La Chine est en proie à la croissance rapide du volume de ses polluants. A Shanghai, les déchets ménagers produits en 2007 équivalaient à cinq fois la dimension de la Tour de Jinmao, et ceux de Beijing, aussi volumineux que la Colline de Charbon (Jingshan).
Selon les statistiques de 2008, la production annuelle des ordures domestiques par habitant est de 440 kg dans les zones urbaines, dont les deux tiers sont presque encerclées. Les détritus stockés ou enfouis dans l'ensemble des 600 villes du pays ont atteint 8 milliards de tonnes, avec un taux de croissance avoisinant 10%, un chiffre qui s'approche de celui du PIB. Compte tenu de la capacité retardataire de traitement, 40% des déchets ont été déplacés et stockés dans les banlieues ou à la campagne, échappant ainsi au regard des citadins. En l'espace de 4 ou 5 ans, les emplacements dont dispose actuellement la municipalité de Beijing auront atteint leur saturation. Quant à Shanghai, certaines décharges jouxtent déjà les quartiers d'habitation. Cette situation critique fait penser aux experts que la Chine sera tôt ou tard en butte à la même crise que Naples.
Depuis 2007, le chaos s'est installé à Naples. Les décharges étaient pleines et les ordures s'amoncelaient dans les rues, d'où s'élevait une odeur pestilentielle. Des incidents violents ont éclaté entre des habitants et des pompiers venus éteindre les feux de poubelles. Des dizaines de personnes ont été blessées dans les émeutes.
Revenons en Chine, les centres d'enfouissement profond dans l'ensemble du pays couvrent 50 000 hectares. Aucune grande ville n'est épargnée par l'invasion des saletés. Avec l'urbanisation qui s'accélère, plus la quantité d'ordures produites est importante, moins la disponibilité de terrains pour les enterrer s'observe. A Beijing, une télédétection aérienne a pris des photos d'une zone de décharge isolée en 1983. On voyait un terrain de 750 km2 où se dispersaient 4699 « collines » dont la superficie individuelle dépassait 16 m2. On y distinguait des ordures ménagères, agricoles, industrielles et mixtes. Pire encore aujourd'hui dans la capitale: sur 18 400 tonnes d'impuretés sorties chaque jour, seulement 10 400 tonnes sont absorbées. Il en résulte une surcharge de 67 % des décharges. A Shanghai, le cas est similaire : pour l'instant, 36,6 % des ordures sont simplement mises en terre sans aucun traitement.
Les habitants aux alentours des décharges se plaignent de la pollution de leur environnement de vie, et surtout de la contamination des eaux souterraines. Personne ne veut vivre à deux pas des ordures. Les projets de nouvelles décharges rencontrent partout des oppositions, certains sont contraints d'être reportés. Mais de la construction à la mise en service d'une décharge, il faudra 2 ans. Cela signifie que d'ici deux ans, la crise des ordures explosera de façon encore plus brutale.
Mais il ne suffit pas de disposer de suffisamment d'espaces de décharge pour résoudre ce problème. La solution ne réside pas dans un simple stockage, mais dans la gestion efficace et fiable. Dans la pratique en Chine, l'enfouissement profond est le moyen de traitement traditionnel. Ces dernières années, l'incinération a envoûté les professionnels avec énormément d'avantages : en éliminant les ordures, cette méthode permet de produire des gaz combustibles et de l'électricité. Des usines du genre ont été construites, de nouveaux projets sont sur le calendrier. Cependant, la nouvelle approche plus saine et plus économique n'a pas marché sans à-coups en Chine, à cause d'un obstacle technique en matière de recyclage des ordures.
Avec ou sans recyclage avant incinération, le pouvoir calorifique des déchets peut être très différent. Par exemple, le verre et les métaux ne brûlent pas, et les déchets du secteur de la restauration sont très humides. Si on les recycle avant de les brûler, on récupérera au maximum 3 000 kilojoules et 1000 kWh à partir d'une tonne d'ordures. Le cas échéant, le rendement énergétique sera très faible, avec seulement 800 kilojoules et 300 kWh d'électricité par tonne, ce qui est le cas dans l'usine d'incinération Tongxing à Chongqing.
Malgré de multiples efforts consacrés à la sensibilisation au tri des déchets, la plupart des Chinois restent les bras croisés. A Beijing, l'association Village de la Terre a appelé depuis 1998 à la responsabilité familiale dans la protection de l'environnement. Aujourd'hui, de nombreux quartiers résidentiels s'équipent de trois poubelles différentes pour trier les déchets alimentaires, les déchets recyclables et autres. A Shanghai où le tri sélectif est encouragé depuis 1996, plus de 1400 quartiers disposent aujourd'hui de quatre poubelles de couleurs différentes. Mais un phénomène fâcheux est souvent observé: la plupart des habitants refusent de rejeter les ordures selon leur nature aux mépris de l'indication très claire inscrite sur les différentes poubelles. Heureusement, les techniciens de surface s'en mêlent. Chaque jour, ils vident les poubelles et sélectionnent les ordures à la main, dans l'espoir de trouver quelque chose d'utile et de gagner un peu d'argent.
Le retard de la gestion industrielle des déchets et la paresse des habitants offrent une opportunité aux chiffonniers, dont le nombre s'élève à 20 millions en Chine. M. Song Wanji, l'un de ces sauveteurs discrets de l'environnement, habite dans un sous-sol du quartier de Jiangongnanli à Beijing. A force de se frotter aux ordures ménagères, il a un jour l'idée de produire des engrais à partir des déchets alimentaires. Ces engrais organiques sont utilisés pour nourrir les plantes à son endroit baptisé au nom du premier quartier vert de la capitale.
La crise des déchets presse. Les Chinois se préparent à une lutte sans merci contre les immondices. Dans ce conflit, on ignore si ce sont les ordures qui envahissent le terrain de l'homme, ou si c'est l'homme qui grignote le terrain réservé aux ordures. En revanche, ce qui est clair et incontournable, c'est la croissance rapide de la quantité des déchets, sous-produit de l'urbanisation et d'un nouveau mode de vie. Tous les pays du monde sont confrontés à ce défi. Pour la Chine, la priorité est de réduire la quantité des déchets et de réaliser le triage scientifique. A cette fin, le gouvernement doit investir davantage, non seulement dans la construction des décharge et usines de traitement, mais dans tous les chaînons de la gestion des déchets dont une sensibilisation et un dispositif de triage pratiques et efficaces. Quant aux foyers, leur responsabilité doit être engagée. A Shanghai, une femme organise un petit groupe sous le nom de « Maîtresses de maison vertes ». Dans ce cercle où réduire l'émission des ordures domestiques est fortement prôné, la confection des tabliers ou de petits paniers à partir des emballages usagés est une activité salutaire. Il est à espérer que cette bonne conscience se généralise très vite dans l'ensemble du pays.
Beijing Information
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