Soixante ans après sa création, l'OTAN tâtonne en abordant une nouvelle conception.
Xing Hua, chercheur de l'Institut chinois des études internationales
L'OTAN, qui vient de souffler ses soixante bougies le 4 avril, a tenu son 24e sommet à Baden-Baden et Kehl (Allemagne) et à Strasbourg (France) les 3 et 4 avril. Pour cette alliance militaire qui a célébré son 60e anniversaire, les 19 années qui ont suivi la fin de la Guerre froide ont mobilisé tous les regards, en raison de sa transformation. Cette association est le produit de ce conflit. Au terme de la Guerre froide, son existence fut gravement remise en cause. Cependant, les Etats-Unis ont lancé un appel fort pour préserver l'alliance afin de contrer une éventuelle réémergence de la Russie, d'étendre l'influence de l'organisation en Europe et de garantir sa prépondérance mondiale. Avec un tel arrière-plan, le Bloc atlantique a introduit de nouvelles réformes pour minorer son rôle dans l'affrontement militaire et reporter sa priorité sur les nouvelles menaces à la sécurité qui se profilent pour la communauté internationale.
Menacée de disparaître après que son rival – le Pacte de Varsovie – ait périclité, l'OTAN souhaite poursuivre ses réformes. Cependant transformer une telle alliance n'est jamais une sinécure. En raison de la constance de sa structure, les réformes restent confinés dans un espace relativement limité. Si l'on passe en revue les problèmes qu'a dû affronter l'OTAN dans sa transformation post-Guerre froide, on observe que cette alliance n'a pas abandonné ses anciennes manières malgré certains progrès perceptibles. Nombreux sont les changements de sa structure interne et dans ses relations externes qui restent à matérialiser. Les perspectives de l'organisation semblent embrumées.
Une réconciliation stérile
Au terme du conflit qui opposa l'aigle à l'ours, la manière avec laquelle la position de la Russie, dauphin de l'URSS, allait être redéfinie, devint le problème central auquel devait remédier l'établissement d'un nouvel ordre de sécurité en Europe et qui allait constituer le défi primordial aux réformes de l'organisation. Poussé par la velléité de faire apparaître l'image d'un bloc engagé dans la stabilité et la paix de toute l'Europe, l'OTAN envoie régulièrement des messages de réconciliation et de coopération à la Russie et aux autres pays dans la sphère d'influence de l'ancienne Union soviétique. Celle-ci n'a pas uniquement publié avec ces pays des communiqués promettant de bâtir des liens amicaux mais a également inauguré des mécanismes de coopération à des niveaux en constante augmentation. L'OTAN et la Russie ont notamment établi des liaisons diplomatiques et militaires, tout comme des institutions de consultation réciproques. L'Organisation du traité de l'Atlantique Nord s'est également engagée à mener des consultations équitables avec la Russie sur des sujets ayant trait à la sécurité de l'Europe. Les Etats-Unis et l'OTAN ont également coopéré avec la Russie sur le désarmement nucléaire, le désarmement des armes conventionnelles en Europe, la lutte contre le terrorisme et certains sujets régionaux brûlants.
En dépit de ces progrès positifs, l'OTAN n'a pas détrôné l'inimitié à l'égard de la Russie par la confiance politique, le respect et l'égalité. Le bloc atlantique possède une conviction profondément enracinée : celle-ci doit se prémunir contre une éventuelle réapparition de l'« Empire soviétique ». Tout en claironnant l'amitié et la coopération, ses membres ont lancé une série d'offensives diplomatiques et stratégiques contre la Russie.
Primo, l'OTAN persiste à s'étendre vers l'Orient malgré les protestations de la Russie. Au mépris des inquiétudes pour la sécurité du pays, l'OTAN insiste unilatéralement sur le fait que toutes « les démocraties européennes » peuvent poser leur candidature. Ses relations avec la Russie ont subi des revers à chaque fois que de nouveaux membres étaient admis au sein de l'organisation. Cette année, lors de son sommet l'OTAN a réaffirmé sa volonté à poursuivre son extension vers l'Est. Celle-ci a également accepté deux nouveaux membres, l'Albanie et la Croatie. Des conflits pourraient d'ailleurs survenir à l'avenir entre le Bloc atlantique et la Russie sur ce sujet. La Russie perçoit la Géorgie et l'Ukraine, pays voisins, comme la dernière barrière de sécurité contre l'extension agressive de l'OTAN. Ces deux pays, qui nourrissent un profond ressentiment envers la Russie, sont fortement favorisés par les pays occidentaux. Leur entrée dans l'OTAN pourrait mettre à nu les motifs anti-russes de l'alliance. La Russie est catégoriquement opposée à cette initiative et s'est jurée de protester avec une force sans commune mesure. Toutefois, les Etats-Unis encouragent l'OTAN à admettre ces deux pays. Leur adhésion à l'OTAN aurait d'énormes répercussions sur la sécurité de la situation en Europe.
