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Surmonter les obstacles structurels à la croissance économique |
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Hao Rui · 2020-12-19 · Source: Chinafrique | |
Mots-clés: Chine; Afrique; développement |
La Chine et l’Afrique devraient intensifier leur coopération en matière de développement après la fin de la pandémie.
Depuis les années 1980, l’Afrique a successivement traversé la « décennie perdue », la « décennie agitée » et la « décennie de développement ». Ces dix dernières années, le continent a été frappé par la crise financière mondiale (2008), le Printemps arabe (2011), la chute des prix des marchandises en vrac (2014) et la pandémie de COVID-19 (2020). Sous l’action de plusieurs facteurs, comme les profonds changements du climat international, l’Afrique est entrée dans une nouvelle période, caractérisée par une faible croissance, un endettement élevé et des contradictions sociales aïgues.
Depuis mars 2020, la pandémie de COVID-19 a posé d’immenses défis au continent africain et a mis à mal son économie fragile. Si la coopération économique et commerciale entre la Chine et l’Afrique a également été affectée à court terme, un développement économique plus qualitatif devrait être la priorité de la coopération sino-africaine à l’avenir.
De nouveaux défis
De 2014 jusqu’au déclenchement de la pandémie, l’Afrique était dans un état de « croissance modérée et de dette élevée ». Selon les statistiques des Nations unies, le taux de croissance du PIB de l’Afrique est tombé à 3,6 % en 2014, mettant fin à la phase de croissance élevée (plus de 5 %) qui avait duré plus de dix ans, et en 2016, a poursuivi sa chute pour atteindre 1,6 %, son plus bas niveau en vingt ans. Au cours des trois années suivantes, le taux de croissance du PIB s’est légèrement redressé grâce à la correction des prix internationaux du pétrole, mais il est toujours resté inférieur à 3 %.
La baisse du taux de croissance du PIB par habitant est quant à elle plus prononcée, avec un taux de croissance annuel moyen d’à peine 0,5 % au cours de la dernière décennie, bien inférieur aux 2,7 % de la décennie précédente. Les principales économies d’Afrique, comme le Nigeria, l’Afrique du Sud et l’Angola, ont connu une croissance lente, voire une récession.
En 2019, la dette extérieure totale de l’Afrique subsaharienne a atteint près de 625 milliards de dollars, soit le double de son niveau de 2011, accusant une augmentation annuelle moyenne de 8 %. Le ratio d’endettement moyen de ces pays est passé de 22,7 % à 37,8 %. Selon un rapport du Fonds monétaire international (FMI) publié en septembre 2020, sept pays d’Afrique sont actuellement confrontés à une crise de la dette, et 28 autres pays présentent des risques moyens et élevés d’endettement.
La pandémie a considérablement affecté les économies africaines, en touchant les industries principales et l’économie réelle de nombreux pays, réduisant leurs exportations et diminuant de façon significative l’arrivée de fonds étrangers (aides et investissements directs) tandis que les dépenses publiques, notamment en matière de santé, ont augmenté. Ces déséquilibres budgétaires croissants ont encore affaibli la solvabilité des pays africains.
Les mesures visant à empêcher la propagation du virus, telles que le confinement et le couvre-feu, ont quant à elles entraîné un choc économique et le chaos social dans plusieurs pays, augmentant l’inflation et le chômage tout en provoquant des problèmes de sécurité publique et même les pénuries de nourriture.
La pandémie a considérablement réduit les prévisions de croissance économique en Afrique.
En octobre 2020, la Banque mondiale et le FMIont respectivement prédit que l’économie de l’Afrique subsaharienne allait se contracter de 3,3 % et de 3 % en 2020, et qu’il faudrait au moins deux à quatre ans pour qu’elle retrouve son niveau d’avant la pandémie.
