L'opéra local élaboré de Kunqu, les murs blanchis à la chaux, des allées sans fin et une place où sont rassemblés les gratte-ciel et les nouvelles entreprises de haute technologie sont des caractéristiques de la ville-district de Kunshan, dans la province orientale chinoise du Jiangsu. Pour Boyd Ng'Andu, un économiste de Zambie, il est difficile d'imaginer comment cette ville est devenue la numéro un en matière de compétitivité économique globale parmi les 2 000 villes-districts de Chine. La ville était pourtant appauvrie dans les années 1980.

Au mois d'avril, Zhang Yuelin, secrétaire adjoint du Comité du Parti communiste chinois (PCC) pour la ville-district de Kunshan, a présenté sa ville à Boyd Ng'Andu et ses 44 camarades de classe, dont 26 venant de pays africains. Ces étudiants participent à un programme de maîtrise internationale en administration des affaires (IMBA) sponsorisé par le gouvernement chinois et l'Université normale de Beijing. La plupart d'entre eux ont travaillé dans divers départements gouvernementaux liés au commerce dans leurs pays respectifs avant de venir étudier en Chine.

L'objectif du programme est de partager l'expérience de la Chine dans le développement économique avec des étudiants de pays en développement.

« L'économie chinoise a montré des performances exceptionnelles au cours des quatre dernières décennies, qui peuvent être attribuées à sa politique d'ouverture », explique Hu Biliang, doyen de l'Institut des marchés émergents au sein de l'Université normale de Beijing.

« Kunshan est l'exemple parfait de l'essor économique de la Chine. Pour les personnes qui veulent comprendre le succès économique de ce pays, Kunshan est le meilleur endroit à visiter », ajoute-t-il.

Ouverte au marché

La chance ne sourit qu'aux esprits préparés. Située dans la région sud-est de la province du Jiangsu, Kunshan s'étend sur 931 km et abrite une population de 2,55 millions d'habitants. La ville jouxte Shang­hai à l'est et Suzhou à l'ouest.

Historiquement, Kunshan était une zone agricole en plaine dans la partie la plus au sud du Jiangsu. Ses produits agricoles et aquacoles généraient la majeure partie des revenus de la ville.

En 1978, le gouvernement chinois a annoncé l'adoption de la politique de réforme et d'ouverture, afin de réajuster la structure économique du pays et de promouvoir la croissance économique. Prenant avantage de cette opportunité, le gouvernement local de Kunshan a mis en place des zones industrielles et introduit de manière stratégique une politique d'ouverture pour attirer les investissements étrangers.

Ses conditions géographiques uniques et les mesures de soutien à l'investissement ont attiré un grand nombre d'investisseurs, notamment des entreprises de Taiwan.

« Le gouvernement local est toujours très organisé et efficace. Je me rappelle qu'au cours de ces premières années, tous les numéros de téléphone des officiels du gouvernement étaient disponibles aux investisseurs pour être sûrs que les problèmes étaient résolus le plus rapidement possible », explique Yang Teng-hui, qui était l'un des premiers hommes d'affaires taiwanais à implanter son activité à Kunshan. Il possède désormais six entreprises basées dans la ville.

« Au fil des années, même si les officiels gouvernementaux de Kunshan ont changé, leur concept d'un 'environnement cordial, sécurisé et rentable pour les investisseurs' n'a jamais changé », souligne-t-il.

En 2017, le PIB de la ville atteignait les 350 milliards de yuans (46,8 milliards de dollars) et le volume commercial atteignait les 82,77 milliards de dollars. En 2016, il y avait 7 700 entreprises étrangères à Kunshan et 70 100 entreprises chinoises, indique Zhang Yuelin. Surnommée localement la « mini-Taipei », Kunshan accueillait 4 855 entreprises taïwanaises à la fin 2017, avec un investissement total atteignant les 58,2 milliards de dollars.

Ouverte à l'innovation

Kunshan s'est fixé pour objectif de développer une marque « Créé à Kunshan ».

