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Les pérégrinations d'un Américain en Chine |
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Yuan Yuan · 2016-11-07 · Source: Beijing Information | |
Mots-clés: Jonathan Kos–Read; film |
Depuis un mois, l'acteur américain Jonathan Kos–Read se lève à midi pour se coucher à 6 heures du matin. Il tourne à Guiyang, chef–lieu de la province du Guizhou dans le sud–ouest de la Chine, dans un film qui sera bientôt diffusé sur internet. Dans ce film, un groupe lutte contre une invasion de sorciers diaboliques et M. Kos–Read incarne le principal sorcier. Après ce film, il va participer à un show télévisé dans la province orientale du Zhejiang. « Après, je ne sais pas ce qu'il y aura », avoue–t–il à Beijing Information.
Il a déménagé l'an passé avec sa famille – sa femme, ses deux filles et sa belle–mère – de Beijing à Oakland l'an passé et fait maintenant l'aller–retour pour travailler. « C'est un long trajet », précise–t–il.
Une lente percée en Chine
Après avoir joué le rôle type de l'étranger – soldat, homme d'affaires ou prêtre – M. Kos–Read adore le personnage qu'il incarne dans ce film internet. « J'aime être un sorcier avec des pouvoirs magiques, explique–t–il, mais je ne pourrais le faire que dans ce film. C'est le charme de cette carrière, vous pouvez vivre plusieurs vies différentes. »
Cet amateur de romans depuis l'enfance est né à Torrance (comté de Los Angeles) et s'est toujours imprégné des fictions en s'imaginant vivre comme les personnages de fiction. Il est tombé par hasard sur le métier d'acteur en recherchant l'aventure et la singularité. Etudiant à l'Université de New York, il jette son dévolu sur le chinois comme langue étrangère. C'est plutôt chic de parler chinois ! Il prend par ailleurs pour pseudonyme le nom de Cao Cao, ce personnage historique célèbre en Chine qui fut l'avant–dernier chancelier de la dynastie des Han de l'Est (25–220). « On voit toujours ce nom apparaître dans les histoires de la Chine ancienne et on l'utilise fréquemment dans les proverbes. C'est en plus facile à mémoriser. »
Sa première visite en Chine en 1997, avec peu en poches et aucune idée spécifique, a pris une tournure qu'il n'avait pas prévue, en partie par amour. Il a épousé une Chinoise originaire de Beijing peu après son arrivée. « Elle compte tant dans ma vie ! », confie–t–il. Aimant dépenser sans compter avant de se serrer la ceinture à la fin du mois, M. Kos–Read a écouté les conseils de son épouse. « Sans elle, j'aurais terminé à la rue. » Quand il a reçu son premier cachet de 150 mille yuans (plus de 22 mille dollars) en 2001, la plus grosse somme jamais touchée, sa femme l'a persuadé d'investir dans l'immobilier pour le premier versement de l'achat d'un bien. Un choix judicieux puisque depuis, le marché immobilier de Beijing a flambé.
Comme beaucoup d'étrangers en Chine à cette époque, Kos-Read a commencé par enseigner l'anglais pendant deux ans. Il rêvait cependant toujours de jouer. Plutôt que de disparaître progressivement dans un pays étranger, il est devenu plein d'enthousiasme en voyant des acteurs étrangers dans des films ou des shows télévisés en Chine. « Je pensais que j'étais meilleur qu'eux, en tant qu'acteur ou pour parler chinois, mais je ne savais pas ce qu'il fallait faire pour être comme eux. » Il a eu sa chance en lisant une annonce dans un magazine pour expatriés, qui recherchait un acteur étranger pour un film. Il a passé une audition et obtenu le rôle, le lançant dans cette carrière.
Les débuts ont été incertains. Il jouait principalement des rôles d'étrangers, notamment l'étranger qui tombe amoureux d'une Chinoise avant de se faire évincer, l'ami étranger de personnages chinois ou juste un visage occidental pour donner une couleur internationale à l'histoire. « Après un rôle, je ne savais pas quand le prochain allait venir, dit–il. Et il y avait plus d'étrangers dans ce secteur. Je me demandais toujours combien de temps je pourrais rester dans ce métier. » Devant de telles incertitudes, il a pratiqué avec plus de détermination pour ainsi gagner en confiance. « Je m'investissais à cent pour cent dans mes personnages et même si je sais qu'il y a toujours cette épée de Damoclès au–dessus de ma tête, elle n'est presque plus une menace. »
Ces efforts ont été récompensés puisqu'il est apparu dans plus d'une centaine de films et de séries, notamment certains grands succès, à tel point qu'il est devenu le « visage étranger le plus connu des écrans chinois ». L'an passé, il a joué un marchand d'antiquité dans le film « Mojin, la légende perdue », aux côtés de grandes vedettes chinoises, un film qui a recueilli 1,68 milliard de yuans (248 millions de dollars) de recettes.
Pour le plaisir
A Oakland, M. Kos–Read va souvent dans le Quartier chinois et parle en chinois avec des commerçants étonnés. Même s'il s'est établi dans cette ville avec sa famille, sa carrière reste cependant profondément enracinée en Chine. « Quand les gens me posent des questions sur mon travail, ils parlent souvent des revenus et d'autres détails, et certains soulèvent les problèmes liés au manque de potentiel pour devenir riche et célèbre comme les grandes vedettes chinoises, explique–t–il. Mais personne ne me demande si je prends du plaisir. C'est le plaisir qui m'a poussé vers ce métier et c'est pourquoi j'y suis depuis si longtemps. »
Il lui aura néanmoins fallu déployer d'intenses efforts. Vu le nombre limité de rôles pour les étrangers dans les films et séries produits en Chine, seuls cinq étrangers – trois hommes et deux femmes – peuvent réellement vivre de ce métier, selon lui. « Il y a davantage de rôles pour les hommes, car ils peuvent être des généraux, des hommes d'affaires ou des sorciers diaboliques. Pour les femmes, c'est plus limité. La plupart tombent amoureuses d'un Chinois », explique M. Kos–Read, précisant qu'il souhaiterait se voir offrir plus de rôles dans des films de science–fiction. « Même si j'étais à Los Angeles, je jouerais un acteur de genre. Maintenant, j'ai une carrière confortable et suffisamment d'argent et cela me convient. »
M. Kos-Read va bientôt jouer dans une adaptation d'un roman policier qu'il vient juste de terminer. L'intrigue se situe durant la dynastie des Song du Sud (1127–1279), un eunuque jouant le rôle de détective. « Je jouerai encore un second rôle », dit–il avec un fort accent de Beijing.