Trouver la bonne voie
En réalité, les problèmes auxquels font face le continent africain reflètent les difficultés de sa transformation économique structurelle. Même si l’économie africaine a connu une croissance rapide entre 1995 et 2014, cette croissance ne s’est pas traduite par un changement significatif de sa structure industrielle.
Dans le secteur agricole, le développement de ces dernières décennies résulte principalement d’une augmentation des dimensions des terres agricoles plutôt que de leur productivité. Cette agriculture extensive a augmenté la production totale, mais a limité le progrès technologique. En conséquence, la production par unité a peu augmenté et l’excédent net de l’agriculture demeure extrêmement faible.
Dans le secteur industriel, l’industrie manufacturière est en recul, ne représentant que 11 à 12 % du PIB. Dans de nombreux pays africains, l’industrie des services est devenue le principal contributeur au PIB, mais ce développement ne résulte pas d’une transformation structurelle économique. Dans ce cas, le poids croissant de l’industrie des services reflète davantage la stagnation du secteur manufacturier plutôt que l’évolution d’une économie industrialisée mature vers une économie de services.
L’Afrique a toujours été à la périphérie de la chaîne industrielle mondiale. La plupart des pays africains continuent d’exporter des matières premières ou des produits peu transformés et leur croissance économique est fortement limitée par leur dépendance vis-à-vis des marchés et des fonds extérieurs.
Le côté positif, cependant, est qu’il existe deux moteurs de développement en Afrique : l’expansion de la classe moyenne en Afrique et l’augmentation de son pouvoir d’achat, et l’expansion du marché (en particulier l’accroissement du nombre de start-ups, des investissements à risque et le développement de zones de libre-échange sur le continent).
Pour la plupart des pays africains, l’objectif reste donc de déterminer une voie de développement économique adaptée à leur contexte national propre. Cela implique, pour les gouvernements, d’affecter au mieux leurs ressources limitées, mais aussi d’accroître leur capacité administrative, et en particulier leur capacité à mobiliser les ressources locales, de manière à augmenter progressivement le taux d’épargne et la part des impôts dans les recettes fiscales. Cela impliquera également d’améliorer les infrastructures, le contexte commercial et la gestion des ressources humaines et de renforcer leur capacité à assimiler et à exploiter les ressources économiques étrangères.
Un développement plus qualitatif
La pandémie de COVID-19 et ses conséquences (ralentissement économique, obstacles à la circulation de la main-d’œuvre, des capitaux et des matériaux, etc.) vont confronter la coopération économique et commerciale sino-africaine à des difficultés à court terme. La mise en œuvre des projets d’investissement en Afrique ralentit également, certains projets existants ayant déjà été suspendus.
Toutefois, ces défis temporaires ne se font pas un obstacle au renforcement de la coopération entre la Chine et l’Afrique, bien au contraire. Alors que la Chine et l’Afrique abordent une nouvelle étape de leur processus de développement, les deux partenaires devraient envisager de nouvelles approches de coopération basées sur le nouveau contexte international et sur le principe d’une coopération gagnant-gagnant.
La Chine et l’Afrique pourraient étendre leur coopération en matière de développement, en particulier dans les domaines de la lutte contre la pauvreté, de l’infrastructures, de la santé, de l’éducation et d’autres objectifs de développement humain afin d’aider les pays africains à combler leurs lacunes. En parallèle, la Chine devrait accroître les investissements sur le continent pour aider les nations africaines à développer de fortes industries locales.
Dans le contexte de la reprise économique chinoise, la Chine et l’Afrique ont l’opportunité de renforcer leur coopération dans des domaines clés tels que la transformation des produits agricoles et des produits minéraux, le commerce et l’investissement dans le domaine médical et des soins de santé, l’économie et l’infrastructure numériques, ou encore les exportations de produits africains vers la Chine, de manière à promouvoir une coopération économique et commerciale plus qualitative et tournée vers l’avenir.
(L’auteur est le directeur général du département de recherche et développement du China-Africa Development Fund)
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