Réalisant l'importance de l'innovation autonome, le gouvernement local a décidé au début du XXI siècle de faire de la Nouvelle zone de développement industriel de haute-technologie de Kunshan (KSND) une zone nationale de haute technologie en 2010. Il a proposé diverses mesures incitatives pour augmenter les implantations d'entreprises de haute-technologie et des secteurs émergents dans la zone.

Située dans le centre-ville de Kunshan, cette zone de haute technologie est également une pionnière à l'échelle nationale dans la production d'équipements numériques et de produits biopharmaceutiques, avec un accent particulier porté sur la production de robots et de petits acides ribonucléiques interférents (pARNi).

En mars 2017, Ribo Biotech, une entreprise leader dans le développement de médicaments utilisant les pARNi implantée dans la Nouvelle zone de Kunshan, a reçu un financement par capital-risque de catégorie B s'élevant à 270 millions de yuans (42,5 millions de dollars).

L'entreprise a entamé sa recherche et développement sur la technologie des interférences ARN en 2008, dans une tentative nationale d'inhiber de façon efficace l'expression d'un gène.

« À cette époque, la compréhension des interférences ARN était plutôt vague pour beaucoup de personnes. Développer le secteur des interférences ARN dans une ville-district semblait alors peu raisonnable », explique Jin Hongjian, directeur général adjoint de l'Institut de recherche industrielle de Kunshan.

Cette tentative courageuse a reçu le soutien et les encouragements du gouvernement local, qui forma alors l'équipe de R&D la plus compétente dans ce domaine pour soutenir le développement de ce projet local en Chine.

En 2014, la première demande pour réaliser les essais cliniques du médicament QPI-1007 utilisant les pARNi contre les neuropathies optiques ischémiques antérieures non-artéritiques fut déposée par l'entreprise. Celle-ci fut approuvée en 2015 par le Bureau national de contrôle des produits alimentaires et pharmaceutiques, mais cela ne permit malheureusement pas de réaliser d'avancée fondamentale dans la recherche des médicaments utilisant les ARNi en Chine.

En moins de dix ans, Kunshan a fourni 90 % des médicaments utilisant les pARNi à l'échelle nationale. Elle a également établi la plus grande ligne de production de médicaments utilisant les ARNi en Asie, dont les normes de R&D ont atteint un niveau international.

En 2016, la Nouvelle zone de Kunshan a réalisé un PIB total de 80 milliards de yuans (12,6 milliards de dollars) et une valeur de production industrielle de 172,4 milliards de yuans (27,15 milliards de dollars). Le secteur biopharmaceutique a par ailleurs été inclus dans un projet pilote pour le pôle national d'innovation industrielle.

Trouver l'inspiration

Demosco Kamara, un officiel gouvernemental du Sierra Leone faisant partie du groupe participant au programme de MBA international, a été impressionné par ce que Kunshan est parvenue à accomplir : « Le gouvernement local possède la bonne stratégie, car il est ouvert au monde. Ses dirigeants sont forts et bien organisés, explique-t-il. Les pays africains devraient également saisir toutes les opportunités possibles pour réaliser la croissance. »

D'après Hu Biliang, cette opportunité est désormais à portée de main : « Les pays africains devraient être ouverts à l'initiative proposée par la Chine des Nouvelles Routes de la soie pour le bien de leur propre développement. Les opportunités existent pour que l'Afrique puisse sécuriser les financements chinois pour le développement de ses infrastructures, ce qui est la base pour son essor économique. »

Jusqu'à présent le développement de l'initiative des Nouvelles Routes de la soie a apporté des bénéfices tangibles à certains pays africains. Par exemple, la ligne SGR Mombasa-Nairobi au Kenya a créé 176 000 emplois directs et indirects. D'après les statistiques du gouvernement kényan, lorsque les travaux pour cette voie ferroviaire ont été achevés, les coûts de transport de fret en Afrique de l'Est ont chuté de 79 % et l'économie du Kenya a enregistré une croissance de 1,5 %.