Dans la matinée du 7 mars 2009, une conférence de presse a été tenue au Grand Palais du Peuple en marge de la deuxième session de la 11e Assemblée populaire nationale. Le Ministre des Affaires étrangères Yang Jiechi y a été invité à répondre aux questions des journalistes chinois et étrangers portant sur la politique étrangère et les relations extérieures de la Chine.
CCTV : Dès le début de l'année, les hautes autorités chinoises ont effectué plusieurs visites à l'étranger, ce qui a été nommé par les médias la « diplomatie au tout début du Nouvel An ». Quels sont les plans du Ministère des Affaires étrangères pour conduire la diplomatie chinoise en cette année ? 2008 est une année hors du commun pour la diplomatie chinoise. Selon vous, quels en sont les temps forts ?
Yang Jiechi : Le « voyage d'amitié et de coopération » du Président Hu Jintao et le « voyage de confiance » du Premier Ministre Wen Jiabao au début de cette année ont donné une forte impulsion aux relations de la Chine avec les pays de l'Afrique, du Moyen-Orient et de l'Europe.
Année hors du commun tant pour la Chine que pour la diplomatie chinoise, 2008 est ainsi une année marquée par de multiples défis surmontés, d'importantes avancées réalisées et de belles récoltes enregistrées. Au cours de cette année pleine de défis, nous avons mené une lutte contre le séisme de Wenchuan et d'autres calamités naturelles, organisé avec succès les Jeux Olympiques malgré les différentes perturbations, et travaillé pour résister au choc de la crise financière internationale. Notre pays et notre diplomatie sont rarement confrontés à autant de problèmes aussi graves et portant autant de dangers. Il n'est vraiment pas facile pour nous de surmonter ces difficultés.
En ce qui concerne la diplomatie chinoise de l'année 2009, j'aimerais souligner quatre points qui sont les suivants : Primo, nous allons nous concentrer sur « un axe principal », c'est-à-dire que nous avons à déployer toutes nos énergies pour assurer un développement économique stable et relativement rapide en Chine ; Secundo, il nous faut veiller à « deux priorités ». La première est de lutter activement contre la crise financière internationale afin de contribuer à la réalisation de l'objectif de préserver la croissance économique, le bien-être du peuple et la stabilité nationale. La deuxième est de bien préparer les activités des dirigeants chinois dans les réunions multilatérales internationales majeures comme le prochain Sommet financier du G20 à Londres, le dialogue entre les dirigeants du G8 et des pays en développement prévu pour juillet prochain en Italie, le Sommet de l'Organisation de Coopération de Shanghai (OCS), la rencontre des Premiers Ministres des pays membres de l'OCS, et la Réunion des dirigeants des entités économiques de l'APEC qui aura lieu en novembre prochain. La Chine souhaite faire avancer, grâce à sa participation à ces manifestations, l'ordre international de façon plus juste et raisonnable ; Tertio, nous devons poursuivre nos efforts sur les « trois fronts » suivants. Le premier est de mener à bien la diplomatie sécuritaire pour sauvegarder effectivement la souveraineté nationale, l'intégrité territoriale et les intérêts sécuritaires de la Chine. Le deuxième est de promouvoir la diplomatie culturelle afin de renforcer l'amitié et la coopération entre le peuple chinois et les autres peuples du monde. Le troisième est de continuer à assurer la protection consulaire pour préserver réellement les droits et intérêts légitimes des citoyens et entreprises chinois à l'étranger. Actuellement, les Chinois sont de plus en plus nombreux à voyager à l'étranger et les entreprises chinoises, de plus en plus nombreuses à coopérer avec l'étranger. Nous avons donc à assurer une meilleure protection consulaire. Quarto, nous devons travailler davantage dans « quatre domaines », à savoir : veiller au développement stable de nos relations avec les grandes puissances, assurer une relation de bon voisinage avec les pays voisins, renforcer la solidarité et la coopération avec les nombreux pays en développement et prendre une part encore plus active dans la recherche de solutions adéquates aux questions d'actualité planétaires et régionales.
