Une révolution de la structure de la consommation en Chine pourrait permettre à plusieurs entreprises chinoises à se hisser aux premiers rangs mondiaux, mais également consacrer un âge d'or après trois décennies d'ouverture et de réforme économique. Celle-ci sera également un présage d'espoir pour l'économie mondiale.
Après le ralentissement de la croissance du PIB ces derniers trimestres, le Conseil des affaires d'Etat a dévoilé un projet de relance évalué à 4 000 milliards de yuans afin d' encourager la demande intérieure et de maintenir une croissance saine et stable malgré cette période trouble. Dans l'optique de mener à bien cet objectif principal, les initiatives des ministères et des autorités locales s'appliquent à traduire dans les faits ces mesures.
Ce projet de relance affiche des objectifs limpides : premièrement, restaurer la croissance du PIB ; deuxièmement, garantir l'emploi. Si peu de doutes subsistent quant au fait que cette mesure favorisera le développement de l'économie chinoise, ce plan a traduit plutôt la demande de l'investissement que la demande de la consommation. Parmi les dix mesures proposées, seule une réforme aborde « l'augmentation des revenus des habitants urbains et ruraux », tandis que le reste de cette batterie de mesure se concentre sur les investissements de grande envergure tels que les constructions d'infrastructures de génie civil.
Abondance d'investissements et carences au niveau de la consommation des citoyens constituent les points faibles de l'économie chinoise, car ce mode de croissance économique relayé par des investissements d'envergure n'est pas pérenne dans la plupart des cas. La preuve en fut donnée avec la crise financière asiatique de 1998 : à l'époque lorsqu'un investisseur posait une mise initiale de 100 yuans la première année, il récoltait généralement l'année suivante 50 yuans de profits. Cependant, pour les mêmes gains l'année suivante, une somme de 120 yuans était requise, voire 150 yuans par la suite. Résultat : chaque investissement finit irrémédiablement par se tarir et aboutir à la fin de la croissance. Dans les années 1990, le taux d'investissement (en pourcentage du PIB ) de Chine atteignait régulièrement 35 % et 40 %, pour dépasser les 40 % au début du nouveau siècle et occuper l'une des premières places mondiales en la matière. Cette part ne dépasse jamais 20 % aux Etats-Unis et 32 % au Japon.
Investissement et consommation sont les deux côtés d'une balance. Un niveau d'investissement trop élevé a des répercussions sur le pouvoir d'achat et peut amener à un excédent de production. Dans ce cas deux solutions se profilent : exporter les marchandises excédentaires à l'étranger ou les stocker dans le pays. Lorsque l'économie chinoise a réussi à mettre en valeur son avantage de la main d'œuvre à prix faible dans la division internationale du travail, l'exportation pouvait être un bon choix. Néanmoins sous l'influence de la crise financière mondiale, la demande mondiale a fortement chuté. C'est pourquoi de nouvelles épreuves se profilent en Chine.
Il y a dix ans, lors de la crise asiatique qui avait sévèrement touché les pays d'Asie du sud-est, le gouvernement chinois était parvenu à surmonter cette épreuve en appliquant des politiques financières actives, notamment le déploiement d'investissements colossaux pour contrer les risques du marché. L'incertitude plane désormais sur l'utilité de cette méthode par rapport à la crise actuelle. En effet, la crise de 1998 avait eu d'importantes retombées mais limitées à certains pays d'Asie du Sud-est, les économies européennes et américaines n'avaient pas subi de dommages collatéraux. Par la suite, à la faveur de la stabilité de la demande mondiale, l'économie chinoise a connu un développement époustouflant pendant près d'une décennie.
Le contexte est désormais tout autre. De nombreux pays asiatiques, mais également les Etats-Unis et l'Union européenne, c'est à dire une grande partie de l'économie mondiale a été balayée par cette crise. Le cas des Etats-Unis est d'autant plus significatif que ce pays semble reculer de sa place de leader économique mondial. D'ici à une avenir lointain, la Chine pourra moins compter sur ces deux piliers économiques. A ce titre, le plan de relance de 4 000 milliards de yuans sera idoine pour une période de transition de deux ans, mais ne pourra pas être envisagé comme une mesure à long terme pour les politiques économiques de la prochaine décennie.
Si d'un côté la diminution des investissements aura un effet néfaste sur le PIB à court terme, cela favorisera néanmoins la demande de la consommation, car les fruits du développement économique seront mieux répartis entre les citoyens chinois. Quant aux retombées sur l'emploi à la suite de la chute de la croissance du PIB, celles-ci sont inévitables pour parachever la transition économique. Le développement de l'économie chinoise repose en grande partie sur l'industrie manufacturière, tandis que le secteur tertiaire reste archaïque depuis de nombreuses années. L'essor de l'industrie des services est incontournable si un pays en développement veut se hisser au rang des pays développés. L'industrie manufacturière possède une capacité de création d'emploi nettement inférieure à celle des prestataires de service.
Autre donnée significative : la préférence accordée par la plupart des Chinois à l'épargne plutôt qu'à la consommation. Ce mode d'utilisation des ressources a servi de catalyseur au lancement d'énormes investissements en Chine. Pendant les trois dernières décennies, l'investissement a été le moteur du développement de l'économie chinoise, mais cela a également des répercussions sur la consommation de la population. Si l'économie mondiale ralentit au cours des trois prochaines décennies, la part de l'investissement devra être réduite et les habitants de ce vaste pays pourront enfin déployer leur pouvoir d'achat.
Au niveau de l'effet économique des investissements de la consommation, la Chine et les Etats-Unis sont le jour et la nuit. Du fait de sa prédilection pour l'épargne, le taux d'investissement de Chine s'est hissé à 50 % et tandis que celui de la consommation a été clairement restreint. Contrairement à la Chine, la consommation des américains a contribué aux deux tiers de PIB des Etats-Unis. Leur recours à l'épargne reste faible et ceux-ci règlent la plupart de leurs dépenses à l'aide de cartes de crédit. Ces modes d'utilisation des ressources ont chacun leurs effets pervers : le goulot d'étranglement de la croissance économique en Chine et la crise des prêts hypothécaires aux Etats-Unis.
Ces derniers jours une rumeur s'est répandue comme traînée de poudre parmi les citoyens chinois : la Commission d'Etat pour le développement et la réforme rédigeait un document destiné à l'augmentation des revenus des habitants et à relancer la consommation intérieure.
Si celle-ci venait à être traduite dans les faits, cela supposerait certainement une révolution de la structure de la consommation en Chine. Compte tenu du marché de 1,3 milliards de personnes, l'ampleur de cette révolution serait supérieure à celle qu'avait connu le Japon il y a 40 ans. La transition économique au Japon a permis de créer des entreprises de stature internationale dans les secteurs automobile et électronique tels que Nissan, Toyota, Sony, Canon, entre autres. Si le même cas de figure se produisait en Chine, cela permettrait de voir émerger non seulement pour plusieurs entreprises de classe mondiale, mais peut-être un âge d'or de 30 ans pour l'économie chinoise, voire un présage d'espoir pour l'économie mondiale.
Beijing Information
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