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La Chine à mes yeux : la démocratie, ce n'est pas du Coca-Cola

ADRIANO MÀDARO  ·  2021-06-28  ·   Source: La Chine au présent
Mots-clés: démocratie; PCC; Chine

À mes amis qui ne sont jamais venus ici, je dis toujours qu’on ne va pas en Chine, mais qu’on y revient. J’ajoute qu’à l’égard de la Chine, il n’y a pas de demi-mesure : soit vous l’aimez, soit vous la détestez. Feignez l’indifférence à vos risques et périls : ce qui fut jadis l’Empire du Milieu éveille chez chacun de puissantes émotions : pour ma part, ce sont des sentiments d’amitié et de compréhension, mais le plus souvent d’admiration. 

Dans mon enfance, je me représentais la Chine comme un « pays des merveilles ». Le Livre des Merveilles (ou en italien, Il Milione) est d’ailleurs le titre du célèbre livre de Marco Polo. À l’école primaire, je me sentais inexplicablement attiré par la grande carte du monde accrochée au mur de la classe et je m’imaginais des pérégrinations exotiques vers cette vaste étendue jaune au nom si court mais évocateur : la Chine.

Difficile pour moi d’expliquer cette fascination que j’avais, étant enfant, pour le légendaire Empire céleste. Mais outre l’influence des contes de Marco Polo, mes parents m’ont offert à mes cinq ans un petit livre illustré, qui sans nul doute a joué un rôle non négligeable là-dedans. Il racontait les aventures d’un jeune garçon curieux, qui après avoir traversé les déserts d’Arabie et les jungles de l’Inde, arrivait enfin dans l’Empire du dragon, où il était chaleureusement accueilli par une jeune fille. Les premiers propos qu’ils échangeaient sont encore gravés dans ma mémoire : « Belle demoiselle, puis-je vous demander quel est ce pays ? » / « Vous êtes arrivé en Chine, et vous pouvez y rester si vous le voulez. » / « Merci, belle demoiselle chinoise ! Je resterai volontiers. »

Dès lors, la Chine, son peuple, son histoire et sa civilisation sont devenus une partie de ma vie (d’écolier, d’étudiant et de chercheur universitaire) et ils le sont restés au fil des années. Certains considèreront mes aventures comme extraordinaires, mais à mon sens, elles étaient prédestinées, presque le fait d’une vocation.

C’est pourquoi à l’université, j’ai choisi comme sujet de thèse « La Chine et son rôle dans le monde ». J’ai dû examiner les événements historiques qui ont eu lieu aux XIXe et XXe siècles pour déterminer pourquoi et comment s’était produite la scission sans équivoque et douloureuse entre la Chine et l’Occident. Au travers de mes études et recherches, j’ai tâché de comprendre les tenants et les aboutissants de ce bouleversement géopolitique, notamment les raisons qui l’ont motivé.

La Chine a souffert de la guerre, des invasions, des pertes territoriales, du pillage économique, de l’esclavage à l’opium alimenté par le trafic des marchands britanniques, des atrocités perpétrées par les envahisseurs japonais et de l’exploitation incessante de sa population. Mais que savait l’Occident des crimes qu’il avait commis contre la Chine ?

Ce fut mon lot de grandir et de vivre au cours de cette interminable période d’après-guerre, dénommée le « court XXe siècle » (soit la seconde moitié du XXe siècle), telle que décrite par la grande machine médiatique américaine. La propagande de l’OTAN (l’Alliance atlantique), dans sa volonté de diviser le monde en deux blocs, diabolisait la moitié du globe. Je ne pouvais donc me fier ni aux livres ni aux journaux pour obtenir des informations exactes. Afin d’éviter de tomber dans le piège des reportages biaisés, j’avais besoin, en tant que journaliste, d’aller au-delà d’un tel sensationnalisme et de découvrir la Chine de mes propres yeux.

C’est ainsi qu’en 1976, j’ai obtenu un visa et je suis parti en direction de la Chine. Ce fut le premier de mes 216 voyages là-bas. Quarante-cinq années se sont écoulées depuis et autant dire qu’avec tout ce que j’ai vu sur place, je suis un témoin fiable des événements qui y ont eu cours, en particulier de l’extraordinaire transformation qu’a connue ce grand pays, la République populaire de Chine. J’ai fini par consigner mes expériences dans un livre intitulé Capire la Cina (« Comprendre la Chine »), publié par la maison d’édition Giunti à Florence. J’espère sincèrement que cet ouvrage pourra bel et bien aider les lecteurs occidentaux à comprendre le pays, et apportera des réponses honnêtes à leurs doutes et craintes.

