Les négociants à la Bourse de New York, les ouvriers d'usine de Shenzhen, les sociétés de fret de Séoul, les vendeurs au détail de Hangzhou et les cadres de la mode de luxe à Paris ont tous une chose en commun : ils portent une grande attention à l'état de l'économie chinoise.

La croissance économique de la Chine en 2018 serait de 6,6 %, soit « la plus lente en 28 ans ». Cela a suscité plusieurs questions – tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la Chine –sur ce que cela signifie pour le pays, les marchés mondiaux, la consommation, la fabrication et les exportations, et pour la situation générale de l'économie mondiale en 2019.

L'influence chinoise

La Chine ayant été le moteur d'une part importante de la croissance économique mondiale au cours des 20 dernières années, son ralentissement est préoccupant. Le vieil adage sur l'économie américaine qui dit que « quand les États-Unis éternuent, le monde attrape un rhume » est maintenant vrai pour la Chine.

Mais ce ralentissement de la croissance devrait-il être une source de préoccupation pour les parties intéressées ? Oui et non.

Une économie qui a connu une croissance aussi rapide et spectaculaire que la Chine au cours des dernières décennies, jusqu'à devenir la deuxième plus grande économie du monde, est, et devrait être, l'objet d'un examen minutieux. Les sinologues économiques, autant à l'intérieur et à l'extérieur de la Chine, étudient chaque nouvelle, chaque indice et chaque indicateur avec une attention microscopique.

Mais lorsqu'on regarde une seule cellule au microscope, on ne peut pas voir l'ensemble du muscle, du bras, du corps ou de l'âme d'un organisme.

Je crois que l'économie chinoise ralentit, et ce, depuis quelques années déjà. Je suis également convaincu qu'aucune économie ayant connu une croissance de 14, 12, 10, 8 et 7 % ne peut, et ne devrait, soutenir un tel rythme. L'économie, la société et le rôle de la Chine dans les affaires économiques, politiques et commerciales mondiales sont entrés dans une période de transition.

Une stratégie adéquate

Le passage d'une économie axée sur la fabrication et l'exportation à une économie axée sur l'innovation, la technologie, la consommation et les services est une stratégie adéquate pour la Chine. Mais ce n'est pas une voie facile.

Regardons ce qui se passe aux États-Unis. Le passage d'une économie localisée, fermée, manufacturière, d'exportation et de production (1947-1980) à une économie définie par la finance et la mondialisation a provoqué de graves secousses dans l'économie américaine et chez les travailleurs américains. Au cours des 25 dernières années, il est devenu normal de considérer une croissance de 2 à 3 % comme « excellente » aux États-Unis, bien que cela soit sous la normale.

Alors, les préoccupations autour du taux de croissance et de la santé économique générale de la Chine sont-elles légitimes ? Oui, très certainement. Le taux d'endettement de la Chine, le ralentissement de ses principaux secteurs manufacturiers, la diminution de ses achats de matières premières et de produits de base, sa dépendance excessive à l'égard du secteur immobilier et son besoin continu de plans de relance sont autant de sujets de préoccupation.

Mais ces questions doivent toutefois être replacées dans leur contexte. Le taux de croissance global de l'économie mondiale a ralenti parallèlement au ralentissement de la Chine. L'Europe est coincée entre contraction et une croissance nulle à modérée. Les économies sud-américaines sont en chute libre. L'Afrique présente au mieux un bilan mitigé. D'un point de vue macroéconomique, l'économie de la Chine surpasse la plupart des autres pays du monde.

Mesurer la performance

Pour mesurer la situation actuelle et mieux comprendre ce qui arrivera à l'avenir, nous devons examiner ce qui a été accompli en Chine au cours des 40 dernières années. Voici quelques indicateurs clés :

• Plus de 700 millions de Chinois ruraux ont été sortis de la pauvreté ;

• La Chine est devenue la deuxième économie la plus importante au monde ;

• Une économie innovatrice et axée sur la technologie a pris forme, qui se classe au deuxième rang après les États-Unis ;

• Le maintien d'une croissance économique supérieure à 6 % est le pronostic le plus pessimiste dans un monde où le libre-échange est menacé et où la valeur globale de la mondialisation est remise en question ;

• La croissance a été maintenue, et ce, malgré le plus grave différend commercial de l'histoire récente entre les deux principales économies du monde ;

• La croissance économique globale ralentit, mais elle demeure robuste dans un contexte de maturation de l'économie et de transition économique mondiale.

Si nous examinons l'ensemble de l'économie chinoise, plusieurs choses sont prometteuses :

• Une transition mesurée vers une économie de la consommation et des services en tant que principaux moteurs de la croissance est en cours. La consommation en Chine est robuste et bon nombre des indicateurs à long terme prévoient une croissance continue. Oui, il y a des inconvénients et certaines personnes sont affectées négativement par cette transition, mais elle demeure nécessaire pour réaliser une croissance durable ;

• Le commerce numérique et les nouveaux commerces de détail transforment la façon dont les citoyens chinois consomment, communiquent et socialisent. Il existe maintenant une économie numérique qui était impensable il y a quatre ans ;

• Les efforts visant à réduire la dégradation de l'environnement et à réparer les dommages progressent. Bien qu'elle soit inégale, cette tendance générale est positive ;

• Le secteur des services augmente dans l'ensemble. Mais l'absence d'une réforme plus rapide dans le secteur des services financiers risque de freiner la croissance.

Les leçons à tirer

L'économie et la croissance ne sont pas un jeu à somme nulle. Ce qui est bon pour la Chine est susceptible d'être bon pour le reste du monde. En outre, la santé économique de la Chine ne se mesure pas en trimestres ou en années, mais en décennies.

Un jour, alors que j'étais écolier, j'ai tenté de jeter le blâme pour l'une de mes fautes sur un camarade de classe. Voyant cette injustice, mon professeur de première année m'a dit : « Michael, fais attention quand tu montres quelqu'un du doigt et souviens-toi que trois doigts sont pointés vers toi-même ».

C'est une leçon qui m'a accompagné tout au long de ma vie, parfois avec succès, parfois moins. Mais c'est une leçon que les nations, les institutions mondiales, les investisseurs, les marques et les économistes doivent toujours garder à l'esprit.

Pour vos commentaires : liuwei@chinafrica.cn