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Des humanoïdes pour les enfants autistes |
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· 2015-11-27 · Source: | |
Mots-clés: humanoïdes;enfants autistes;Chine |
Liu Xiao est une femme différente des jeunes de sa génération : à 25 ans, elle est de retour de l'étranger et appartient à cette culture « maker ». Elle a fait appel au financement participatif pour initier des projets relatifs aux robots.
Après quatre années d'études à l'Université des langues étrangères de Beijing, elle a passé un Master en gestion d'entreprise à l'Ecole supérieure de commerce de Nantes en France. Elle y a rencontré Xie Bin et Lu Qing, avec qui elle décida de s'associer une fois rentrés en Chine. A 33 ans, Xie Bin est un ingénieur télécoms passionné par la robotique. Il a vécu 14 ans en France. Lu Qing, 30 ans, a été ingénieur chez ZTE. Il a obtenu sa maîtrise en Grande-Bretagne, mais il a déposé deux brevets d'invention lorsqu'il faisait ses études universitaires.
En novembre 2014, accompagnée par Xie Bin, Liu Xiao a visité le siège social de la société française Aldebaran Robotics. Ce fut son premier contact avec le robot humanoïde NAO. Elle y vit un objet attachant, proche des gens, loin de la froideur qu'on leur associe généralement. NAO est un des robots humanoïdes autonomes et programmables les plus avancés. Il est capable de reconnaître les visages et d'interagir avec les humains. Plus de 7 000 robots NAO sont répartis dans plus de 1 000 universités et laboratoires de plus de 40 pays.
Au cours de la visite, Liu Xiao et Xie Bin ont appris que NAO avait des effets bénéfiques sur le traitement des enfants autistes. Plus d'une vingtaine de centres de traitement pour les enfants autistes l'utilisent et des cas de réussite ont été enregistrés. « Nous avons décidé d'apporter NAO en Chine, de monter un logiciel développé par notre équipe pour offrir de nouvelles possibilités de traitements aux enfants autistes chinois. Nous savions que cela allait être difficile, mais nous souhaitions que le robot ne soit plus une coquille froide, mais quelque chose de chaleureux », explique Liu Xiao.
Vers plus de chaleur humaine
Cette visite a complètement changé la trajectoire professionnelle de Liu Xiao, qui se destinait à travailler dans une grande multinationale comme les autres jeunes diplômés de sa promotion.
En décembre 2014, elle a créé avec ses partenaires le quatrième espace « maker » de Shenzhen, la société Open Source Maker Space, et leur premier projet, appelé « Âme du robot » vise spécifiquement le traitement des enfants autistes avec NAO afin qu'ils puissent rapidement réintégrer la société.
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) définit les troubles du spectre autistique comme des troubles affectant la personne dans la communication et les interactions sociales, avec des comportements répétitifs et stéréotypés. De tels handicaps peuvent durer toute la vie et il a été récemment prouvé qu'une intervention précoce pouvait changer la donne. L'OMS a d'ailleurs fait du 2 avril la « Journée mondiale de l'autisme » afin de sensibiliser à ces troubles qui touchent 62 personnes sur 10 mille dans le monde. L'incidence sur les enfants est élevée, avec un enfant sur 160.
Pour Liu Xiao, ce qui rend son projet d'innovation différent, c'est qu'il combine technologie et intérêt public. Après six mois de recherches, de consultations, de percées technologiques et de conceptions, cette équipe a développé une plateforme d'application intelligente sur NAO adaptée pour enseigner la réhabilitation des enfants autistes, que ce soit sur un mode individuel ou en groupe.
En pratique, cette plateforme intelligente est télécommandée et préprogrammée. NAO recueille la voix des parents ou des médecins et donne des instructions orales qui procurent un effet sécurisant, afin d'y inclure une partie de la thérapie dite de l'« analyse du comportement appliquée », qui fait actuellement autorité et est la plus efficace, et qui permet aux médecins et au robot de progresser ensemble. La société a également développé le jeu interactif « Apprends avec moi » qui donne l'occasion au patient d'avoir une interaction humaine avec NAO et d'améliorer ainsi sa capacité d'interaction sociale.
« Notre point de départ, c'est de s'adresser à un groupe vulnérable, d'aider les patients atteints d'autisme grâce à un robot humanoïde. Si on regarde actuellement, quand les enfants sont en contact avec le robot, les réactions sont très positives », se réjouit Liu Xiao.
L'équipe du projet « Âme du robot » a mené des recherches au Centre d'intervention pour enfants spéciaux Golden Years. Créée en mars 2004, c'est une des premières structures privées pour enfants autistes de Shenzhen. « Les enfants se sont montrés très curieux à l'égard du robot, cela peut susciter une interaction active », explique Wang Jing, une assistance sociale de ce centre.
Au bout de quelques visites, les enfants ont appris à connaître Liu Xiao. « Parmi eux, il y avait un enfant de quatre ans, Feifei, qui venait directement s'asseoir sur moi. Un enfant de sept ans venait aussi m'embrasser en disant "robot". Même s'il ne le prononçait pas clairement, j'étais très émue », dit Liu Xiao.
