Zeng Wenhui
La publication des données économiques de la Chine du premier trimestre de 2009 a récemment suscité une polémique vigoureuse parmi les experts et chercheurs : L'économie chinoise a-t-elle atteint son plus bas niveau ? Certains économistes ont formulé des analyses quant à ses perspectives.
La croissance du PIB a sensiblement ralenti
Le 16 avril, le Bureau national des Statistiques (BNS) a publié les données économiques du premier trimestre de 2009 qui révèle que le PIB a augmenté de 6,1% par rapport à la même période de l'année dernière. Malgré que ce chiffre soit fondamentalement conforme à celui de 6% prévu par les économistes chinois, il est fortement en deçà des 10,6% du 1er trimestre de 2008; 9,0% pour l'ensemble de l'année 2008; et 6,8% du dernier trimestre de 2008.Cela constitue le rythme trimestriel de croissance le plus faible des deux dernières décennies. Selon Li Xiaochao, porte-parole du BNS, des facteurs tels que les retombées négatives de la crise financière mondiale, la baisse considérable du volume d'exportation et celle des profits des entreprises, la détérioration de l'emploi et la baisse des recettes des finances ont imposé une forte pression à l'économie chinoise.
Néanmoins, selon une interview de Robert Subbaraman, analyste économique auprès de Nomura (entreprise de services financiers), concédée au Wall Street Journal, l'économie chinoise devrait rebondir à la fin de février ou au début de mars 2009. D'après lui, le PIB est l'indice le plus en retard sur le plan de la statistique économique. En effet, les chiffres tels que le volume d'investissements dans l'immobilier, l'augmentation de crédit et la valeur de production industrielle sont déjà repartis au début du premier trimestre. Prenons l'exemple de la valeur de production industrielle. Celle-ci, qui a augmenté de 8,3% en mars par rapport à la même période de l'année dernière, est supérieure à la croissance de 3,8% de janvier et de février.
Certaines statistiques montrent que les recettes gouvernementales qui ont chuté de janvier à mars de 8,3% (-132,9 milliards de yuans) ne permettent pas de faire preuve d'un grand optimisme, car cette valeur se situe en deçà de l'objectif de croissance annuelle de 8%. Dans son article publié dans China Securities Journal, M. Jia Kang, directeur de l'Institut de recherche financière du Ministère des Finances, la chute considérable des recettes gouvernementales est imputable à la réduction du taux de croissance économique, à celle du profit des entreprises, à la baisse des impôts (y compris l'augmentation du taux de détaxe à l'exportation). Parallèlement, il est à noter que la réforme de la fixation des prix des carburants contribue à la croissance de 38,5% de l'impôt de consommation au 1er trimestre. Si on met à part des facteurs non comparatifs, la diminution des revenus causée par le glissement économique est d'environ 70 à 80 milliards de yuans, dévoilant les difficultés financières causée par la dépression.
De surcroît, l'indice des prix à la production (PPI en anglais) qui avait augmenté de 6,9% à la même période de l'année dernière a diminué de 4,6% au premier trimestre de 2009, un signe du fléchissement en continuité de la demande.
Monde entrepreneurial : présence de signes positifs
D'après M.Jia Kang, la macro- politique à caractère d'expansion a commencé à prendre effet. Des indices tels que ceux de gestion d'achat, de prospérité économique, de confiance des entrepreneurs, tout comme le volume de consommation d'électricité, de ventes d'automobiles, le chiffre d'affaires du secteur immobilier, le trafic ferroviaire, le volume de manutention portuaire, et la valeur ajoutée industrielle, les données concernant l'investissement et la consommation ont étés tout à fait satisfaisants, ce qui devrait favoriser le rétablissement et le raffermissement de la confiance.
Selon les données économiques publiées le 9 avril par le BNS, l'index de confiance des entrepreneurs se chiffre à 101,1 au premier trimestre (+6,5 par rapport au dernier trimestre de 2008) ; l'indice de prospérité des entreprises s'élève à 105,6. Ceci et malgré une chute de 1,4, son rythme de décroissance a déjà diminué (par rapport à la chute de 21,4 au dernier trimestre de 2008)
« L'entreprise est la cellule de l'économie, la remontée de l'indice de confiance des entrepreneurs et l'arrêt observé dans la chute de l'indice de prospérité des entreprises ont montré que, du côté des forces de production, l'économie chinoise présente des signes positifs. » a exprimé Cai Zhizhou, chercheur en économie à l'Université de Beijing.
D'après Zhang Wenkui, directeur adjoint de l'Institut des entreprises du Centre de recherche et développement du Conseil des Affaires d'Etat, les changements favorables des deux indices économiques ont été concrétisés par l'application des politiques préférentielles à la relance de l'économie. En même temps, la demande intérieure dans des secteurs tels que l'immobilier et l'automobile, contenue pendant un certain temps, a commencé à se libérer. De plus, après une période d'âpre tension, les entreprises sont revenues à la normale.
