Le 27 janvier 2019 marque le 55e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la France. Des relations entre les deux pays qui revêtent des caractéristiques et une importance particulières.

Un choix historique

L’établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la France en janvier 1964 n’est pas le fruit du hasard. Dans les années 1960, le face-à-face entre les Etats-Unis et l’Union soviétique, les deux superpuissances de l’époque, sclérosait les relations internationales alors que l’époque appelait les pays à recouvrer leur souveraineté et entamer des réformes. La Chine et la France firent office de précurseurs en affichant la volonté et la détermination la plus forte en termes de redressement national et de réforme politique.

Sous l’égide du président Mao Zedong, la Chine mena une politique extérieure indépendante, cherchant à établir des relations amicales avec d’autres pays sur la base du respect mutuel. En France, le général de Gaulle, premier président de la Ve République, prit également des initiatives qui bouleversèrent l’ordre hégémonique américain.

Malgré la distance, la Chine et la France commencèrent à se rapprocher avec sagesse et courage. Le général de Gaulle justifia son geste par « le poids de l’évidence et de la raison », soulignant que la Chine était un pays indépendant et souverain que l’on ne pouvait plus ignorer. Il fit même cette prédiction : « Certains gouvernements dans l’expectative imiteront la France tôt ou tard ». Quant au président Mao Zedong, il souligna deux points communs fondamentaux : « premièrement, nous ne permettons à aucun grand pays de venir nous importuner ou nous contrarier au plus haut point ; deuxièmement, nos deux pays doivent renforcer les échanges économiques et culturels. »

L’établissement de leurs liens officiels rompit effectivement le bipolarisme américano-soviétique et accrut l’influence de la Chine et de la France sur la scène internationale.

Des bénéfices et des contributions

Les relations sino-françaises peuvent s’enorgueillir de plusieurs « premières » et jouent le rôle de modèle dans les relations entre la Chine et l’Europe, et entre la Chine et les pays occidentaux. A titre d’exemple, la France fut le premier grand pays occidental à avoir établi des relations diplomatiques au niveau d'ambassadeur avec la Chine nouvelle, et les deux pays furent les premiers à établir un partenariat stratégique global ainsi qu’un dialogue stratégique. Ils sont aussi les premiers pays à avoir organisé les événements culturels des « années croisées ».

Les successeurs du général de Gaulle, Valéry Giscard d’Estaing, François Mitterrand et Jacques Chirac, attachèrent aussi une grande importance aux relations avec la Chine.

Sur la scène internationale, la Chine et la France prônent un monde multipolaire, soutiennent le multilatéralisme et la démocratisation des relations internationales. L’ancien président Valéry Giscard d’Estaing avait déclaré: « Les choses communes (entre la Chine et la France) sont fondamentales. Dans de nombreuses circonstances, les deux pays ont des réponses similaires et parviennent à des conclusions similaires par des approches différentes. »

Les deux pays sont membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies et leur coopération a largement contribué au développement de la situation internationale. Par exemple, après la guerre froide, les Etats-Unis, seule superpuissance, agirent de manière hégémonique. Ils passèrent outre à l’autorité des Nations Unies et aux normes des relations internationales et envahirent arbitrairement l’Irak en 2003. La France et l’Allemagne montèrent au créneau et s’y opposèrent résolument, recevant le soutien de la Chine et limitant fermement et de manière conjointe l’unilatéralisme belliqueux américain.

L’ancien président Jacques Chirac a maintenu la confiance mutuelle née de l’établissement des relations diplomatiques avec la Chine et l’a même renforcée dans le cadre de la nouvelle situation internationale. Il fit une évaluation positive du développement de la Chine et estima que ses perspectives étaient illimitées. Il pensait aussi que la France devrait conserver son statut de grande puissance à travers la coopération avec la Chine.

M. Chirac persuada ainsi les pays membres de l’Union européenne (UE) de ne pas présenter la proposition antichinoise à la Commission des droits de l’homme des Nations unies. Il préconisa également d’inclure la Chine dans le G7, qui se composait des pays développés. Malgré le blocus américain sur les ventes d’armes à la Chine et l’intransigeance de certains alliés de l’UE, la France plaida en faveur de la levée de l’embargo. M. Chirac espérait éliminer la discrimination à l’encontre de la Chine et supprimer tous les obstacles à la coopération Chine-UE.

Des changements et des défis

Ces dernières années, la Chine a réalisé des progrès considérables en matière de réforme et de développement. Son image et son influence internationales, en particulier son rôle pionnier sur la scène internationale, sont devenus plus importants. L’inquiétude de l’Europe à l’égard des progrès de la Chine a néanmoins atteint un paroxysme, le bloc considérant de plus en plus la montée de la Chine comme une menace et un défi.

Bien que l’actuel président français Emmanuel Macron ait maintenu une bonne communication avec la Chine après son arrivée au pouvoir en 2017, il est toutefois loin d’avoir la même connaissance des intérêts stratégiques communs de la France et de la Chine que ses prédécesseurs. De plus, en tant qu’initiateur du redressement européen, M. Macron se concentre sur la « protection » de la diplomatie européenne. Il veut protéger les valeurs et les intérêts de l’Europe, y compris ceux de la France, mais prend à tort la Chine pour cible. Tout en se prétendant défenseur du multilatéralisme, M. Macron critique le soutien de la Chine au multilatéralisme.

Malgré les hauts et les bas, les relations sino-françaises vont néanmoins perdurer. La ferme attitude de M. Macron à l’égard de l’unilatéralisme américain permettra de parler un langage commun et fournira des bases favorables pour le développement des relations bilatérales.

L’auteur est chercheur à l’Institut de recherche sur les études internationales de Chine.