Associated Press : La récente crise financière exerce une large influence sur les relations de la Chine avec l'extérieur, en particulier avec les Etats-Unis. Beaucoup de Chinois estiment que les problèmes actuels de la Chine sont dus à une mauvaise planification et à des politiques irresponsables aux Etats-Unis. Certains sont même allés jusqu'à croire que la Chine était obligée d'acheter les dettes de l'administration américaine et de soutenir de telles politiques de cette dernière. D'après vous, dans quelle mesure les Etats-Unis sont-ils responsables à cet égard ? Qu'est-ce que les Etats-Unis doivent faire pour regagner la confiance du gouvernement et du peuple chinois ?
Yang Jiechi : Je crois que chacun connaît les origines de cette crise et que l'on doit en tirer des leçons. Actuellement, l'urgence est que les différents pays doivent œuvrer ensemble au succès du Sommet financier de Londres, afin qu'il puisse contribuer à rétablir la confiance publique, à renforcer la coordination entre les pays du monde sur la politique macro-économique, à stabiliser le marché financier, à promouvoir les réformes nécessaires des systèmes financiers et des systèmes de contrôle financier internationaux, à favoriser le développement de nombreux pays en développement et à réaliser les « Objectifs du Millénaire pour le développement ». Pour atteindre cet objectif, nous sommes prêts à travailler avec les Etats-Unis et les autres pays du monde pour affronter ensemble l'adversité et avancer la main dans la main dans les vagues tumultueuses de la crise financière internationale.
S'agissant de l'utilisation de ses avoirs en devises étrangères, la Chine observe les principes dits « sécurité, liquidité et revalorisation ». Nous continuerons à appliquer ces principes dans la gestion de nos avoirs en devises étrangères.
Depuis l'entrée en fonction de l'administration Obama, les relations entre le gouvernement chinois et la nouvelle administration américaine ont connu un bon début. Le Président Hu Jintao et le Président Obama ont eu une très bonne conversation téléphonique et sont parvenus à cette occasion à de nombreux consensus importants sur le but de faire progresser ensemble les relations sino-américaines. Nous avons eu également des entretiens et rencontres avec la Secrétaire d'Etat Hillary Clinton lors de sa visite en Chine, et nous avons tous exprimé le souhait sincère de faire avancer davantage les relations sino-américaines. Dans le contexte international actuel, les intérêts communs entre la Chine et les Etats-Unis s'accroissent chaque jour davantage. Nous sommes prêts à travailler ensemble avec la nouvelle administration américaine pour promouvoir sans cesse les relations bilatérales. Nous espérons que chacune des deux parties pourra tenir compte des intérêts centraux de l'autre et qu'elles continueront à renforcer leurs échanges et coopération. Nous avons la conviction que grâce aux efforts de part et d'autre, les relations sino-américaines pourront continuer à progresser sur une voie saine et stable.
The Times of London : Est-ce que le Président Hu Jintao participera au nom de la Chine au Sommet du G20 de Londres prévu pour avril prochain et quelle sera sa contribution ? Plus précisément, qu'est-ce que la Chine attend de ce Sommet ? Dans le contexte actuel, est-ce que la crise financière internationale a fait pencher la balance des puissances en faveur de la Chine ?
