Abderrahmane Sissako en compagnie d'étudiantes (Photo : Jacques Fourrier/ Beijing Information)

Au lendemain de son ouverture, la 21e Fête de la francophonie de Chine ne pouvait pas enchanter davantage les cinéphiles en leur offrant le 11 mars une occasion unique de rencontrer le réalisateur mauritanien Abderrahmane Sissako à Beijing.  Il a présenté son film « Timbuktu » aux Archives du film de Chine aux côtés du réalisateur chinois Yang Chao avant de répondre aux questions du public.

C'est devant un public conquis par la notoriété du film et un Yang Chao admiratif qu'Abderrahmane Sissako a présenté « Timbuktu » dans l'auditorium des Archives du film de Chine dans le cadre de la Fête de la francophonie en Chine. Robert Lacombe, conseiller de coopération et d'action culturelle auprès de l'Ambassade de France en Chine, a rappelé préalablement que la francophonie était un espace de cultures, et que le film « Timbuktu », où l'on entend parler français, tamasheq, bambara, songhaï et arabe, portait en lui la richesse de cet espace francophone.

S'adressant à un public chinois composé principalement de jeunes et d'étudiants, Abderrahmane Sissako a expliqué que la francophonie, et la France en particulier, étaient « un pont entre l'Afrique et la Chine ». Il a parlé d'une tendance « irréversible » pour décrire les relations culturelles et les échanges humains entre ces deux continents.

« Timbuktu » a été unanimement salué à sa sortie en 2014, du Bayard d'Or du Meilleur film au Festival du film francophone de Namur 2014 à la cérémonie des César du cinéma 2015, avec 7 distinctions dont celles du Meilleur film et du Meilleur réalisateur, sans compter les nominations aux Oscars et autres festivals internationaux du film.

« Timbuktu » est à l'image de son réalisateur, un mélange de douceur et de détermination, qu'il oppose de manière poétique, symbolique, presque christique, à la barbarie et à l'absurdité. Au temps virgilien des Touaregs, aux plaisirs simples de la chanson, du sport et de l'expression corporelle, au surréalisme et à l'excentricité, il oppose la mécanisation, les armes, la police des consciences et des comportements des extrémistes islamiques.  « Soyez résolus de ne plus servir et vous voilà libres », écrivait la Boétie. Cette résistance est celle des plus humbles, qui ne craignent pas la mort, et elle désarçonne les extrémistes en armes au point de faire douter même les plus fanatiques. Ce doute est déjà une victoire.

Abderrahmane Sissako s'empêche néanmoins de donner une interprétation par trop spécifique à son film. « Chacun résiste à sa façon à l'occupation », explique–t–il. Aux étudiants qui effectuaient une exégèse complexe des plans et des personnages, le réalisateur leur a répondu que certaines scènes n'étaient que le fruit du hasard, de l'agencement des ombres et des lumières.

Yang Chao, récemment récompensé au Festival international du film de Berlin 2016 par le Prix de la contribution technique pour son film « Crosscurrent », une quête initiatique et mystique le long du fleuve Yangtsé, n'a pas caché son admiration pour Abderrahmane Sissako. S'il a salué la prouesse technique de son aîné, il a été touché par la beauté simple et naturelle de cette famille de Touareg qui accepte calmement le tragique de son destin.

Sans en dire davantage sur ses projets cinématographiques en Chine, Abderrahmane Sissako confie simplement à Beijing Information qu'il s'agira d' « une histoire d'amour ».

Beijing Information