Ainsi, le marché de l'automobile, sous la double influence des politiques favorables et de la phase cyclique du secteur, a fortement rebondi au mois de mars, enregistrant un volume des ventes d'1,1 million de véhicules. Selon les statistiques, les achats d'automobiles se sont élevés à 2,68 millions au 1er trimestre, formant de ce fait le premier marché automobile à l'échelle mondiale. Les ventes au détail du premier trimestre ont augmenté de 15% par rapport à la même période de l'année dernière.
« La vente rapide des marchandises et la baisse des prix des matériaux devraient certainement entraîner la remontée des indices économiques», a précisé Cai Zhizhou. Suite à l'application des subventions pour l'achat d'électroménager et des plans de relance dans certains secteurs, ainsi que les politiques préférentielles destinées aux entreprises, leurs capacités de gestion et de production devraient être graduellement optimisées.
L'indice de gestion d'achat : retour à 50
L'indice de gestion d'achat qui a consécutivement remonté au cours des quatre derniers mois a atteint 52,4 au mois de mars en dépassant 50, qui symbolise le seuil entre l'expansion et la contraction.
Ma Jiantang, directeur du BNS, a estimé que le rebond de cet indice et les changements positifs qu'il a observé lors de son évaluation révèlent l'efficacité des politiques du gouvernement central destinées à stimuler la demande intérieure, à promouvoir l'augmentation, à rajuster la structure, à approfondir la réforme et à améliorer la vie du peuple et que l'économie chinoise devrait repartir.
Néanmoins Lu Lei, professeur de l'Académie des Finances de Guangdong donne un autre son de cloche. A ses yeux, les secteurs prospères sont presque tous subordonnés aux investissements gouvernementaux. Bien que cela stimule l'achat et la demande de certains produits, la force d'entraînement, moteur du développement économique n'a pas suffisamment fonctionné. Si le profit des entreprises ne cesse de diminuer, les raisons de rester optimiste seront infondées quant à la prochaine croissance des investissements . En ce qui concerne les entreprises étrangères, selon l'enquête sur l'environnement commercial de 2009 publiée le 10 mars par la Chambre de commerce américaine en Chine, 37 % de ces dernières ajourneront leurs projets d'investissement en Chine. Au cours du premier trimestre, les IDE ont reculé de 20,6%.
Aux yeux du rédacteur en chef de la section économique du magazine Finance & Economy, Shen Gaoming, la stimulation de l'investissement par le biais de l'augmentation du crédit et les mesures d'encouragement de la demande intérieure par l'investissement ont remporté de grands succès. Or, le problème est que ce mode de croissance économique produira possiblement un nouveau point de déséquilibre, soit entre l'investissement et la consommation. La dépendance excessive à l'égard de l'investissement, beaucoup moins efficace que la croissance équilibrée de l'investissement et de la consommation, aura pour conséquence de restreindre l'augmentation de la productivité et la compétitivité de l'économie chinoise.
La tendance à l'exportation fait face à de sévères défis
Sun Chunming, économiste en chef auprès de Nomura, a indiqué que la croissance économique de la Chine, principalement propulsée par les investissements, est assujettie à l'exportation.
« La tendance actuelle est assez éprouvante. Il nous est impossible d'estimer que l'économie chinoise est déjà redressée », a reconnu Cai Zhizhou. Malgré la reprise de la confiance, les retombées négatives de la crise financière mondiale sur l'économie réelle se poursuivront, notamment dans le secteur de l'exportation. Abstraction faite de ces facteurs, des problèmes tels que le ralentissement du rythme d'expansion du secteur industriel, la surproduction, le déséquilibre de la structure économique subsistent encore. Le volume d'exportation du 1er trimestre a ralenti de 17,1% par rapport à la même période de l'année dernière. Des réductions de 17,1 % et 25,7% ont été respectivement observées au mois de février et de mars, ce qui reflète que les marchés d'exportation tels que les Etats-Unis défavorisent continûment l'économie chinoise.
Sun Zhenyu, ambassadeur de Chine à l'OMC, a récemment exprimé qu'il n'est pas facile de prévoir l'orientation à court terme de la demande extérieure. Malgré le ralentissement de la diminution du volume d'exportation, les jugements optimistes pourraient s'avérer prématurés avant le déroulement du prochain Salon de l'import-export de Canton (Guangdong). Si un fort glissement s'opère sur le plan de son chiffre d'affaires, la tendance à l'amélioration de l'économie chinoise devrait affronter de sévères défis. D'après M. Sun, « nous devons maintenir notre confiance quant à la croissance économique malgré les difficultés au niveau des exportations et la tendance à la rigueur dans ce domaine. »
Face au changement de l'environnement économique mondial, les entreprises chinoises à vocation exportatrice devront affronter de nouvelles épreuves. Une part de leur production doit être écoulée au travers de la stimulation de la demande intérieure, ce qui demande un certain temps. Améliorer la vie du peuple, rajuster la structure de distribution des revenus, élargir la demande intérieure sont des projets qui ne peuvent être réalisés instantanément.
« Ce que nous devons faire actuellement, c'est d'appliquer sérieusement les plans de relance et les mesures destinées à stimuler l'économie chinoise. Le grand potentiel et le vaste espace du marché de l'intérieur du pays ont la capacité de permettre à l'économie chinoise de continuer à se développer rapidement et solidement sur le long terme », a ajouté Cai Zhizhou.
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