Le nouveau bâtiment de l'Union africaine, cadeau chinois |
Chika Ezeanya et Antoine Roger Lokongo Qu'y a-t-il derrière un bâtiment ? Le siège de l'Union africaine (UA) nouvellement construit à Addis-Abeba, a été inauguré le 18 janvier. Ce bâtiment devait illustrer le soutien apporté par la Chine à l'unité et l'intégration africaine. Au lieu de cela, il a provoqué un débat houleux. Dans son article intitulé « Tragédie du nouveau siège de l'UA », l'écrivaine et journaliste pour le NewsAfrica London Chika Ezeanya explique que ce bâtiment va poursuivre la manipulation et la domination politique et économique de l'Afrique par des puissances étrangères. Antoine Roger Lokongo, journaliste et doctorant à l'Université de Beijing estime au contraire qu'il va permettre de renforcer les liens sino-africains. La tragédie du nouveau siège de l'UA Le 28 janvier 2012, les pays africains sont descendus d'un cran dans l'indice de souveraineté nationale, d'intégrité territoriale et d'indépendance réelle. Ce jour-là, le président Hu Jintao était à Addis-Abeba, en Ethiopie, pour inaugurer le nouveau siège de l'UA, qui a coûté 124 millions de dollars, et a été offert au continent par la Chine. Qualifié de « cadeau de la Chine à l'Afrique », l'édifice a été édifié par la Chine State Construction Engineering, avec près de 90 % de main-d'œuvre chinoise. Cela décrédibilise l'UA qu'un bâtiment aussi symbolique que le siège de l'UA soit conçu, construit et entretenu par un pays étranger, quel qu'il soit. Dans l'histoire, les dons de bâtiments et de structures par une nation à une autre sont entourés d'intrigues et de subterfuges, de conquêtes, de machinations diplomatiques, d'espionnage et de contre-espionnage, de manipulations économiques, de domination politique. Le livre Architecture of Diplomacy écrit par Jane C. Loeffler révèle les manœuvres politiques et les ramifications politiques sous-jacentes dans la construction des ambassades américaines dans le monde entier. L'auteur y explique que la construction d'une ambassade requiert « autant de diplomatie que de design ». Le bon sens voudrait qu'à une époque d'exploitation croissante des ressources africaines par les puissances étrangères, notamment la Chine, l'UA, plutôt que de donner l'apparence de soumission en acceptant que son siège soit construit par la Chine, devrait prêcher l'égalité dans les relations entre le continent et les puissances mondiales. Kwame Nkrumah et d'autres grands dirigeants africains ont cherché à créer une organisation qui protègerait la proximité géographique et l'intégrité territoriale des pays africains. Dans son discours historique de 1963, l'empereur Hailé Sélassié avait clairement indiqué que l'organisation était créée parce que « l'Afrique est ressuscitée en tant que continent libre et que les Africains sont à nouveau des hommes libres. Le sang versé et les souffrances qu'a endurées l'Afrique justifient la liberté et l'unité. » Contrairement à l'engagement de son prédécesseur pour libérer le continent des forces impérialistes, le président éthiopien Meles Zenawi, actuellement accusé d'avoir vendu d'immenses parcelles de terre éthiopiennes à des pays étrangers, s'est vanté, lors d'une visite du bâtiment, de la manière dont il a fait du lobby auprès des dirigeants chinois pour construire le nouveau siège et comment il a levé les taxes sur l'importation des matériaux chinois de construction. Alors que l'UA pense qu'elle a fait un pari gagnant en s'installant dans ce bâtiment ultra moderne, la réalité est que le continent a perdu considérablement sur tous les plans, si l'on y réfléchit raisonnablement. Les tentatives pour renverser la perception dépréciative qu'ont les étrangers de l'Afrique et des Africains ont connu un revers important. En conséquence, la manipulation et la domination politique et économique de l'Occident sur la région va se poursuivre, et la Chine et bientôt le reste du monde lui emboîte le pas. Le nouveau siège de l'UA – Un hommage aux relations sino-africaines Dans son article publié le 26 janvier 2012 et intitulé « La tragédie du nouveau siège de l'UA », Chika Ezeanya (probablement africaine) affirme que c'est insulter l'UA et tous les Africains que de faire concevoir, construire et entretenir un bâtiment aussi symbolique que le siège de l'UA par un pays étranger (en l'occurrence la Chine). Ma première réaction en tant que journaliste est de trouver les informations correctes. En premier lieu, le nouveau siège de l'UA a été inauguré par Jia Qinglin, président de la Conférence consultative politique du Peuple chinois, et non par le président Hu Jintao. Deuxièmement, ce projet a coûté 200 millions de dollars au total, et non 124 millions, comme le soutient Chika Ezeanya. Troisièmement, une équipe de 1 200 ouvriers chinois et éthiopiens ont travaillé jour et nuit par alternance pour finir le bâtiment dans les délais. Fantalun Michael, le coordinateur du projet est lui-même africain. Si le projet a été coordonné par un Africain, il est de fait erroné de dire qu'il a été entièrement conçu, construit et entretenu par les Chinois, sans contribution africaine. Mais que Chika Ezeanya suggère que les Chinois, comme l'astucieux Ulysse, ont organisé un plan pour qui condamne les Africains est faire preuve de mauvaise foi. Cette personne peut s'opposer comme elle le souhaite au nouveau siège de l'UA, mais évoquer la construction des ambassades africaines dans le monde entier et attribuer les mêmes intentions à la Chine, c'est de la mauvaise théorie conspirationniste. Comment une Africaine comme Chika Ezeanya peut voir le siège de l'UA simplement comme une insulte, un discrédit ou une dégradation des dirigeants africains quand les Américains, les Grecs, les Anglais, les Espagnols, les Portugais, en un mot nos colonisateurs, empruntent de l'argent à la Chine et bénéficient des investissements chinois. L'Afrique a été frappée par une crise financière dont elle n'est pas responsable puisqu'elle a été causée par la corruption du système financier occidental. Quel autre ami de l'Afrique serait prêt à financer, concevoir, construire et maintenir le siège de l'UA au milieu d'une crise financière d'une telle magnitude, en plus de renflouer les pays africains et d'y investir au beau milieu de la crise ? Chika Ezeanya a peut-être un problème pour accepter le « cadeau de la Chine à l'Afrique », comme elle appelle le siège de l'UA. Elle considère que c'est un cadeau empoisonné, mais dans la culture chinoise, un cadeau est une manière d'exprimer son amitié, sa gratitude, sa loyauté ou son hospitalité à quelqu'un d'autre. La Chine a construit des « hôpitaux de l'amitié » et des « écoles de l'amitié » dans presque tous les pays d'Afrique. Pourquoi Chika Ezeanya ne suggère-t-elle pas de les fermer, puisqu'ils ont été conçus et construits par des Chinois ? Chika Ezeanza affirme que le bâtiment de l'UA a été construit majoritairement par des Chinois. Mais il y a encore des marges de progrès. Je suggère qu'une ville de l'UA soit construite autour du siège de l'UA, et ce par les Africains eux-mêmes.
Beijing Information |