Secundo, les Etats-Unis prévoient de déployer des boucliers anti-missiles en Pologne et en République tchèque avec le soutien de l'OTAN, ce qui éveille des craintes en Russie quant à l'éventualité d'endiguement de ses forces. Ce geste est devenu un nouveau point de contentieux d'envergure entre l'OTAN et la Russie, ce qui pose une menace à la sécurité de l'Europe.
Par ailleurs, la présence militaire de l'OTAN et son influence politique en Asie centrale et dans le Caucase du Sud forme des défis aux intérêts traditionnels de la Russie. Son intervention dans les affaires internes de la Russie a plusieurs fois mené à des tensions dans leurs relations. Compte tenu de leurs divers intérêts conflictuels, la route restera longue avant que l'OTAN et la Russie n'éliminent dans leurs relations les reliquats de la Guerre froide.
Internationalisation
A la vue de son énorme déploiement militaire autour de l'Océan atlantique, le Bloc atlantique rechigne à et continue d'être incapable d'abandonner sa mission : préserver la sécurité collective. Or, cette mission post-Guerre froide est loin d'être pérenne à l'heure actuelle. Dans l'optique d'accroître sa pertinence, l'OTAN a désigné une série de nouveaux objectifs. Son champ d'action ne se limite plus à la zone de défense Europe-Atlantique et l'organisation s'engage désormais dans des sujets qui sont liés à la sécurité non-traditionnelle, tendance qualifiée d'« internationalisation » par les médias internationaux.
Tandis qu'il poursuit un objectif d'internationalisation, le Bloc atlantique affronte une kyrielle de défis. Certains membres de la « Nouvelle Europe » font preuve d'une telle méfiance envers la Russie qu'ils sont enclins à surestimer les risques qui se posent à leur sécurité. Etant donné qu'ils comptent sur l'OTAN, garant de leur sécurité, ceux-ci s'inquiètent que la politique d'internationalisation ne détourne l'organisation atlantique de ses priorités attachées à la sécurité collective. Certains membres de la « vieille Europe » dotés de vues diplomatiques indépendantes, se préoccupent de cet état de fait, car étant donné que celle-ci empiète sur de plus en plus de sujets internationaux, les membres européens de l'OTAN pourraient se heurter à de graves litiges politiques avec les Etats-Unis.
Le Bloc atlantique veut également jouer un rôle sur des sujets tels que le maintien de la paix, la non-prolifération nucléaire, la lutte contre le terrorisme et les secours en cas de catastrophe. Afin de s'impliquer dans de tels domaines, cet organe devra respecter l'autorité de l'ONU, collaborer avec d'autres organisations internationales et développer une nouvelle capacité pour aborder les menaces asymétriques à la sécurité. Ses activités se sont étendues à la Méditerranée, le Moyen-Orient et l'Asie. En Asie, cette organisation militaire a établi des relations spéciales avec le Japon et la Corée du Sud. Vu que cette mission s'inscrit en dehors du cadre du mandat de l'OTAN de garantie de sécurité de l'Europe, les pays asiatiques suivent de près ses intentions et leurs éventuelles retombées.
Le Bloc atlantique a pris les rênes de la Force internationale d'assistance à la sécurité en Afghanistan en 2003. Son intention était de faire de ses opérations en Afghanistan le prélude à ses activités mondiales et d'accorder un soutien plus solide au programme américain de lutte contre le terrorisme. Malheureusement, l'OTAN s'est démené pour réaliser des progrès en Afghanistan et s'est rapidement trouvé plongé dans un dilemme. Les Etats-Unis ont exhorté leurs alliés européens à y envoyer davantage de troupes, sans bénéficier d'un large écho positif. Il semble que l'OTAN dispose désormais d'un éventail étroit d'alternatives pour améliorer la situation en Afghanistan. Cela montre que le premier pas concret de l'alliance vers l'internationalisation a abouti à un échec.
Inégalités internes
Au lendemain de la Guerre froide, le processus d'intégration européenne fit de grand progrès, donnant un coup de fouet à la stature internationale de l'Union européenne (UE). Par là, l'Union européenne réclama une plus grande voix dans la prise de décisions de l'OTAN. Alors qu'elle tendait le bras à la communauté internationale, l'UE prit conscience de la contradiction entre sa politique de multilatéralisme et l'unilatéralisme américain. L'opposition ouverte de l'UE à la guerre américaine en Irak mena à une division presque sans aucune commune mesure dans l'histoire de l'OTAN.