Yang Jiechi : Le Président Hu Jintao participera au Sommet financier de Londres, et rencontrera des dirigeants étrangers en marge de la réunion. Sur l'invitation de la Secrétaire d'Etat Hillary Clinton, je serai bientôt en visite aux Etats-Unis pour faire des préparatifs nécessaires pour la rencontre entre le Président Hu Jintao et le Président Obama à Londres et programmer avec la partie américaine ce que nous avons à faire cette année pour les relations sino-américaines. A Londres, le Président Hu Jintao rencontrera également le Premier Ministre britannique Gordon Brown. Nous apprécions beaucoup les nombreux travaux préparatoires effectués par le Royaume-Uni pour ce Sommet. Le maintien d'un développement stable et relativement rapide de l'économie chinoise constitue en lui-même la plus grande contribution de la Chine à la lutte contre la crise financière. Par ailleurs, elle a continué à fournir, voire à augmenter ses aides à de nombreux pays en développement, et surtout aux pays africains, et à appeler les pays du monde à honorer leurs engagements. Voilà une autre grande contribution chinoise face à la crise. Le Ministre chinois du Commerce, Chen Deming, a conduit une délégation chinoise en Europe pour la promotion du commerce et de l'investissement. Durant ce séjour, les entreprises chinoises ont négocié avec les sociétés britanniques, allemandes et d'autres pays, et conclu des accords et contrats avec elles d'un montant total de plus de 15 milliards de dollars américains, ce qui est encore une contribution majeure de la Chine devant la crise.
Interfax : Cette année marque le 60e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la Russie. Quels sont vos commentaires sur les relations sino-russes ? Selon vous, quelles sont les potentialités que recèle la coopération sino-russe dans les organisations internationales et dans le cadre du groupe BRIC ?
Yang Jiechi : La Chine et la Russie ont établi leur partenariat de coordination stratégique il y a déjà 13 ans. Depuis, leurs relations bilatérales ont enregistré des progrès remarquables, et surtout ces dernières années. Cette année, nous devons travailler sur des volets suivants : Premièrement, multiplier les échanges de visites de haut niveau et les contacts entre les deux pays à différents échelons, en vue de renforcer la confiance mutuelle et la coopération. Deuxièmement, développer vigoureusement la coopération pragmatique dans tous les domaines, et surtout en matière énergétique et technoscientifique. Récemment, les représentants des deux pays aux négociations énergétiques bilatérales se sont rencontrés pour la troisième fois et ont conclu d'importants accords concernant, entre autres, la construction d'oléoducs, l'octroi de prêts et l'approvisionnement en pétrole à long terme. Voilà un résultat mutuellement avantageux et gagnant-gagnant. Troisièmement, promouvoir sur tous les plans les échanges culturels entre les deux pays. Cette année marque le 60e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la Russie. La Chine va organiser une année de la langue russe. Nous allons bien travailler pour le succès de toutes les activités de sorte à renforcer la compréhension mutuelle et l'amitié entre les deux peuples et à consolider la base populaire du développement des relations bilatérales.
La Chine, la Russie, le Brésil et l'Inde qui ont tous une grande influence sur la scène internationale sont maintenant appelés « grands pays émergents ». Dans beaucoup de domaines, nous faisons face à des défis identiques et partageons également des opportunités de développement communes. Les dirigeants et les ministres des affaires étrangères de nos quatre pays ont eu entre eux des rencontres et pas mal d'échanges. Je crois qu'il est très utile de poursuivre cette pratique, puisqu'elle contribue non seulement au renforcement de la coopération entre nous, mais aussi au maintien de la paix, de la stabilité et du développement dans les régions concernées et dans le monde entier.
Le Quotidien du peuple : Dans le monde actuel, le changement climatique est devenu une question très importante. Comment la Chine affrontera-t-elle les défis que cela entraîne ? L'ONU organisera vers la fin de cette année une réunion sur le changement climatique à Copenhague. Quelle est votre attente de cette réunion ?
Yang Jiechi : La réunion sur le changement climatique qui aura lieu à Copenhague vers la fin de cette année revêt une grande importance. Nous espérons que les différentes parties concernées pourront travailler ensemble à la réalisation des objectifs prévus pour la réunion de Copenhague conformément à la « Feuille de route de Bali ». Sur cette question, il convient de poursuivre le principe des « responsabilités communes mais différenciées ». Les pays développés et les pays en développement doivent, chacun de leur côté, déployer des efforts comme il faut et travailler de concert. Voilà ce qui est primordial pour la réussite de cette réunion. La Chine, tout comme par le passé, continuera à agir conformément à son plan national sur la lutte contre le changement climatique, à prendre des mesures positives dans les divers domaines et à honorer ses engagements, de sorte à apporter sa part de contribution au succès de cette réunion.
