L'ancien président français Jacques Chirac est décédé des suites d'une longue maladie le 26 septembre à l'âge de 86 ans. Durant sa présidence, le monde était plongé dans une nouvelle période de turbulences et d’instabilité consécutive à la fin de la guerre froide. Héritier du gaullisme et homme politique exceptionnel, M. Chirac est resté au pouvoir pendant 12 ans et a laissé une marque particulière sur la diplomatie française et les affaires internationales. Cela lui a valu d’être salué et reconnu au niveau mondial et a permis de renforcer le statut et l'influence de son pays. La conception diplomatique de M. Chirac aura eu un impact important sur les actions et politiques diplomatiques ultérieures des gouvernements français. On peut avancer que M. Chirac laisse un précieux legs diplomatique et politique à la France.

Opposition aux Etats-Unis pour la guerre en Irak

L’action la plus glorieuse du président Chirac sur la scène internationale a eu lieu en 2003, quand il s’est clairement opposé à la guerre des Etats-Unis contre l’Irak. Lorsque les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont soumis au Conseil de sécurité une proposition visant à autoriser le recours à la force, la France s'est avancée pour annoncer qu'elle utiliserait son droit de veto de membre permanent pour s’y opposer. Bien que cela n'ait pas empêché la guerre en Irak, la moralité et la légitimité des Etats-Unis ont été largement entamées. Certains commentateurs ont déclaré que la décision de M. Chirac était comparable à celle de l’annonce faite par le général De Gaulle de se retirer du commandant militaire intégré de l’OTAN. La France a acquis une grande réputation sur la scène internationale et est devenue un porte-drapeau contre l'unilatéralisme américain. Les faits à ce jour prouvent que la décision américaine de lancer la guerre en Irak était en tout point erronée, et que cela a non seulement perturbé la situation au Moyen-Orient, mais également nuit aux Etats-Unis eux-mêmes. Cette guerre a complètement rompu l'équilibre stratégique au Moyen-Orient et dans la région du Golfe. La réorganisation des différentes factions dans la région a entraîné de fréquents conflits armés, et l’émergence de l’Etat islamique est l’une de séquelles les plus importantes de ce conflit, alors que le terrorisme constitue une menace mondiale.

L’histoire de l’Irak après la guerre prouve pleinement la sagacité et la clairvoyance de M. Chirac, ainsi que la justesse de son jugement stratégique. Par son courage et son audace, il a montré qu’il était un politicien européen exceptionnel et un visionnaire comme on en voit rarement.

Un ardent défenseur d’un monde multipolaire

En réponse à l’avènement d’un « super hégémon » après la fin de la guerre froide, la France a pris l'initiative en proposant de construire un monde multipolaire. M. Chirac a souligné dans différentes plateformes internationales que « ce n'est qu'en reconnaissant la multipolarisation ainsi que l'interdépendance de tous les pays du monde que nous pourrons construire un nouvel ordre international plus juste et plus raisonnable ». Il estimait que le « nouvel ordre mondial » devrait être fondé sur la base du multilatéralisme et du droit international, plutôt que sur la logique de puissance. Il a averti qu’un monde soumis à la « logique de puissance » allait inévitablement connaître des turbulences et être plongé dans des conflits incessants. M. Chirac a également suggéré de construire une Europe forte, pour qu’elle devenir un « pôle puissant » dans un monde multipolaire.

Lors de la Conférence générale de l'UNESCO de 2001, M. Chirac a formellement proposé le concept de « diversité culturelle ». Sous les auspices de la France, l'Assemblée générale a adopté la Déclaration sur la diversité culturelle. En 2003, la France et le Canada ont conjointement proposé à l’UNESCO d’adopter une convention internationale contraignante pour la protection de la diversité culturelle. Arme fondamentale de la diplomatie culturelle française, la « diversité culturelle » est devenue une arme puissante contre l’« hégémonie culturelle » américaine, comprise et soutenue par de nombreux autres pays également confrontés à une telle menace. Une vaste alliance contre l'invasion de la culture américaine s’est ainsi formée à l'échelle internationale, donnant à la France une influence marquante.