Dans ce contexte, réajuster la relation entre les Etats-Unis et les membres européens de l'OTAN, tout comme accroître la cohérence interne de l'OTAN sont devenus des objectifs principaux pour cet organe. Au regard de la puissante croissante de l'Europe, le Bloc atlantique a décidé de reconnaître « l'identité européenne », permettant aux membres européens de mener, sans la participation des forces armées américaines, des opérations de manière indépendante et d'utiliser les installations de l'OTAN. Elle a également publié une déclaration conjointe avec l'UE dans laquelle elle promit de soutenir les programmes de défense de cette dernière et d'œuvrer de concert à ses affaires de sécurité.
Ces dernières années, nous avons observé des progrès notables dans les relations entre les Etats-Unis et l'Europe. L'élection du président américain Barack Obama, qui jouit d'une certaine popularité auprès des Européens, a donné un nouveau souffle à leurs relations. Lors d'un récent sommet, la France a rejoint formellement la structure militaire intégrée de l'OTAN, siège qu'elle avait quitté il y a quelques décennies, ce qui prouve le raffermissement de l'unité au sein de l'alliance.
Les Etats-Unis et l'Europe n'ont pas encore comblé et ne seront pas en mesure de remblayer le fossé de leurs pensées et intérêts. Leur désaccord quant à l'admission de la Géorgie et de l'Ukraine, le déploiement des boucliers anti-missile en Europe et la politique appliquée à la Russie ont compliqué la prise de décisions de l'OTAN sur de tels sujets. Par ailleurs, la répartition des responsabilités entre le Bloc atlantique et l'UE au sujet des affaires de sécurité européenne n'est pas parfaitement transparente.
Les efforts de l'Europe pour faire davantage entendre sa voix au sein de l'OTAN n'ont pas obtenu les effets escomptés. Les Etats-Unis exercent encore une influence plus importante que l'UE au sein de l'alliance. Les membres de l'UE accordent davantage de considération à l'union qu'à l'OTAN. Bien que les Etats-Unis tirent le meilleur parti de l'OTAN, ceux-ci peuvent également s'en défaire aisément. Les Etats-Unis pas plus que l'Europe n'assimilent l'OTAN à leur première scène pour étendre leur influence internationale.
OTAN
L'Organisation du Traité Atlantique Nord (OTAN) fut fondée le 4 avril 1949, suite à la signature de son traité à Washington D.C. Ses membres fondateurs furent les Etats-Unis, le Canada, la Grande-Bretagne, la France, les pays du Benelux, le Danemark, la Norvège, l'Islande, le Portugal et l'Italie. Cette alliance militaire dont les quartiers généraux se situent dans la capitale belge, Bruxelles, adopte un système collectif de défense qui prévoit qu'une attaque armée contre l'une des parties du Traité sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties.
En 1966, le président français Charles de Gaulle annonça que la France quitterait son siège de la structure militaire de l'OTAN et retirerait ses forces du commandement militaire intégré de l'OTAN, tout en restant membre politique de l'alliance.
Au lendemain de la chute du mur de Berlin en 1989, l'organisation s'impliqua dans les Balkans, tout en consolidant ses liens avec ses anciens ennemis virtuels à l'est. Un certain nombre d'anciens pays membres du Pacte de Varsovie rejoignit l'alliance en 1999 et 2004. Cette année, le 1er avril, celui compte désormais 28 membres, avec l'adhésion de l'Albanie et de la Croatie. Depuis les attentats terroristes du 11 septembre 2001, le Bloc atlantique a essayé de recentrer ses activités sur de nouveaux défis et a déployé des troupes en Afghanistan, formant également des soldats en Irak.
Le président français en fonction, Nicolas Sarkozy, a mené une réforme d'ampleur de la position militaire de son pays dans l'organisation, le menant à un retour complet dans l'OTAN le 4 avril 2009.
Pacte de Varsovie
L'Union soviétique, la Tchécoslovaquie, la Bulgarie, la Hongrie, l'Allemagne de l'Est, la Pologne, la Roumanie et l'Albanie signèrent un Traité d'amitié, de coopération et d'assistance mutuelle à Varsovie en Pologne le 14 mai 1955 en réponse à l'entrée de l'Allemagne de l'Ouest dans l'OTAN. Ce traité donna le jour à une alliance militaire, l'Organisation du Traité de Varsovie, également connue sous le nom de Pacte de Varsovie. Cette alliance, dont les quartiers généraux se situaient à Varsovie était l'homologue du Bloc atlantique durant la Guerre froide. Elle fut officiellement dissoute lors d'une réunion à Prague, le 1er juillet 1991.
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