TV Asahi : J'ai deux questions. La première concerne les relations sino-japonaises. L'affaire des « raviolis empoisonnés » a fait beaucoup de victimes tant au Japon qu'en Chine. Cependant, cette affaire n'a pas encore été résolue au bout de plus d'un an, et les soupçons des consommateurs japonais sur les aliments chinois n'ont pas encore été levés. Quelles sont les difficultés qui empêchent le règlement de cette affaire ? La Chine et le Japon sont déjà parvenus à des consensus sur les champs pétrolifères et gaziers en mer de Chine orientale. Cependant, pourquoi ne peut-on pas démarrer les consultations officielles pour conclure un accord ? Est-ce que la partie chinoise estime que l'accord n'est pas applicable pour le champ pétrolifère et gazier « Tianwaitian » ? La deuxième : le 1er Sommet Chine-Japon-République de Corée a eu lieu au Japon en 2008, et le 2e Sommet se tiendra en Chine cette année. Dans le contexte actuel marqué par la crise financière, quelles sont les mesures que la Chine prendra pour renforcer la coopération entre la Chine, le Japon et la République de Corée ?
Yang Jiechi : En premier lieu, le gouvernement chinois et ses services compétents accordent une haute importance à la qualité des produits et à la sécurité alimentaire. L'« affaire des raviolis » que vous avez mentionnée est une affaire criminelle, sur laquelle les autorités compétentes chinoises sont en train de mener des enquêtes afin de la tirer au clair. Nous avons toujours souhaité une coopération avec la partie japonaise pour poursuivre l'enquête sur cette affaire. J'aimerais demander s'il y a au Japon des affaires de la sécurité alimentaire qui n'ont pas encore été élucidées après un certain temps d'enquête et malgré des efforts inlassables. Je crois que la police japonaise ne va pas pour autant renoncer à ses efforts et qu'elle va aller jusqu'au bout de sa mission même si cela demande encore plus de temps. Telle est aussi la détermination de la partie chinoise. Je pense que la partie japonaise doit comprendre cela et continuer à coopérer avec la partie chinoise. Je suis aussi pour la création entre les deux pays d'un mécanisme de coopération à long terme sur la sécurité alimentaire. N'est-ce pas une bonne idée ? J'aimerais souligner encore, et j'espère que les journalistes ne vont pas mal l'interpréter, que la Chine n'est pas parfaite en matière de sécurité alimentaire, mais que je mange souvent des raviolis chinois surgelés avant de me rendre dans des enceintes diplomatiques et à des conférences de presse.
En ce qui concerne la question de la mer de Chine orientale, les consensus de principe obtenus entre les deux parties constituent une illustration importante de l'amélioration et du développement des relations bilatérales. Je pense que les deux parties doivent agir conformément à l'esprit de ces consensus et créer des conditions nécessaires à leur mise en œuvre. Le champ pétrolifère et gazier « Tianwaitian » se trouve dans la zone économique exclusive de la Chine, et il n'a rien à voir avec ces consensus.
Nous estimons que le 1er Sommet Chine-Japon-République de Corée tenu au Japon l'an dernier a été un grand succès. Nous apprécions beaucoup les efforts déployés par le Japon pour ce Sommet. Mes collaborateurs m'ont appris que le volume des échanges commerciaux entre la Chine, le Japon et la République de Corée dépasse celui entre le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne. Nos trois pays sont des voisins proches. Nous sommes liés par une longue histoire culturelle. Dans le contexte actuel marqué par la crise financière internationale, il est naturel pour nous de renforcer nos échanges et notre coopération et de contribuer à ce que nos trois pays puissent surmonter ensemble la crise financière et en faire sortir rapidement le continent asiatique. Cette année, la Chine est à son tour pays hôte. Nous allons bien travailler pour le succès de ce Sommet. Nous sommes sûrs que nous pourrons bénéficier du soutien de nos collègues du Japon et de la République de Corée.