Un plaidoyer pour substituer le dialogue à la confrontation

Au cours de ses 12 années au pouvoir, M. Chirac a fait preuve d’une énergie et d’une persévérance extraordinaires sur la scène internationale, en proposant des solutions politiques et des suggestions concernant les grands problèmes et les conflits régionaux et en jouant un « rôle spécial » dans le règlement des différends et des contradictions entre les pays. M. Chirac préconisait de remplacer la confrontation par le dialogue et la consultation politique au lieu de recourir à la force ou à l’intimidation par les armes. M. Chirac soulignait que « l'hégémonisme des Etats-Unis est intolérable » : il a refusé d'accepter l'expansion de l'OTAN dans le monde et d'agir comme un « gendarme mondial », n'acceptant pas le recours à la force comme instrument principal dans la résolution des crises dans le monde. Concernant la Russie, il a souligné qu’elle constituait un facteur important de la stabilité de l'Europe. Pour ce qui est de l'expansion de l'OTAN vers l'est, il a remarqué qu’il fallait pleinement prendre en compte les préoccupations de la Russie en matière de sécurité et il s’est fait l’écho d’un retour de la Russie dans la politique européenne avec une « relation de partenariat préférentiel » France-Russie et un mécanisme de rencontres régulières France-Allemagne-Russie.

M. Chirac estimait que sur des questions telles que les droits de l'homme, les conflits et la confrontation n'aident pas et que seul le dialogue mutuel est le moyen de résoudre les différends. A cette fin, lorsque les pays occidentaux dirigés par les Etats-Unis ont attaqué la prétendue situation des droits de l'homme en Chine après les années 1990, M. Chirac a adopté une attitude rationnelle et pragmatique : il a décidé que le gouvernement français ne critiquerait plus ouvertement la Chine, mais communiquerait pas le biais du dialogue et de rencontres. En 1997, grâce à promotion active de la France, l’Union européenne a commencé à ne plus proposer de motion contre la Chine à la Conférence des droits de l’homme des Nations unies, ce qui a infligé un sérieux revers à ceux en Occident qui cherchaient à nuire à la Chine.

Un fervent promoteur des relations sino-françaises

Il y a plus d'un demi-siècle, la Chine et la France ont établi des relations diplomatiques et la France est devenue la première puissance occidentale à établir des relations diplomatiques au niveau des ambassades avec la Chine nouvelle. Cette initiative majeure de la France est le résultat de la quête pour une diplomatie indépendante du président Charles de Gaulle, qui avait fait sensation dans le monde entier et qui aura fait date. Fidèle héritier du gaullisme, M. Chirac a également promu le développement des relations sino-françaises au centre de sa politique étrangère durant son mandat.

En 1978 et 1991, M. Chirac s’est rendu en Chine en tant que maire de Paris et ancien premier ministre français, puis en mai 1997 et octobre 2000 en tant que président français. En octobre 2004, M. Chirac a effectué une visite d'Etat en Chine et a assisté à la cérémonie d'ouverture de l'Année de la culture française. En octobre 2006, il a de nouveau effectué une visite d'Etat en Chine. Grâce à des visites et des contacts de haut niveau, il a établi une relation personnelle très étroite avec les plus hauts dirigeants chinois et joué un rôle central dans la promotion du développement des relations bilatérales. Durant la présidence de M. Chirac, le niveau des relations entre les deux pays s’est considérablement relevé. En 1997, les deux pays ont signé une déclaration commune sino-française et annoncé la mise en place d'un partenariat global pour le XXIe siècle, qui a été transformé en 2004 en un partenariat stratégique global.

M. Chirac est décédé, mais l'héritage diplomatique qu'il laisse à la France continuera d'avoir une importance déterminante et jouera certainement un rôle positif dans la promotion du développement durable des relations sino-françaises.