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Publié le 22/09/2014
Une évocation de Hangzhou à travers les âges

Liu Ruisheng

A chaque fois que le nom de Hangzhou est évoqué, me revient en mémoire un poème de Bai Juyi (772-846), le célèbre barde de la dynastie Tang.

Hangzhou, cette constante évocation du Jiangnan.

Parcourir le temple de la Réclusion de l'âme,

Et admirer les oliviers odorants dans la lune.

Sur un coussin se détendre au pavillon Jun,

Du Qiantang voir la marée d'équinoxe surgir,

Comment ne pas vouloir sans cesse y revenir ?

L'osmanthe est l'emblème végétal de Hangzhou. Il y eut un temps où je m'asseyais avec des amis sous les oliviers odorants de la Société des Sceaux de Xiling pour m'imprégner de l'atmosphère de l'art de la sigillographie traditionnelle chinoise tout en goûtant l'arôme léger d'un thé longjing alors que le soleil se couchait sur le lac Xihu. Parfois, les osmanthes semblaient tomber des cieux, ajoutant de la saveur à nos conversations.

Combien de fois ai-je visité Hangzhou, je ne sais plus vraiment, mais c'est ainsi que je décris son attrait dans mon recueil intitulé « Voyages amoureux par monts et par vaux ». Quand les osmanthes fleurissaient, quand leur parfum emplissait l'air, je m'installais à l'hôtel Dahua au bord du lac, entouré d'oliviers odorants. Je regardais des vieillards sans âge et des enfants insouciants accroupis au bord du lac, passant une main sur l'eau, chacun animés de sentiments particuliers et goûtant du paysage comme d'un met raffiné. Les osmanthes tombaient sur la surface du lac pour s'unir avec ses remous, laissant leur parfum et leur grâce se déployer.

Portrait de Xu Xiake

Il y a quelques années, je suivais les traces de l'illustre Xu Xiake à Hangzhou, qui m'emmenèrent au nord du lac Xihu, sur les monts Baoshi. Dans son journal, il raconte qu'à leur sommet, on peut y voir un amoncellement de pierres parmi lesquelles se trouve une météorite très connue. Le versant ouest est hérissé de pics saillants, et quand on regarde vers le sud, on peut voir la clarté du lac et l'ombre du fleuve ; vers le nord, les monts Gaoting et Deqing ; vers l'est, on a une vue panoramique des mille foyers de Hangzhou, tous aussi visibles les uns que les autres.

Les monts Baoshi, comme leur nom chinois le laisse deviner, sont comme sertis de pierres précieuses rougeâtres, des minéraux que l'on connaît sous le nom savant d'ignimbrite et de rhyolite. On y trouve de l'oxyde de fer. C'est cette « météorite » dont parle Xu Xiake. Les recherches montrent que ces pierres sont le produit d'une éruption volcanique il y a 150 millions d'années et qu'elles ont pris cet aspect actuel après avoir été soumises aux éléments au fil du temps.

Le temple de la Réclusion de l'âme était à son apogée du vivant de Xu Xiake. Dans ses souvenirs, il mentionne la foule des pèlerins qui se pressaient, ses femmes somptueusement parées qui filaient entre les salles pour y brûler de l'encens, demander paix et prospérité au milieu d'une intense agitation. Mais ce qui l'avait le plus étonné, c'est qu'au sein de cette orgie d'encens et de luxe, un moine restait impassible, un vieux moine qui prenait le soleil en regardant les cieux, imperturbable, perdu dans ses méditations, indifférent aux sensations terrestres.

Une pagode à l'intérieur du Temple de la Réclusion de l'Ame

Les visiteurs sont toujours aussi nombreux et le temple n'a rien perdu de sa prospérité passée. Les fidèles viennent brûler de l'encens et s'incliner respectueusement alors que les moines s'activent. Traversant l'histoire, le monde du tumulte et des désirs restent inchangés, la seule différence à ce tableau étant que les ascètes qui se tournent sur leur monde intérieur et sur l'univers se sont raréfiés.

Xu Xiake n'est pas le seul à avoir décrit et consigné dans ses souvenirs la beauté et la richesse de Hangzhou. D'autres s'y sont essayés pour narrer des histoires toutes aussi différentes les unes que les autres.

Inutile ici de mentionner Marco Polo (1254-1324), que tout le monde connaît, qui s'étend longuement sur Hangzhou. Par contre, peu connaissent le Frère Oderic (1286-1331), un érudit franciscain qui est aussi un des quatre grands voyageurs du Moyen Age. Dans le recueil « Les voyages d'Oderic », il dépeint Hangzhou de manière pittoresque. Accompagné d'un résident converti au christianisme, il s'était embarqué à bord d'un navire pour se rendre dans un grand temple, qui serait selon toute vraisemblance le temple de la Réclusion de l'âme. Les moines lui ouvrirent les portes d'un parc qui abritait une colline recouverte d'arbres, puis frappèrent sur un gong : en l'entendant, toutes sortes d'animaux sauvages descendirent de la colline, des singes, des chats.... Le moine déposa des mangeoires pour les nourrir. Il frappa de nouveau sur le gong et les animaux se dispersèrent. A ce spectacle, Oderic se mit à rire et se renseigna sur ce qu'il avait vu. Le moine lui répondit que ces animaux renfermaient les âmes de personnes nobles. Oderic eut beau tenter de les convaincre qu'il ne s'agissait pas d'âmes, mais d'animaux sauvages, personne ne le crut.

Le Florentin Giovanni de' Marignolli (1290-1359), un père franciscain, ne tarit pas d'éloges sur Hangzhou dans les « Annales de Marignolli ». En l'évoquant sous son ancien nom, il écrit que « entre autre, il y a une ville appelée Campsay, c'est la plus belle, la plus grande, la plus riche et la plus populeuse, en un mot, la perfection. C'est la ville la plus riche du monde ».

Le voyageur d'origine berbère Ibn Battuta (1304-1377) publia en 1355 « Les voyages d'Ibn Battuta » dans lequel il décrit la mosquée, la vie des musulmans et les relations entre les communautés.

On connaît mieux Matteo Ricci (1552-1610), le jésuite italien et missionnaire, et ses « Notes sur la Chine ». En février 1599, il décrit Hangzhou comme une métropole du Zhejiang. Il y mentionne l'adage chinois « les cieux abritent le paradis, la terre abrite Suzhou et Hangzhou ». Sa tombe est toujours à Beijing près de Fuchengmen, une occasion de méditer sur le passé.

Les liens d'affection qui unissent les anciens à Hangzhou sont trop nombreux pour qu'on les énumère. Le poète Li Bai (701-762) et Bai Juyi (772-846) de la dynastie Tang, mais aussi le lettré de la dynastie Song Su Shi (1037-1101), et tant d'autres. Ces voyageurs, ces lettrés, ces missionnaires, qui ont écrit des récits de voyages ou composé des poèmes restés célèbres, ont tous décrit Hangzhou pour transmettre à la postérité les souvenirs du passé révolu de cette cité.

 

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