JoongAng Daily: J'aimerais vous poser trois questions. Première question, suite à l'entrée en fonction de l'administration Obama, la Chine va-t-elle réajuster sa politique extérieure, surtout vis-à-vis de l'Asie du Nord-Est, y compris de la Péninsule coréenne? Deuxième question, si la RPDC veut, coûte que coûte, lancer des missiles, quelle sera la réaction de la Chine? Et quelles seront les conséquences que cela aura sur les pourparlers à six ? Troisième question, le commerce entre la Chine et la République de Corée a connu un recul depuis l'éclatement de la crise financière. Certains experts ont proposé de faire avancer rapidement les négociations sur l'accord de libre-échange entre les deux pays de sorte à promouvoir leurs échanges commerciaux. Comment percevez-vous cette proposition ?
Yang Jiechi: La Chine a réitéré à maintes reprises sa politique extérieure. Nous allons poursuivre la voie de développement pacifique et appliquer notre politique extérieure d'indépendance et de paix et notre stratégie d'ouverture gagnant-gagnant. Il n'y a aucun changement dans cette politique. Nous nous réjouissons de constater que la nouvelle administration Obama a affirmé la grande importance qu'elle attache aux pourparlers à six et sa disponibilité à œuvrer ensemble avec les autres parties à les faire avancer.
Les pourparlers à six ont déjà enregistré des progrès importants qui méritent qu'on y accorde une grande estime. Il est vrai que le processus est actuellement devant des difficultés. Mais, je pense qu'il est naturel que l'on rencontre des difficultés lorsqu'on négocie des questions d'une telle complexité. Ce qui importe, c'est que les parties concernées agissent conformément à l'accord conclu le 19 septembre 2005 et œuvrent au plus tôt dans le même sens, en vue d'accomplir les actions prévues pour la deuxième phase et de faire entrer les pourparlers dans la troisième phase. En tant qu'hôte qui accueille les pourparlers, la Chine continuera à jouer son rôle unique et constructif pour les faire progresser. Nous avons noté que la RPDC a annoncé qu'elle allait lancer un satellite expérimental de communication. Nous avons aussi pris note des réactions des différents pays à ce sujet. Nous suivons avec attention la situation. Convaincus qu'il est dans l'intérêt de tout le monde de préserver la paix et la stabilité de la Péninsule coréenne, nous espérons que les parties concernées feront davantage d'efforts dans ce sens.
La Chine et la République de Corée ont lancé une étude conjointe sur la création d'une zone de libre-échange impliquant des départements gouvernementaux, des associations industrielles et des organismes académiques. Je suis sûr que faire avancer cette étude et les discussions concernées et démarrer au plus tôt les négociations en vue d'établir la zone de libre-échange revêtent une signification très positive tant pour la Chine que pour la République de Corée, et j'espère que les deux parties travailleront ensemble pour atteindre cet objectif commun. A mon avis, la Chine, le Japon et la République de Corée doivent devenir des modèles contre le protectionnisme en matière d'investissement et de commerce. L'an dernier, le commerce sino-japonais a dépassé 200 milliards de dollars américains tandis que celui entre la Chine et la République de Corée avoisinait ce chiffre. Une plus grande ouverture mutuelle de marchés entre nos trois pays permettra aux peuples asiatiques de renforcer leur confiance dans la lutte contre la crise financière, ce qui correspond à nos propres intérêts tout comme aux intérêts de l'ensemble des peuples asiatiques.
