Le feu d'artifice de Disneyland est un spectacle fabuleux mais il n'est rien comparé au spectacle aérien qui prenait vie spontanément dans la banlieue de Beijing le jour du Nouvel An chinois. Simple souvenir à présent, ce rituel de la Fête du printemps était pour les Chinois, inventeurs du pétard et du feu d'artifice, un héritage issu de la mythologie. En effet, Nian était un monstre qui terrorisait les villageois et ne pouvait être repoussé que par un grand vacarme et des fusées éblouissantes. Dès lors, comment célébrer ce Nouvel An, aussi désigné Guo Nian (chasser Nian) en chinois, sans éclat étourdissant ni flamme rayonnante?

Le rituel s’est perpétué chaque année dans les villes et les villages, en dépit des blessures parfois occasionnées. A Beijing, les médecines et les pompiers de toute la ville restaient en alerte nuits et jours durant la période festive. Mais finalement, la majorité des résidents ont convenu que les feux d'artifice constituaient un danger public. En 1993, le gouvernement municipal les a finalement interdits à l'intérieur du cinquième périphérique.

Pourtant, les feux d'artifice ont continué à se vendre à vive allure dans la capitale. Après le somptueux dîner du réveillon, de nombreux Pékinois avaient pour habitude de conduire à l'extérieur du cinquième périphérique pour y lancer leurs feux. Ceux-ci se présentaient dans des emballages aux couleurs vives portant des noms glorieux tels que « Hall plein d'or et de jade » ou « Voici la prospérité ». Les habitants des alentours se joignaient à eux avec leur propre arsenal festif. Au moment fatidique, des milliers de feux étaient tirés en parfaite synchronisation, chahutant tels des dragons crachant du feu.

En 2005, suite à l’insistance du public pour la préservation de cette tradition, les législateurs ont donné leur feu vert au retour des feux d'artifice au centre-ville. Dès lors, ils ont pu à nouveau être lancés dans toute la ville, à l'exception de quelques zones interdites.

Il était littéralement possible de tirer des feux depuis son appartement. C’était une expérience particulière. Un collègue britannique venu à Beijing quelques jours seulement avant le festival a eu du mal à dormir sept jours d’affilé. Les détonations nocturnes lui donnaient l'impression de vivre dans une zone de guerre.

Cette situation s'est poursuivie pendant plusieurs années. Mais à partir de 2011, sensibilisés à la protection de l'environnement et inquiets de la pollution de l'air notamment par les PM2,5, les Pékinois ont pris les feux d’artifice en grippe. Il en a résulté une baisse constante des ventes, poussant des milliers d'usines à travers le pays à mettre la clé sous la porte.

L'année 2017 a vu un résultat décisif dans la bataille qui oppose les jolis effets visuels à la recherche d’un ciel bleu. Après 12 ans d'autorisation dans les centres-villes, les feux d'artifice ont de nouveau été exilés au-delà du cinquième périphérique.

Difficiles à trouver en magasin et nécessitant un endroit adéquat pour être actionnés, les feux d'artifice ont perdu de leur attrait. Leur disparition de la vie festive pékinoise est le reflet de ce qui s'est passé dans tout le pays. Les changements rapides du pays conduisent à une amélioration du niveau de vie et une modification des traditions, ce qui a provoqué une adaptation de la législation.

La Fête du Printemps 2019 s'est terminée sur une note de paix et de sérénité. Les feux d'artifice ont cessé d'être une partie essentielle de la célébration et sont devenus un souvenir qui s'estompe au profit de rues plus sûres, d'hôpitaux moins en émoi, d'un air plus pur et de nuits paisibles.