Au bout de près d'un an de travail, Liu Xiao et Xie Bin ont constaté que le plus difficile serait de valider les effets de ce programme, avec la combinaison des technologies d'intelligence artificielle, des théories cliniques et des effets concrets. Par exemple, les médecins veulent que le robot interagisse individuellement avec le patient, ce que la technologie permet, mais durant les essais, il y a eu un élément incontrôlable : les interactions peuvent en effet être facilement interrompues par le patient (s'il renverse le robot ou s'en sert comme d'un jouet) et le traitement ne peut continuer. Il faut donc résoudre ce type de cas. « Nous devons donc passer davantage de temps à valider les effets du traitement. Dans ce processus, les techniques que nous avons accumulées pourrons nous servir », affirme Xie Bin.
Lu Qing, un autre membre important de cette équipe, estime que le projet « Âme du robot » a permis d'accroître les connaissances sur l'autisme. « Actuellement, on ne compte pas plus de 3 000 formateurs spécialisés dans la réhabilitation des autistes en Chine. Les humanoïdes pourront pallier à cette situation. Nous faisons quelque chose d'extrêmement significatif, et souhaitons que davantage de personnes s'intéressent aux enfants autistes », explique-t-il.
En mars 2015, la société Open Source Maker est devenue le représentant officiel d'Aldebaran Robotics à Shenzhen. Le 8 novembre 2015 a été le dernier jour du projet « Âme du robot » sur la plateforme de financement participatif Maker Planet. En deux mois, ce programme aura récolté 135 mille yuans, dépassant l'objectif de 120 mille yuans. L'équipe s'est engagée à affecter les fonds dans la création et le perfectionnement d'une plateforme intelligente.
Leur tâche principale au cours de l'année sera justement d'établir une plateforme pratique sans seuil technologique qui convienne aux médecins et aux parents des enfants autistes, pour que ces enfants et le robot puissent interagir de manière basique. Il leur faudra aussi approfondir leurs connaissances sur l'autisme à travers la consultation des experts et élaborer un guide d'utilisation. A partir de janvier 2016, l'équipe va coopérer avec des établissements de traitement pour autistes, communiquer avec les parents des patients et sélectionner cinq enfants autistes pour concevoir des contenus différents adaptés.
« Beaucoup de gens connaissent maintenant ce programme. Des familles qui ont un enfant autiste me contactent directement. Ce programme a aussi obtenu le soutien et les encouragements des départements gouvernementaux concernés. Les résultats que nous avons actuellement obtenus dépassent nos prévisions », jubile Liu Xiao.
Une nouvelle génération de « makers »
Liu Xiao ne regrette pas d'avoir choisi la voie de la création d'entreprise. « Je m'inquiétais, car je me demandais si ce choix allait influencer mon développement futur. Si j'échoue dans la création d'entreprise et que je reviens sur le marché du travail, est-ce que ce sera difficile ? », se demande-t-elle. « M. Hu Jianxin, directeur du développement durable de la société de promotion immobilière Merchants Real Estate a dissipé tous ses doutes. Il m'a dit que la ville de Shenzhen avait un degré d'inclusion très élevé et considérait les capacités, pas vraiment l'arrière-plan des gens. De plus, certaines personnes mûrissent encore plus vite en créant leur entreprise ».
L'Académie des sciences sociales de Chine a promulgué en mai 2015 un nouveau livre blanc sur la compétitivité des villes chinoises qui montre que Shenzhen a dépassé Hongkong pour devenir la ville la plus compétitive du pays. Shenzhen se situe non seulement en tête en termes de PIB, mais possède aussi un avantage significatif par rapport aux autres villes en termes de flux d'information, de capitaux et de marchandises. Shenzhen attire donc de nombreux jeunes, notamment les innovateurs. La moyenne d'âge de la population de la ville était de 34 ans en 2014, la plus basse de toutes les villes de première ligne de Chine. « Si je suis revenue en Chine pour créer mon entreprise, c'est que l'environnement est meilleur qu'à l'étranger », confie Xie Bin. « Shenzhen est l'endroit idéal, il y a les gens talentueux, des politiques favorables et un soutien financier ».
Liu Xiao estime qu'internet promeut grandement les flux et l'allocation des ressources pour donner à la ville un espace et un potentiel énormes. Les investisseurs permettent aux projets de prendre un essor plus rapide. « Nous sommes dans l'ère la plus propice à la création d'entreprise. Le premier ministre Li Keqiang a lancé une vague de créations d'entreprises avec le slogan « Une foule de créations d'entreprises, une multitude d'innovateurs », ce qui nous rassure en cette période de ralentissement économique ».
Des mesures de simplification administrative et de soutien financier notamment ont été mises en place. En 2015, le Conseil des affaires d'Etat de Chine a par ailleurs créé un fonds pour la création d'entreprise de 40 milliards de yuans. Pour Liu Xiao, il existe cependant des lacunes dans l'environnement et l'atmosphère de la création d'entreprise à Shenzhen, notamment une certaine volatilité, et les efforts en termes d'initiative manquent de planification à long terme au niveau de l'exploitation commerciale. « Je pense que les autorités, en nous fournissant les emplacements et les ressources financières, devraient aussi mener des enquêtes sur des périodes fixes concernant les programmes des entreprises. L'idéal serait qu'au niveau de l'environnement du marché et des politiques nationales, elles fournissent certaines informations et des services d'assistance pour faciliter dans les meilleures conditions l'activité des entreprises. Tout comme il vaut mieux apprendre à quelqu'un à pêcher que de lui donner un poisson, mon expérience me nourrira toute ma vie pour me développer davantage », conclut Liu Xiao.
Beijing Information