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Une coopération anti-COVID exemplaire |
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Hicham El Azami · 2021-02-26 · Source: Chinafrique | |
Mots-clés: Maroc; campagne de vaccination |
Premier à l’annoncer en Afrique, le Maroc a lancé une campagne de vaccination anti-COVID massive utilisant un vaccin chinois principalement.
La campagne de vaccination se déroule correctement dans un poste de vaccination à Sidi Kasem, au Maroc, le 30 janvier. (XINHUA)
Les citoyens marocains s’étaient réveillés, le 20 août 2020, avec l’annonce de la signature d’un protocole d’accord entre le ministère de la Santé et le laboratoire chinois Sinopharm CNBG (China National Biotech Group), pour la tenue d’essais cliniques de son vaccin anti-COVID sur 600 volontaires ainsi que l’accès privilégié à ce dernier après validation de la phase III. Il s’agissait de la toute première lueur d’espoir de sortie de crise, dans un pays qui a subi de plein fouet les conséquences de l’épidémie : plus de 8 000 morts à déplorer ainsi qu’une récession économique de 6,6 %.
Loin d’être un accord commercial anodin, cette initiative est en réalité un acte de coopération politique qui dépasse le cadre bilatéral. En effet, selon le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, « nous traçons aujourd’hui les contours d’une relation pionnière et visionnaire […] en ouvrant la voie à une présence stratégique de Sinopharm au Maroc ». Cette coopération se décline aussi au niveau global avec « une volonté de transcender nos deux seuls pays, pour s’ouvrir au Sud et au Nord ».
L’implication dans cet accord de Sothema, groupe pharmaceutique marocain ayant une présence importante en Afrique subsaharienne, ainsi que de BMCE Bank of Africa, groupe bancaire marocain disposant de plus d’une quinzaine de filiales sur le continent, ne laisse planer aucun doute : il s’agit bien de relever leur niveau de coopération à un niveau continental, en prenant le Maroc comme hub.
Un partenariat bilatéral stratégique
Réception des premières doses du vaccin chinois, à Casablanca, au Maroc, le 27 janvier. (XINHUA)
Les liens entre le Maroc et la Chine sont anciens, comme l’attestent les mémoires de l’explorateur marocain Ibn Battuta (1304-1369), l’un des rares voyageurs arabes ayant exploré la Chine, décrivant avec admiration les ustensiles gastronomiques chinois découverts lors de son périple, et témoignant ainsi de l’historicité des liens entre les deux pays.
Établies formellement en 1958, les relations diplomatiques n’ont cessé de se consolider, aboutissant à une déclaration conjointe de partenariat stratégique annoncée durant la visite de Sa Majesté le Roi Mohammed VI à Beijing en 2016, prévoyant une coopération bilatérale renforcée sur plusieurs volets. L’adhésion formelle du Maroc à l’initiative « la Ceinture et la Route » a aussi été annoncée la même année.
Au niveau économique, l’adhésion du Maroc a donné lieu à une série d’accords de coopération, qui se sont concrétisés avec plusieurs projets phares, tels que la construction à Rabat de la plus haute tour d’Afrique par China Communications Construction Company ou le projet de cité industrielle intégrée à Tanger, avec un investissement dépassant les 10 milliards de dollars. C’est d’ailleurs dans cette dernière que le groupe Sinopharm envisage la création d’une unité de production du vaccin contre la COVID-19, ciblant les marchés d’Afrique subsaharienne.
Par ailleurs, le contexte pandémique a confirmé la résilience de cette alliance stratégique. Ainsi, dès l’annonce de l’urgence sanitaire en Chine, le Maroc a mobilisé un avion de la compagnie nationale Royal Air Maroc pour transporter des équipements de protection médicale à destination de Beijing. Inversement, le Maroc avait reçu le 22 mars 2020 un avion-cargo chargé de dons chinois (masques, respirateurs et autres matériels médicaux).
Une porte ouverte sur l’Afrique
Depuis son retour au sein de l’Union africaine le 31 janvier 2017, le Royaume du Maroc a réalisé une percée diplomatique et économique sur les marchés continentaux.
Ainsi, entre 2009 et 2019, les investissements directs marocains en Afrique ont augmenté de 8.3 % par an dans 29 pays du continent. Ces investissements concernent plus de 13 secteurs, dont l’industrie pharmaceutique, puisque l’on retrouve les unités de production de médicaments marocaines de Sothema et Cooper Pharma au Sénégal, en Côte d’Ivoire ainsi qu’au Rwanda.
Sur le plan sanitaire, le Maroc a fait preuve de solidarité à l’échelle du continent depuis le début de la pandémie. Ainsi, au plus fort de la crise sanitaire, Sa Majesté le Roi Mohammed VI a ordonné l’envoi de dons de matériel médical à destination de 15 pays d’Afrique. La liste des pays bénéficiaires est représentative des cinq régions du continent (Tanzanie, Sénégal, etc.) et ne se limite pas aux soutiens traditionnels du Royaume en Afrique de l’Ouest.
Une coopération Sud-Sud qui devrait se poursuivre avec la fourniture de vaccins contre la COVID-19 produits au Maroc. C’est l’ambition affichée du ministre de la Santé, Khalid Ait Taleb, évoquant une unité qui « va permettre de développer des vaccins "made in Morocco" et d’assurer l’autosuffisance du pays tout en approvisionnant le continent africain et les pays voisins maghrébins », et désignant la cité industrielle Mohammed VI Tanger Tech (à capitaux sino-marocains) comme lieu de production.
Une opération de vaccination pionnière
Fin 2020, le Maroc a été le premier pays d’Afrique à annoncer une campagne de vaccination massive contre la COVID-19 suite aux résultats satisfaisants des tests effectués conjointement avec le groupe Sinopharm.
Cette initiative pionnière s’inscrit dans la stratégie efficace de mitigation de la pandémie adoptée par le Maroc dès le mois de mars 2020. Malgré l’importance du secteur touristique, qui contribue à 7 % du PIB, le Maroc n’a pas hésité à fermer ses frontières dès l’apparition des premiers cas dans le pays. En parallèle, un confinement strict ainsi qu’une mobilisation totale de l’industrie pharmaceutique ont été décrétés. Les conséquences économiques de ces mesures sont importantes, mais cette stratégie a permis de maîtriser rapidement la pandémie.
Selon le ministère de la Santé marocain, cette campagne vise à atteindre un objectif d’immunité collective en 3 mois, par le biais de la vaccination de 80 % de la population. Pour ce faire, le Maroc a d’ores et déjà commandé 66 millions de doses de vaccin, dont 40 millions auprès de Sinopharm et 26 millions auprès du laboratoire suédo-britannique Astrazeneca. Ce vaccin sera fourni gratuitement et sur une base volontaire et administré de façon prioritaire au personnel soignant ainsi qu’aux populations vulnérables.
Suite à la réception des premières doses du vaccin, Sa Majesté le Roi Mohammed VI a donné le coup d’envoi officiel de la campagne le 28 janvier, en recevant la toute première dose du vaccin chinois. La mobilisation est générale pour garantir la réussite de vacciner plus de 100 000 personnes par jour. Cette opération inédite viendra sans doute renforcer le partenariat stratégique sino-marocain et en souligner l’intensité.
Reportage du Maroc
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