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La France et l'UE : l'art de la persuasion |
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Cui Hongjian · 2018-05-16 · Source: Beijing Information | |
Mots-clés: France; UE; Emmanuel Macron |
Des préoccupations différentes
La grande question qui se pose à la France est le grand écart entre l’ambition du pays d’être une puissance mondiale et un leader européen et la réalité de son économie léthargique. La série de réformes mises en place après l’entrée en fonction de M. Macron prendra beaucoup de temps avant d’apporter des avantages, et toute nouvelle restructuration rencontrera probablement une plus grande opposition. M. Macron estime que la poursuite des réformes en France parallèlement à la réforme de la zone euro conduira à des résultats complémentaires. A cette fin, il veut persuader les Allemands d’injecter plus de fonds dans la zone euro pour stabiliser la confiance du marché et créer un environnement économique approprié en France afin de gagner plus de temps pour les réformes intérieures. Le redressement de l’économie nationale consolidera le statut de la France en tant que leader de l’Europe, ce qui, à son tour, encouragera M. Macron dans ses initiatives de réforme de l’UE.
Plusieurs années d’excédents budgétaires ont donné à l’Allemagne la possibilité enviable de se poser la question des modalités de leur allocation. Le problème majeur n’est cependant pas de savoir comment mais où investir, la zone euro dans son ensemble et l’Allemagne représentant deux destinations stratégiques divergentes. En essayant de convaincre la population de renflouer la Grèce en proie à la crise de la dette publique, Angela Merkel a affirmé que la prospérité économique de l’Allemagne était ancrée dans le marché unique européen. Aujourd’hui donc, la même argumentation fait qu’il est difficile de convaincre que l’argent allemand doit prendre la destination de la France. Mme Merkel, déjà affaiblie dans la « grande coalition », fait face à l’opposition la plus importante à l’euro au Parlement allemand à ce jour sous la forme de l’Alternative pour l’Allemagne, et n’a donc plus la liberté qu’elle avait autrefois de mettre ses projets à exécution.
En tant que principal bailleur de fonds des réformes de la zone euro, l’Allemagne a raison de se méfier des risques et des rendements attendus des projets de M. Macron. Il est donc peu probable que Mme Merkel accepte le programme de réforme radical de la France dans son intégralité. C’est sans doute la raison pour laquelle, malgré les efforts de M. Macron pour attirer l’argent allemand en citant la coopération historique entre MM. Adenauer et De Gaulle, et MM. Kohl et Mitterrand, ils ont jusqu’ici porté peu de fruits.
Percevant le manque d’enthousiasme venant de Berlin, les institutions de l’UE désireuses de renforcer leur statut et leur autorité ont déjà commencé à s’aligner avec M. Macron. Les dirigeants européens sont prêts à soutenir le train de réformes de M. Macron lors du prochain sommet de l’UE en juin, car une alliance monétaire ou la création d’un département budgétaire et financier contribuera à élargir et à centraliser l’autorité et le pouvoir de l’UE. Cependant, M. Macron doit encore conclure un accord entre les membres du Parlement européen des différents pays et les divers mouvements politiques transnationaux.
Une réalité sombre
Les élections de 2019 au Parlement européen approchent à grands pas et, sans sièges, La République en marche de M. Macron doit déployer de gros efforts pour s’implanter. Le résultat de ces élections sera la première évaluation quantifiable de la popularité de M. Macron depuis son entrée en fonction. Si les résultats ne sont pas bons, alors non seulement la réforme de la zone euro sera menacée, mais sa réputation même de président réformiste le sera aussi.
Après des années de turbulence, l’UE a besoin de réformes, mais il n’y a pas de consensus sur la manière de les mener à bien. L’Europe est déconnectée, évoluant à des vitesses différentes, et conduire tous les pays qui la composent dans la même direction vers l’intégration européenne est une tâche apparemment impossible.
Les réformes de Macron visent à établir une coalition de transfert de paiements financiers au sein de la zone euro afin d’atténuer le déséquilibre de développement entre le nord et le sud du continent. Cependant, de telles réformes devraient être financées par les pays riches de l’Europe du Nord, ce qui ne fera qu’exacerber les conflits préexistants au sein de l’Union. L’Allemagne affirme avoir déjà discuté de cette question avec huit pays d’Europe du Nord et fait savoir qu’ils se méfient tous du plan de M. Macron.
Si les conflits entre l’Europe du Nord et l’Europe du Sud peuvent être résolus avec de l’argent, les différences politiques et idéologiques de l’Europe de l’Est et de l’Ouest restent une pierre d’achoppement pour les réformes de l’UE. Les pays d’Europe centrale et orientale en désaccord avec l’UE sont pour la plupart des économies n’appartenant pas à la zone euro. L’accélération de la réforme de la zone euro ne fera que retarder encore plus ces pays déjà défavorisés sur le plan économique, alimentant la désillusion face au projet européen élargi et stimulant le sentiment sécessionniste. La précipitation des réformes pourrait se faire au détriment du nombre des membres. C’est la raison la plus profonde pour laquelle les membres de l’UE comme l’Allemagne sont réticents à soutenir la réforme radicale de la France.
Bien que tourmentés par des problèmes épineux sur le plan national, la France et l’Allemagne semblent toujours capables d’une action concertée face à la conduite répréhensible de Donald Trump. Mme Merkel a effectué une visite aux Etats-Unis peu après M. Macron, et a soulevé les mêmes sujets que le président français dans ses discussions avec M. Trump. Nous saurons bientôt si les efforts des dirigeants de France et d’Allemagne suffisent à rétablir le statut de puissance majeure de ces deux pays.
(L’auteur est directeur des études européennes à l’Institut des études internationales de Chine.)
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