TVB: La maison d'enchères française Christie's a mis aux enchères, envers et contre tout, des têtes de bronze de l'ancien Palais d'Eté de Chine. Le porte-parole de la présente session de l'APN a qualifié cet acte d'atteinte aux sentiments du peuple chinois. Par ailleurs, malgré l'opposition de la Chine, le Président français a rencontré le Dalaï-Lama fin 2008. Comment voyez-vous les relations sino-françaises d'aujourd'hui ? Et puis, une autre question concernant Hong Kong. Comment le Ministère des Affaires étrangères entend-il agir pour défendre les droits et intérêts de Hong Kong à l'étranger et soutenir les échanges extérieurs du gouvernement de la Région administrative spéciale (RAS) de Hong Kong ?
Yang Jiechi : Le gouvernement chinois s'oppose à la vente aux enchères par la société en question des deux têtes de bronze de l'ancien Palais d'Eté. Ceci, parce qu'elles sont des reliques culturelles pillées et transférées en dehors du territoire chinois, et que la Chine a le droit de demander leur restitution. Cet acte qui revient à remuer le couteau dans la plaie est tout à fait immoral.
Le Ministère chinois des Affaires étrangères travaille sans relâche pour créer un environnement extérieur favorable à la prospérité et à la stabilité de Hong Kong. Nous avons invité des représentants du gouvernement de la RAS de Hong Kong à rejoindre la délégation chinoise pour le Sommet de Washington. Et nous ferons la même chose pour le prochain Sommet financier de Londres. Nous encourageons toujours les organisations internationales à penser davantage à Hong Kong et à Macao dans leurs choix de lieux de réunions. Nous nous efforçons également de créer des conditions à la participation des officiels et des compatriotes de Hong Kong et de Macao aux différentes activités et réunions multilatérales et internationales organisées à l'étranger. Le Ministère des Affaires étrangères a suivi et géré quelque 600 cas de protection consulaire impliquant plus de 2 000 Hongkongais. Nous avons la conviction que sous la conduite des gouvernements des RAS de Hong Kong et de Macao, nos compatriotes de ces deux régions pourront certainement surmonter les difficultés causées par la crise financière, et que grâce au soutien ferme du gouvernement central, Hong Kong et Macao pourront sûrement maintenir leur prospérité et stabilité.
Quant à la relation sino-française que vous avez mentionnée, je tiens à dire qu'au cours des 45 années qui ont suivi l'établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la France, les relations sino-françaises ont enregistré des progrès importants, procurant des bénéfices réels aux deux peuples. La Chine attache toujours une grande importance au développement des relations sino-françaises et a fait d'énormes efforts à cet égard. S'agissant des problèmes que connaît actuellement la relation sino-française, la responsabilité n'est pas du côté de la Chine. Nous espérons que la France répondra positivement et sans ambiguïté aux préoccupations majeures de la Chine. En conclusion, j'aimerais souligner encore que je suis confiant dans le développement de la relation sino-française à long terme, car cela est dans l'intérêt des deux parties et correspond au souhait des deux peuples.
Deutsche Press Agentur : La coopération Chine-UE couvre de nombreux dossiers comme la crise financière et les changements climatiques. L'an dernier, beaucoup d'Européens étaient perplexes devant la décision de la Chine d'annuler le Sommet Chine-UE prévu en décembre à cause d'une rencontre que le Président français Nicolas Sarkozy allait avoir avec le Dalaï-Lama. En Europe, on a du mal à comprendre le fait que la Chine pourrait suspendre cette coopération importante à tout moment, même en temps de crise, quand un leader européen rencontre le chef spirituel tibétain pour un entretien ou bien pour un thé. Comment répondez-vous à cela ? La République tchèque qui préside actuellement l'UE a proposé un nouveau Sommet Chine-UE en mai à Prague. La Chine va-t-elle y participer ? La date a-t-elle été fixée ?
