La lutte contre la dépendance au monde virtuel chez les adolescents demande des efforts conjoints du gouvernement, des parents et de la société. 

À la veille du gaokao (concours national d’entrée à l’université) de cette année, une lettre ouverte publiée sur le site Weibo a suscité de vives discussions sur l’addiction aux jeux vidéo chez les adolescents. Dans cette lettre, une mère raconte comment cette dépendance a conduit son fils à l’échec au gaokao. Cet élève brillant est devenu de plus en plus maussade au point de lui devenir étranger. Cette mère espère que d’autres enfants pourront en tirer des leçons et que le gouvernement prendra des mesures pour lutter contre cette dépendance. 

La lettre de cette mère a été applaudie par de nombreux parents car il s’agit d’un problème bien réel. Avec le développement technologique croissant et l’influence d’Internet, de plus en plus d’adolescents ont accès aux jeux en ligne. 

Le 31 janvier 2018, le Centre d’information sur le réseau Internet de la Chine (CNNIC) a publié un rapport sur le développement de l’Internet en Chine, qui précise que le nombre d’internautes chinois a atteint 772 millions à la fin de 2017, et parmi eux, 177 millions ont moins de 19 ans, soit 22,9 % du total. L’âge du premier accès à Internet est passé de 15 à 10 ans. 

Si l’Internet est un outil de communication, de savoir et de partage d’informations, il présente également des dangers. Les jeunes sont les plus exposés, notamment avec la cybercriminalité, les contenus violents et la dépendance. 

L’initiative des entreprises d’Internet 

King of Glory est un jeu sur smartphone très populaire créé par le géant chinois de la technologie Tencent. Lancé en novembre 2015, il réunit plus de 200 millions de joueurs inscrits, dont plus de la moitié sont des adolescents. 

« Un jeune Chinois est récemment décédé après avoir passé de nombreuses nuits blanches à jouer à King of Glory. » Depuis son lancement, le jeu fait régulièrement des titres comme celui-là. Le jeu a été directement mis en cause dans un certain nombre d’incidents graves, y compris le suicide d’un garçon de 13 ans, mais aussi pour des accidents vasculaires cérébraux mortels et la perte de la vue. 

A partir de juillet 2017, Tencent a pris des mesures technologiques pour répondre aux préoccupations liées aux impacts négatifs de la popularité explosive de King of Glory chez les adolescents, dont beaucoup sont déjà accros. Les mineurs de plus de 12 ans sont autorisés à y jouer deux heures par jour, ceux de moins de 12 ans qu’une heure par jour. Toute tentative de dépassement mène à la clôture de leur compte. 

A partir de février 2017, Tencent a lancé un site de surveillance qui inclut plus de 30 jeux. Les parents peuvent superviser les jeux de leurs enfants, et disposent du droit de couper leur connexion via l’inscription à ce site. 

« L’initiative de Tencent est très courageuse », explique Sun Hongyan, du Centre de recherche sur les adolescents de Chine. « Si les parents renforcent la communication avec leurs enfants et les écoutent, ce sera utile pour prévenir la dépendance à Internet. » 

« Le site de surveillance lancé par Tencent peut développer la capacité de maîtrise du temps chez les enfants », remarque He Junxian, fondateur de Zaowutang, une entreprise spécialisée dans l’éducation des enfants. « Les enfants aiment jouer et certains jeux sont propices à l’acquisition des connaissances. Les parents peuvent même jouer avec eux, mais il leur faut discuter pour restreindre le temps destiné aux jeux vidéo. »  

En 2017, le site de surveillance, avec plus de 4 millions d’utilisateurs, a publié au total 47 versions et reçu de nombreuses propositions venant de la société et des parents.  

« Par rapport aux parents et au gouvernement, les entreprises de l’Internet possèdent des avantages technologiques et informatiques et peuvent jouer un rôle majeur dans la protection des mineurs face à la dépendance à Internet », souligne Zhang Jiaji, membre du Comité national de la Conférence consultative politique du peuple chinois (CCPPC) et vice-président du Comité provincial du Guangdong de la CCPPC. 

Le site de surveillance lancé par Tencent donne l’exemple à d’autres entreprises. En 2018, de nombreux sites populaires de live-streaming tels que Kuaishou ont lancé un tel mode de surveillance pour intensifier la régulation des contenus et suspendre certaines fonctions aux mineurs. 

Le « Règlement sur la protection des mineurs sur Internet » 

Le 6 janvier 2017, le Bureau des affaires juridiques du Conseil des affaires d’État de Chine a publié l’ébauche du « Règlement sur la protection des mineurs sur Internet » pour recueillir des avis. Le 11 mai 2018, un colloque a été organisé à Beijing par le XIIIe Comité national de la CCPPC pour discuter de l’élaboration de ce règlement, et 17 participants - membres du Comité national de la CCPPC, experts et entrepreneurs - ont donné leur conseil. 

Shen Deyong, membre du Comité national permanent de la CCPPC et président de la Commission sociale et juridique du Comité national de la CCPPC, a expliqué que de nombreux adolescents étant dépendants à Internet, il est par conséquent nécessaire que l’État élabore un règlement pour lutter contre ce phénomène. 

« La censure du contenu est le point fort du règlement », précise Wang Feng, membre du Comité national de la CCPPC et directeur du Département pour la protection des droits et intérêts des jeunes de la Ligue de la jeunesse communiste de Chine. « On a défini dans le règlement les contenus qui ne doivent pas être diffusés aux mineurs en conformité au Code pénal et à la Loi sur la cybersécurité. » 

Les parents et l’école doivent également jouer un rôle dans la protection des mineurs sur Internet. « Actuellement, les parents rencontrent certaines difficultés face à la dépendance de leurs enfants à Internet, et certains parents manquent par exemple d’expérience et n’arrivent pas à trouver de moyens », note Jiang Liping, membre du Comité national de la CCPPC. « Il leur faut apprendre à mieux connaître Internet et trouver une méthode pour lutter contre la dépendance au monde virtuel chez les mineurs. » 

« L’école doit travailler avec le bureau de la sécurité publique, le bureau de l’information d’Internet et d’autres services concernés pour protéger des mineurs face à la dépendance à Internet », ajoute Li Youyi, proviseur du lycée numéro 12 de Beijing.