour mener à bien les Objectifs du millénaire pour le développement fixés par l'ONU (OMD). Nous devrions continuer à les faire valoir, car ceux-ci favorisent le rétablissement de la croissance économique mondiale. Je lance de nouveau un appel à la communauté internationale pour prêter une grande attention aux dégâts causés par la crise financière sur les PED et les réduire au minimum, plus particulièrement pour les PMA. La communauté internationale et plus particulièrement les pays développés, doivent endosser les responsabilités et les devoirs qui leur incombent, continuer de remplir leurs engagements pour la réduction de la dette et l'augmentation de l'aide, prendre des mesures concrètes pour maintenir et accroître l'aide aux pays en développement, les aider à sauvegarder la stabilité financière et promouvoir la croissance économique, prêter main forte aux pays en développement, plus particulièrement aux pays africains, qui oeuvrent à venir à bout de leurs difficultés, et à améliorer l'environnement extérieur de développement de ces pays.
La crise financière internationale a apporté des difficultés et des défis sans précédent à la Chine. Notre croissance économique connaît une pression à la baisse. Les importations et les exportations ont ressenti une baisse. La production industrielle a enregistré une baisse notable. Pour certaines entreprises, les temps sont durs sur le plan de la production et de la gestion, la situation de l'emploi se complique de jour en jour. La crise coïncide avec un moment fondamental pour les efforts de la Chine sur le plan de la transformation du mode de développement et du réajustement de la structure économique. De nouveaux défis auxquels s'ajoutent certains problèmes ont rendu notre tâche d'autant plus ardue.
Afin de contrer les retombées de la crise financière et de maintenir la croissance stable et relativement rapide, la Chine a procédé aux réajustements ponctuels de ses politiques macroéconomiques, catégoriquement appliqué une politique financière de relance et une politique monétaire relativement flexible et formé un plan global ayant pour but d'élargir la demande intérieure et de stimuler la croissance économique. Nous avons augmenté considérablement les dépenses gouvernementales, dévoilé un projet d'investissement sur deux ans d'un montant total de 4 000 milliards de yuans et procédé à des réductions fiscales structurelles. Nous avons réduit à plusieurs reprises les taux d'intérêt et avons accentué la liquidité dans le système bancaire. Nous avons entériné des programmes de réajustement et de redressement des industries prioritaires à large échelle et avons promu vigoureusement l'innovation scientifique et le renouvellement technologique. Nous avons travaillé sans relâche à la promotion des économies d'énergie, de la réduction des émissions de polluants et de la protection de l'environnement écologique. Nous avons consenti davantage d'efforts pour remanier la distribution du revenu national et avons travaillé avec vigueur pour élargir les marchés intérieurs, plus spécifiquement les marchés ruraux. Par ailleurs, nous avons également accru la couverture de la sécurité sociale. Ces mesures produisent leurs premiers résultats positifs, dont une demande intérieure relativement forte, une demande en investissement qui augmente avec la stabilité de l'ensemble de la société. Cela démontre la dimension pragmatique de l'approche de la Chine dans la lutte contre la crise financière et l'efficacité et le dynamisme de ses politiques. La panoplie de mesures adoptées par la Chine produira non seulement un impact positif sur sa propre économie mais également sur celle de la région et dans l'ensemble du monde.
Malgré la persistance des retombées défavorables de la crise financière internationale sur l'économie réelle de la Chine, ni la situation fondamentale, ni les perspectives à long terme de l'économie chinoise n'ont connu de changements radicaux et le socle qui soutient la croissance soutenue et relativement rapide de l'économie chinoise reste solide. Grâce au développement continu et rapide des trois dernières décennies de réforme et d'ouverture, la Chine a édifié un socle matériel relativement robuste et a poursuivi l'amélioration de l'environnement institutionnel. De larges capacités existent pour le développement de l'infrastructure, l'optimisation de la structure industrielle et la montée en génération des produits, les progrès scientifiques et technologiques et l'innovation, la protection de l'environnement, la consommation des ménages tout comme des œuvres sociales. La Chine regorge d'un énorme potentiel sur le plan de sa demande intérieure, de riches ressources humaines, d'un système financier relativement sain et d'un espace propice aux réajustements des politiques macroéconomiques. La Chine travaille sans relâche pour convertir la pression en force motrice et les défis en opportunités, réduire au minimum l'impact de la crise financière et maintenir une croissance stable et relativement rapide.
Face à l'impact de la crise financière, nous continuerons de suivre la politique fondamentale de réforme et d'ouverture du pays, de poursuivre inébranlablement une stratégie d'ouverture gagnant-gagnant. Nous croyons fermement qu'une Chine plus dynamique et plus ouverte sera davantage en mesure de maintenir une croissance économique stable et relativement rapide, mais également de contribuer aux efforts mondiaux de lutte contre la crise financière et de promouvoir la paix et le développement mondial.
Membre responsable de la communauté internationale, la Chine a participé activement aux efforts internationaux de lutte contre la crise financière.
Malgré de grandes difficultés, la Chine est parvenue à conserver le taux de change du RMB à un niveau relativement stable.
La Chine a pris une part active au Programme de financement du commerce entrepris par la Société financière internationale et a décidé de fournir une première part de 1,5 milliard de dollars pour soutenir financièrement ce programme. Nous soutenons les banques régionales de développement pour la fourniture de services financiers et poursuivrons notre coordination avec les institutions financières internationales et les pays concernés afin de consolider davantage la coopération multilatérale, régionale et bilatérale pour le financement du commerce.
La Chine a consenti les plus grands efforts afin de fournir son soutien et son aide aux pays concernés et a signé des accords bilatéraux pour les échanges de devises d'un montant total de 650 milliards de yuans avec les pays et les régions en question. Nous sommes prêts à conclure davantage d'accords de ce type eu égard aux circonstances. Nous avons participé activement à la préparation de la réserve monétaire sous le volet de multilatéralisation de l'Initiative de Chiangmai afin de maintenir la stabilité économique et financière dans notre région et de promouvoir la coopération financière et le développement commercial régional.
La Chine a dépêché d'importantes missions d'achat à l'étranger, ce qui a prouvé la solidité de son engagement à rester ouvert au monde et à promouvoir la reprise économique mondiale.
La Chine a entrepris sans équivoque de mettre en application les mesures d'aide à l'Afrique annoncées lors du Sommet de Beijing du Forum de coopération Chine-Afrique. Nous continuerons à élargir notre aide à l'Afrique et à réduire ou annuler la dette des pays africains dans la mesure de nos possibilités. Nous étendrons nos échanges commerciaux avec l'Afrique, y accroîtrons notre investissement et mettrons en valeur la coopération pragmatique avec l'Afrique. Dans le cadre de la coopération Sud-Sud, la Chine continuera de faire tout son possible pour offrir son aide aux autres pays en développement, sous la forme de subventions, d'allègement de la dette et d'aide au commerce.
La Chine continuera à œuvrer avec l'ensemble de la communauté internationale afin d'améliorer la coordination des politiques macroéconomiques, de faire progresser la réforme du système financier international, maintenir la stabilité du système commercial multilatéral et de contribuer à la reprise économique mondiale.
La froideur de l'hiver prenant fin, nous allons de nouveau rejoindre le printemps, saison à laquelle tout s'observe sous une nouvelle perspective. Tant que nous bâtissons la confiance et coopérons, nous pourrons surmonter les rudes défis de la crise financière internationale et ouvrir la voie à un avenir encore plus radieux.
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