Yang Jiechi : Si le Sommet Chine-UE prévu fin 2008 a été reporté, la responsabilité n'incombe pas à la Chine. On connaît bien l'origine de l'affaire. Les Européens ont une connaissance de la philosophie et de la culture de la Grèce antique. Ils devraient donc avoir une bonne logique. Le Dalaï-Lama et ses partisans réclament la création d'un soi-disant « Grand Tibet » sur un quart du territoire chinois et demandent l'expulsion des troupes militaires chinoises qui y stationnent pour défendre le territoire chinois et des Chinois non-tibétains qui y vivent depuis des générations. Croyez-vous qu'il soit une simple personnalité religieuse ? Est-ce que l'Allemagne, la France ou tout autre pays est prêt à accepter l'amputation d'un quart de leur territoire ? N'oubliez pas que la Chine a toujours apporté son appui à la réunification de l'Allemagne. De ce point de vue, le Dalaï-Lama n'est nullement un simple religieux, mais un exilé politique. Nos divergences avec lui ne sont ni une question religieuse, ni une question des droits de l'homme, ni une question ethnique, ni une question culturelle. Le réel enjeu, c'est de savoir s'il faut maintenir l'unité de la Chine ou bien laisser le Tibet se séparer du territoire chinois. Dans la gestion de leurs relations avec la Chine, les pays du monde ne doivent pas autoriser le Dalaï-Lama à effectuer une visite chez eux ni le permettre d'utiliser leurs territoires pour des activités séparatistes visant à diviser la Chine. C'est un principe qui fait partie des règles régissant les relations internationales, et non une faveur à la Chine. Ce que nous espérons, c'est que les différents pays agissent effectivement en conformité avec les principes qu'ils prétendent avoir toujours poursuivis, c'est-à-dire respecter les normes régissant les relations internationales, le droit international, la Constitution chinoise et la Loi chinoise sur l'Autonomie régionale des Minorités ethniques.
Je voudrais préciser que la tenue prochaine d'un Sommet Chine-UE n'est pas proposée par la République tchèque elle seule. La décision de l'organiser au cours du premier semestre de 2009 a été prise d'un commun accord par le Premier Ministre Wen Jiabao et les dirigeants européens pendant la récente visite du Premier Ministre chinois au siège de l'UE. Quant à l'échéance, je pense que cela ne devrait pas poser de grand problème.
Radio Chine internationale : M. le Ministre, comment la Chine voit-elle son rôle et son influence en Asie ? Dans le contexte de la crise financière, que fera la Chine pour faire avancer la coopération régionale en Asie ?
Yang Jiechi : Face à la crise financière, il est important pour la Chine et les autres pays asiatiques de montrer plus de créativité et de prendre des initiatives pionnières pour que l'économie asiatique en sorte en premier. Plus concrètement, nous devons continuer à promouvoir la coopération « 10+1 » et « 10+3 », faire avancer le processus de multilatéralisation de l'« Initiative de Chiang Mai » en vue d'établir un marché asiatique de capitaux, accélérer la mise en place d'une réserve de change régionale « 10+3 », promouvoir la coopération dans la sous-région du Grand Mékong, renforcer la coopération entre la Chine et les pays de l'ASACR (Association sud-asiatique de coopération régionale)... En plus des liens économiques et commerciaux, nous entretenons des échanges amicaux anciens avec les autres pays asiatiques. Nos relations reposent donc sur une base solide. Les amis doivent se traiter en toute sincérité. Un vieil adage dit : Ceux qui ne s'unissent que pour des intérêts se séparent une fois qu'il n'y a plus de profit à en tirer. Nos relations avec beaucoup de pays asiatiques sont plus que des échanges économiques et commerciaux mutuellement bénéfiques. Elles relèvent d'une amitié fondée sur des principes partagés et l'intégrité. J'ai confiance en un avenir meilleur pour le continent asiatique.
Agence de Presse marocaine : Dans le contexte actuel de la crise financière internationale, quelles seront les perspectives de la relation Chine-Afrique ? Autre question : comment la Chine pourrait-elle s'engager davantage dans le règlement des conflits africains, surtout dans le Sahara, en Afrique du Nord, et au Darfour, en Afrique de l'Est ?