Mais parallèlement, après un temps de répit au moment des réformes, du fleurissement des joint-ventures et de l’ouverture pour accéder à l’économie de marché (le tout dans l’intérêt mondial commun), l’hostilité à l’encontre de la Chine en Occident, et plus particulièrement aux États-Unis, s’est à nouveau intensifiée. Cela est intervenu pile au moment où la Chine signait sa victoire décisive contre la pauvreté absolue, en l’éradiquant dix ans avant les prévisions de l’ONU. Une performance que les États-Unis ne peuvent égaler…

 Dans le sillage de ses réformes, la Chine remet désormais en cause la suprématie économique des États-Unis. Nul ne peut nier la réussite actuelle de la Chine, et ce malgré la crise qui a résulté de la pandémie de COVID-19. L’initiative « la Ceinture et la Route » formulée par le président chinois Xi Jinping en fournit une preuve suffisante. En cette année qui marque le centenaire de la fondation du Parti communiste chinois (PCC), le pays a de bonnes raisons de se sentir fier. Je suis d’avis qu’aujourd’hui, plus que jamais dans l’histoire de la Chine moderne, il existe un rapport profond entre le peuple et la politique.

Seul un parti qui a pris tout un peuple dans ses bras et démontré qu’il peut le conduire au salut national, au progrès et à la prospérité détient le droit légitime d’exercer le pouvoir. C’est ce qui s’est passé en Chine, un pays en constante évolution. Le Parti communiste chinois, face à l’adversité et aux douloureux bouleversements qu’il a dû braver, n’a jamais perdu de vue sa mission, à savoir : rechercher le bonheur du peuple chinois et faire advenir le renouveau de la nation chinoise.

J’ai été un témoin direct des événements qui ont eu lieu en Chine. Au temps de mon premier séjour dans ce pays, le président Mao était encore en vie, mais l’on pouvait sentir à bien des égards qu’un immense changement se préparait. En 1978, Deng Xiaoping a lancé la politique de la réforme et de l’ouverture du pays. Le PCC s’est engagé dans un défi qu’aucun autre pays n’avait jamais relevé, ni même peut-être imaginé.

Je me suis toujours dit que pour entreprendre un changement d’une telle ampleur tout en restant fidèle aux principes fondamentaux, il faudrait des chefs de parti de taille à surmonter les enjeux primordiaux pour le peuple chinois. Cependant, des jours glorieux de la Longue Marche (1934-1936) jusqu’à aujourd’hui, la direction politique a invariablement maintenu son cap. La nouvelle « longue marche », entre 1978 à 2021, a par ailleurs conduit la Chine au seuil de devenir la plus grande puissance économique mondiale.

Malheureusement, le COVID-19 a mis sur pause les échanges culturels entre la Chine et l’Italie, et a donc entraîné le report des projets sur lesquels je travaille avec des amis dans les principaux musées chinois. Après avoir monté une série d’expositions archéologiques en Italie entre 2005 et 2015, nous en avons organisé davantage en Chine, et nous espérons reprendre nos activités d’échange sans tarder. J’ai profité de ces 15 mois de chômage forcé par le COVID-19 pour me consacrer à l’écriture d’un bouquin de 700 pages sur Beijing, un projet que j’avais débuté il y a pas mal d’années.

Bien que je ne puisse me rendre en Chine en ce moment, ce pays occupe toujours une place majeure dans mon train-train quotidien. Grâce aux télécommunications modernes, je suis en contact permanent avec mes amis à Beijing, à l’heure où nous finalisons les programmes pour nos projets culturels à l’ère post-COVID-19. Nous envisageons l’avenir avec confiance, dans l’espoir que la pandémie recule et que les gens puissent voyager de nouveau en toute sécurité.

Je suis de près, avec une inquiétude croissante, les répercussions négatives qui résultent des brimades que les États-Unis infligent à la Chine. Les tensions autour de Hong Kong, du Xinjiang, de Taïwan et de la mer de Chine méridionale ont été exacerbées par les contre-vérités inventées dans l’optique de provoquer une nouvelle guerre froide. La décolonisation et la rétrocession de Hong Kong, l’éradication du terrorisme piloté par les fondamentalistes islamiques au Xinjiang et la question de Taïwan sont autant de problèmes internes à la Chine dont les entités étrangères ne devraient pas se mêler.

Nous observons aujourd’hui ce qui semble être la suite des faits amorcés en 1839 : l’attaque contre la Chine qui avait déclenché la première guerre de l’opium, puis s’était poursuivie pendant plus d’un siècle avec le pillage, la colonisation et l’appauvrissement du pays. Il est temps à présent de respecter les aspirations de la Chine à vivre en pays libre et uni, à la fois florissant, moderne et apte à s’appuyer sur son expérience historique pour promouvoir la paix et la prospérité dans le monde.

Mais à l’inverse, l’Occident menace la Chine et exerce des pressions à son encontre en revenant avec insistance (pour ne pas dire avec hypocrisie) sur la question des droits de l’homme et de la démocratie. La Chine est un pays socialiste qui s’est forgé à la suite d’une grande révolution historique. Après avoir surmonté les contradictions, les erreurs et les souffrances du passé, le pays a trouvé sa Voie (ou Tao), en puisant dans son expérience, ses traditions anciennes et sa philosophie. Le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi l’a parfaitement résumé lorsqu’il a déclaré en avril dernier : « La démocratie, ce n’est pas du Coca-Cola, qui promet le même goût dans le monde entier. Notre démocratie a une saveur chinoise. »

*ADRIANO MÀDARO est un écrivain, journaliste et fameux sinologue italien. Il a publié plus de 30 ouvrages sur la Chine moderne.

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