Yang Jiechi : La Chine et les pays africains sont liés par une amitié traditionnelle. La coopération sino-africaine a aujourd'hui atteint un niveau plus élevé. En 2006, la Chine a organisé un sommet dans le cadre du Forum sur la coopération sino-africaine, au cours duquel le Président Hu Jintao a annoncé, au nom du gouvernement chinois, huit initiatives visant à soutenir le développement de l'Afrique. Aujourd'hui, certaines de ces mesures sont en train d'être mises en œuvre dans d'heureuses conditions, d'autres sont déjà concrétisées. Nous remercions nos amis et frères africains pour le soutien énorme qu'ils nous ont accordé sur les questions de Taiwan et du Tibet, dans l'organisation des Jeux Olympiques de Beijing et dans notre lutte contre le tremblement de terre du Sichuan. Certains chefs d'Etat ont dit à nos dirigeants que leurs pays étaient trop pauvres pour donner des choses à la Chine et que tout ce qu'ils pouvaient donner, c'était leur cœur. Nous sommes très touchés par ces propos. Avec les pays africains, nous sommes des amis et frères très proches. Lors de sa récente tournée en Afrique, le Président Hu Jintao a affirmé la disponibilité de la Chine à poursuivre son soutien, comme par le passé, au développement de l'Afrique et au renforcement de la voix au chapitre et de la représentation des pays africains et du continent africain dans les affaires internationales et régionales. Je peux vous rassurer en disant que la Chine n'est pas un pays qui courtise les riches et qui méprise les pauvres, ni un pays qui a les yeux rivés sur le pétrole. Vous pouvez poser la question aux pays africains qui n'ont ni de pétrole ni de gaz naturel pour déterminer qui leur a laissé une meilleure impression : la Chine ou d'autres pays. Notre coopération énergétique avec les pays africains est une coopération basée sur les bénéfices mutuels. Nos amis et frères africains ont déjà attendu plusieurs siècles pour voir leurs atouts potentiels se transformer en richesse réelle. Devraient-ils continuer d'attendre ? Certains leur conseillent de le faire encore. Est-ce motivé par des considérations morales, ce conseil ? Ces personnes sont-elles bien placées pour donner ce genre de conseil ? La coopération sino-africaine est une coopération mutuellement bénéfique et gagnant-gagnant. Je suis convaincu qu'elle continuera à se développer encore davantage à l'avenir. Ceci dit, la Chine n'est pas le seul grand pays émergent qui mène une coopération mutuellement bénéfique avec les pays africains. D'autres pays émergents le font aussi. Comment interprétez-vous cela ?
Concernant la question du Sahara, nous espérons que les parties concernées pourront y trouver une solution adéquate par voie de consultations et de dialogue.
S'agissant de la question du Darfour, notre position consiste à promouvoir le dialogue et les pourparlers de paix. Nous espérons que les opérations de maintien de la paix et le processus de négociations politiques au Darfour pourront faire de nouveaux pas en avant. Nous continuerons à soutenir le rôle essentiel du principal canal qu'est le mécanisme tripartite UA-ONU-Gouvernement soudanais. Nous avons fourni beaucoup d'aides au peuple soudanais, notamment à la population du Darfour. C'est le cas avec une aide de 140 millions de yuans à cette dernière. Nous avons aussi fait des dons à la Mission de l'Union africaine au Soudan et au Fonds fiduciaire de l'ONU. Nos sociétés implantées au Soudan ont foré des puits pour les habitants locaux et fourni des équipements nécessaires à des écoles locales. Sans parler du fait que nous avons été un des premiers pays à avoir envoyé un contingent de génie multifonctionnel au Darfour. Nous espérons que la question du Darfour sera réglée au plut tôt et que les différentes parties concernées travailleront davantage en faveur de ce but et non le contraire.
Beijing Information |